Arabie Saoudite : Pivot stratégique d’un Proche-Orient en mutation

La Réalité des “Printemps Arabes” en Arabie Saoudite

L’Arabie saoudite croyait pouvoir laisser derrière elle les conséquences des « printemps arabes » qui ont éclaté en mars 2011. En effet, le pays souhaitait recentrer son attention sur une « paix des autocrates » — une stratégie visant à établir une stabilité durable au Moyen-Orient à travers le développement économique. Cependant, les événements survenus depuis le 7 octobre 2023 ont semblé remettre en question ce projet. La prise de pouvoir des rebelles syriens à Damas et l’attaque meurtrière du Hamas contre Israël ont contré le plan de normalisation des relations que Riyad avait entamé avec Damas et Israël.

Un Éveil Brutal au Politique

Comme l’affirme Stéphane Lacroix, chercheur associé au CERI-Sciences Po Paris, « avant le 7-Octobre, l’Arabie saoudite rêvait d’un monde où le marché prenait le dessus sur le politique. » L’événement du 7 octobre a été un véritable choc, exposant les limites du discours nationaliste du pays. Ce retournement a mis en évidence que la stabilité économique ne pouvait être atteinte sans prendre en compte la dynamique politique complexe de la région.

Une Nouvelle Stratégie sous Mohammed Ben Salman

Depuis 2020, le prince héritier Mohammed Ben Salman, communément connu sous le nom de « MBS », a adoptés une approche plus pragmatique et prudente en matière de politique étrangère. Soucieux de repositionner le royaume sur la scène internationale, il a dû naviguer avec soin entre les ambitions de son héritage et les réalités géopolitiques. Son hésitation à s’engager dans des aventures militaires, comme la guerre au Yémen lancée en 2015, témoigne d’une volonté d’éviter de nouvelles déconvenues.

Une Politique Étrangère Transformée

Le leadership de MBS représente une nouvelle génération néolibérale qui s’éloigne des approches traditionnelles de son père, le roi Salman. Bien que ce dernier détienne le pouvoir de décision ultime, MBS a largement pris en main les questions de politique étrangère. Comme le souligne Hussein Ibish, expert sur le Golfe, « le roi Salman a délégué presque toutes les prises de décision à son fils, MBS », permettant ainsi à ce dernier d’imprimer sa propre empreinte sur les orientations stratégiques du royaume.

Des Relations Régionales en Mutation

Cette dynamique changeante appelle à une réévaluation des relations saoudo-syriennes et saoudo-israéliennes. Alors que Riyad souhaitait normaliser ses relations, le contexte régional, ravivé par des conflits et des tensions, complique cette entreprise. Les acteurs régionaux, y compris le Hamas, réalisent désormais que leur influence peut contrarier les plans saoudiens, créant une atmosphère d’incertitude qui pourrait perdurer.

Vers une Nouvelle Vision pour le Moyen-Orient

Dans un monde en constante évolution, l’Arabie saoudite est confrontée à un défi sans précédent. Pour MBS, l’enjeu consiste à élaborer une nouvelle stratégie régionale capable d’intégrer la réalité politique tout en poursuivant les ambitions économiques du pays. Cela nécessitera un **dialogue ouvert** et une adaptation continue face aux changements sur le terrain, afin de trouver un équilibre entre intérêts nationaux et instabilités régionale. Le chemin à parcourir reste semé d’embûches, mais l’Arabie saoudite est en quête d’un moyen de réinventer son rôle tout en prenant en compte ces nouvelles réalités.**