FEMMES – Elles sont grisonnantes, ménopausées ou encore retraitées et, surtout, de moins en moins invisibles dans la société. Elles ont 40, 50 ans, 60 ans, parfois plus, et elles entendent bien parler de ces vies, leurs vies, celles qui ne s’arrêtent pas après la parentalité, après la ménopause ou après l’apparition des premières rides.

Dans un mélange de sexisme et d’âgisme, c’est-à-dire une attitude de discriminations et de préjugés à l’encontre d’une personne ou d’un groupe en raison de son âge, les femmes, passées une certaine décennie semblent disparaître des radars. Souvenez-vous, lorsque l’écrivain Yann Moix se disait ”être incapable d’aimer” une femme de son âge, c’est-à-dire de 50 ans au moment de la parution de l’interview de Marie Claire, en 2019. “Je trouve ça trop vieux. Quand j’en aurai 60, j’en serai capable, 50 ans me paraîtra alors jeune (…) Elles sont invisibles. Je préfère le corps des femmes jeunes, c’est tout. Point. Je ne vais pas vous mentir”. La messe était dite.

Fort heureusement, les femmes d’un certain âge n’ont pas attendu le regard de Yann Moix sur leur corps pour revendiquer leur “droit de ne plus avoir vingt ans”, comme le soulignait en janvier 2019 Rachida Dati au micro de France Inter. En ce lundi 8 mars, journée internationale des droits des femmes, et après nous être intéressés l’an passé à la ménopause en tant que tabou des inégalités, nous allons voir comment les femmes prennent la parole sur leurs vies de quinqua et comment elles se libèrent de plus en plus des carcans de l’âge.

Cette année, pour le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, Le HuffPost donne la parole à celles qu’on ne voit plus parce que les enfants sont grands et qu’elles n’en feront pas d’autres, parce que leur carrière est derrière elles ou que la ménopause vient bouleverser leur sexualité. Elles sont là et pour elles, avoir plus de 40, 50 ans ou 60 ans n’est pas une fin, au contraire, c’est un début d’une nouvelle, voire de nouvelles vies.

“La dénonciation de la comparaison entre les hommes, séducteurs, et les femmes, rangées des voitures, n’est pas neuve. Simone de Beauvoir l’écrivait déjà! Mais les réseaux sociaux démultiplient les appropriations, les prises de parole. Ils permettent une diffusion plus large dans le corps social”, analyse Sylvie Chaperon, historienne et chercheuse en sexologie, auprès du HuffPost.

Fossé entre les hommes et les femmes

Car certains préjugés et stéréotypes sur les femmes d’un certain âge sont tenaces. “Vieillesse peut rimer avec séduction pour les hommes, mais moins pour les femmes. Il existe toujours des préjugés sur les cheveux blancs au féminin, l’embonpoint au féminin, bien plus que sur le poids des hommes! Et l’idée qu’une femme âgée puisse être séduisante est difficile à accepter, bien sûr”, poursuit la chercheuse.

Camille Froidevaux-Metterie, philosophe et féministe, estime de son côté qu’un “fossé se creuse à partir de 50 ans. Notre culture esthétique valorise les quinquagénaires quand ce sont des hommes, elle les stigmatise quand ce sont des femmes. Pour elles, la cinquantaine demeure associée à la ménopause qui exclut les femmes de la catégorie des procréatrices, mais aussi de celle des femmes désirantes. Elles n’ont pas le droit de vieillir comme elles l’entendent”, explique-t-elle dans une interview à Madame Figaro.

De tout temps, la femme ménopausée a été stigmatisée, voire exclue de certains cercles, de par son âge et la fin de sa fertilité. “On y associe encore l’image de la sorcière, de la vieille peau fripée, de la femme qui a ‘des vapeurs’”, note Anne-Cécile Mailfert pour l’AFP. “La femme ménopausée, au comportement et à la parole parfois plus libres qu’auparavant, est devenue un fléau dont il fallait se débarrasser”, écrit Mona Chollet dans son livreSorcières, la puissance invaincue des femmes”, parlant même d’un “sentiment d’obsolescence programmée” et de “la hantise de la péremption qui marque toute l’existence des femmes”, mais pas celle des hommes.

Mais la situation est en train d’évoluer. “Nous sortons à peine de siècles d’invisibilisation des quinquagénaires”, note Camille Froidevaux-Metterie.

Réappropriation des tabous

Sexualité à 60 ans, ménopause, rides, cheveux gris, deuxième vie après le départ des enfants, carrière professionnelle qui n’est pas en reste, tous ces thèmes qui font le quotidien de ces femmes, elles se les réapproprient, les font leurs, et elles en parlent haut et fort, brisant ainsi petit à petit les tabous qui les enserrent.

“Je suis fatiguée de ne voir partout que des filles dans leurs glorious 30’s: 30 ans, taille 36 (magnifiques et talentueuses et bosseuses par ailleurs, mais loin de ma réalité). Moi j’en ai 50 et je fais du 46, j’aimerais avoir l’impression que j’ai un peu le droit d’exister aussi au-dessous de mon décolleté”, écrivait mercredi 20 janvier Hélène Legastelois, connue sous le pseudo “Mon blog de fille”, sur Instagram. “J’en ai marre de me cacher, de cacher ce que je suis (= une femme d’âge mûr en surpoids) parce que ce n’est pas acceptable pour la société)”, poursuivait celle qui a 117.000 abonnés.

