Un Retour à Jabalia : Souvenirs d’un Refuge
Dans mon esprit, le mot arabe mukhayyam, signifiant «camp», évoque toujours le camp de réfugiés de Jabalia, situé au nord de Gaza. Bien que je sois né au camp de réfugiés d’Al-Shati, à quelques kilomètres de là, Jabalia reste gravé dans ma mémoire comme le lieu de naissance de mes grands-parents maternels et de ma mère. Il s’agit du plus grand camp de Gaza, peuplé par plus de cent mille personnes. Au fil du temps, ses installations informelles se sont transformées en un dense dédale de structures en béton, évoluant à mesure que les familles ajoutaient des chambres et des étages. J’ai étudié à Jabalia de la cinquième à la neuvième année, et j’y faisais du shopping les vendredis avec ma mère et, plus tard, avec ma femme.
La Vie Quotidienne au Cœur du Camp
Durant mon enfance, un simple fait marquait mon esprit: comment une rue étroite pouvait se transformer en café improvisé. Au plus fort de l’été, les voisins amenaient des chaises dans la rue pour fuir la chaleur étouffante. Rapidement, une conversation animée s’engageait sur des sujets variés tels que le travail, le football, ou la politique. Les enfants, souvent assis sur des morceaux de carton, écoutaient avec attention les adultes débattre avec passion, chacun devenant tour à tour analyste politique, commentateur sportif ou critique gastronomique.
Les Traces du Passé
Mes grands-parents maternels vivaient sur la rue Hawaja, à vingt-cinq minutes de marche de notre maison à Beit Lahia. Leur demeure, simple mais accueillante, comprenait deux chambres, un salon, et une pièce de rangement contenant un sac de farine de blé et un matelas pour les hôtes. Leurs murs étaient couverts de graffitis: blagues, messages, numéros de téléphone pour la gazinière, et les noms de personnes tombées sous les frappes israéliennes. Le camp de Jabalia était un endroit vivant où nous créions nos propres raisons de fêter la vie, même si ces moments étaient éphémères.
Les Cicatrices du Conflit
Après le 7 octobre 2023, ma famille dut fuir les frappes israéliennes à Beit Lahia pour se réfugier chez des proches à Jabalia. Malgré la dévastation, l’esprit du camp demeurait intact. Le 28 octobre, je fus témoin d’une explosion emportant notre maison laissée derrière nous. Les frappes israéliennes ne cessaient de s’intensifier, causant des destructions que je n’aurais jamais pu imaginer auparavant.
- Des bâtiments déjà bombardés étaient réduits en cendres une nouvelle fois.
- La vie quotidienne devenait un lointain souvenir parmi les décombres d’un camp méconnaissable.
Des Images Indélébiles
Les souvenirs de mes grands-parents, Hasan et Khadra, contraints de quitter Jaffa en 1948, revinrent en force. Leur exil vers le camp d’Al-Shati et leur adaptation à une nouvelle réalité familiale persistèrent dans mon esprit. Aujourd’hui, près de soixante-dix pour cent des Gazaouis sont des réfugiés, un chiffre en augmentation effrayante selon les rapports de l’ONU.
Espoirs et Réalités Actuelles
En décembre 2023, ma famille a quitté Gaza pour Syracuse, New York. Le lourd bilan des pertes humaines et matérielles ne cesse de s’alourdir, me laissant peu d’espoir pour un retour à la normale. Les souvenirs de ceux que j’ai perdus pèsent sur moi, mais l’espoir que mes proches survivent pour que je puisse les revoir un jour reste vivace.
- Peu de familles restent à Jabalia, un camp vidé de sa substance.
- La vie quotidienne, autrefois remplie de petits moments de bonheur, est aujourd’hui un souvenir lointain.
Le 19 décembre, Human Rights Watch a publié un rapport soulignant les actes de génocide commis à Gaza. En regardant les photos satellites récentes de Jabalia, je vois une étendue de béton, un contraste saisissant avec mes souvenirs du camp.
Regarder Vers l’Avenir
Ma tante Iesha, qui vit maintenant loin du camp, m’a écrit pour exprimer sa nostalgie des jours passés à Jabalia, de la vie avec ses voisins, et des souvenirs indélébiles laissés par chaque bâtiment. Comme le suggèrent les mots du poète palestinien Mahmoud Darwish, nous pourrons peut-être reconstruire le camp, mais qui pourra ramener « les vieux amis »?
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