De son côté, la fondatrice du compte “Ménopause stories”, Sophie Kune, dépoussière l’image qui colle aux femmes ménopausées. “La ménopause n’est ni un concept, ni un postulat, encore moins l’antichambre de la mort”, écrivait-elle sur Le HuffPost. “Du côté de mon corps, au moment où mes hormones ont commencé à faire du tohu-bohu, j’ai senti de nombreux changements, mais ce ne sont finalement pas à eux que je dois ma prise de conscience”, écrit-elle ce lundi 8 mars dans un blog sur Le HuffPost. “Ce qui a fait bouger mes lignes intérieures, c’est plutôt le regard que la société m’a porté à ce moment-là, un regard que nous supportons en silence, nous le gang des ′invisibles’, 14 millions de femmes rien qu’en France à être devenues transparentes d’un coup de baguette étrange”.

Sexualité, cheveux gris, carrière

Briser le tabou de la ménopause, mais aussi celui autour de la sexualité des quinquagénaires et plus. “Il serait à présent plutôt question d’exprimer un désir évoqué en toute simplicité, puis d’accueillir un plaisir intense. Parce que nous sommes libérées de la fonction reproductrice, pensons maintenant à nous. Comme le dit si bien Catherine Grangeard dans son livre, il n’y a pas d’âge pour jouir. Prenons-en conscience et sourions! L’avenir est à nous”, se réjouit-elle.

C’est sans compter sur toutes celles qui sont fières de leurs “silver hair”, leurs beaux cheveux gris, et qui semblent s’épanouir à travers -en partie du moins- cette chevelure, comme la journaliste et autrice Sophie Fontanel ou encore la blogueuse “Nice souris”.

La maternité, pour celles qui ont des enfants, reste importante, mais elle semble moins faire l’objet d’une sacralisation. Elles vivent désormais “une deuxième jeunesse après le départ des enfants”, estime Camille Froidevaux-Metterie pour qui il existe une “possibilité d’un changement de vie à cet âge”.

C’est ce qu’écrit Véronique Mokski, rédactrice web et blogueuse sur le site Les Nouvelles Femmes, sur la reconversion des mères, sur Le HuffPost ce 8 mars: “Avec le recul, j’ai eu plusieurs vies. Une carrière professionnelle en France pendant 15 ans, puis 15 autres années à l’étranger, où je me suis essentiellement consacrée à mon fils. Pour moi qui ai grandi dans une ferme, c’était comme déménager sur Mars. Je voulais lui donner une vision plus large de la vie, il en a très fortement bénéficié. Désormais je suis entrepreneure digitale, un brin nomade. J’encourage les femmes à oser choisir leur vie une fois que leurs enfants sont grands, sans suivre les codes qui ne leur conviennent pas. À être ambitieuses, enfin, très concrètement. Est-ce que cela durera 15 ans? Peut-être. Ce qui est sûr, c’est qu’après, au début de ma vieillesse, j’aurai encore un autre projet, lointain, constructif. Parce que maintenant, je sais comment ça marche. Et que le contre-courant me mène sur des terrains inconnus qui sont très fertiles.”

De son côté, Nathalie M. maman et autrice du blog Valorise ma maison, explique qu’après avoir laissé ses filles s’épanouir, à 52 ans, c’est enfin à son tour. Se lever à six heures, acheter une maison à la montagne, méditer, apprendre à coudre, à tricoter, lancer un troisième blog… “Je suis enfin là et maintenant. Dans les starting-blocks. Prête à reprendre le fil de mon histoire là où je l’avais laissé, vingt ans auparavant”, écrit-elle.

“Quinquados”

Car si avoir 50 ou 60 ans est comme un nouveau commencement, cet âge ne signe plus non plus la fin de leur carrière. Isabelle Barth a 60 ans et des enfants adultes “aux quatre coins du monde”. “Le bilan est vite fait. Que pèsent un statut social et un gros salaire face à mes valeurs et du temps passé auprès de ceux qui me sont chers?”, s’interroge-t-elle, avant de montrer qu’à 60 ans, on peut même entamer une nouvelle carrière. “Je pense résolument que chaque rupture est l’occasion de se remettre en cause, et d’imaginer d’autres futurs! Il faut aller de l’avant! Le 6 juin, je quitte mon entreprise pour reprendre mon poste à l’Université, et j’entame une nouvelle vie de conférencière, enseignante, chercheure, chroniqueuse…”

Ne nous méprenons pas pour autant. Elles restent en effet confrontées au plafond de verre, avec un décrochage qui intervient souvent autour de la première grossesse. Celui-ci ne cesse ensuite de croître. L’écart salarial est en effet de 26,2% entre les femmes et les hommes après 50 ans, alors qu’il n’est “que” de 4,2% pour les moins de 26 ans, d’après des chiffres de l’Insee.

Mais une chose est certaine, elles ne sont pas prêtes de se laisser invisibiliser à nouveau. À propos de ces “quinquados”, pour reprendre l’expression du sociologue Serge Guérin, le changement est en train d’opérer. Et même si, comme il l’explique pour Marie Claire, “le regard social est toujours plus violent envers les femmes (…) ces dernières années a eu lieu un vrai changement. Plus autonomes financièrement et professionnellement, les femmes sont aussi moins dépendantes du regard des autres”.

À voir également sur Le HuffPost: Illana Weizman raconte son post-partum et le tabou qui l’entoure

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