C’est ce texte, et ses quelque 2.300 amendements, qui doit notamment permettre l’accès à la procréation médicalement assistée à toutes les femmes. Une “fierté” pour le ministre de la Santé Olivier Véran qui, avec Frédérique Vidal et Éric Dupond-Moretti, porte cette loi après des années de retard et d’atermoiements en la matière.
Mais outre les traditionnelles crispations de l’écrasante majorité de la droite sur l’ensemble de “ces droits nouveaux”, un sujet divise la majorité: l’autorisation du don d’ovocytes dans un couple de femmes. La méthode dite “Ropa” pour réception d’ovocytes de la partenaire, une variante du traitement de Fécondation in vitro (FIV) s’adressant à des couples de femmes qui décident d’avoir un bébé ensemble et veulent toutes deux participer activement à la grossesse.
“Totalement contraire à notre éthique”
Ce sont les députés de la majorité, d’ordinaire plutôt discrets dans la contradiction du gouvernement, qui ont ajouté cette disposition en commission, sous l’impulsion des associations LGBT. Et ce allant ainsi à l’encontre des avis défavorables des ministres de la Santé successifs.
“Concernant la Ropa c’est-à-dire, dans un couple de femmes homosexuelles, la réception d’ovocytes congelés d’une femme par sa partenaire, qui porterait le bébé, il s’agit clairement, pour le Gouvernement, d’un don dirigé de gamètes”, expliquait Agnès Buzyn dès le mois de septembre 2019, en parlant devant la commission spéciale de l’Assemblée nationale de “pratique contraire à (notre) éthique.” La disposition avait été supprimée en première lecture.
Qu’à cela ne tienne, les députés marcheurs ont réitéré leur coup de force quelques mois -et un nouveau ministre de la Santé- plus tard. Ils ont, sous l’impulsion du député-rapporteur et médecin de profession Jean-Louis Tourraine, ré-inscrit l’autorisation de la méthode Ropa dans le texte, juste avant les nouvelles discussions dans l’hémicycle.
Les responsables ont eu beau changer, la position de l’exécutif reste la même. “Agnès Buzyn était contre et le gouvernement est contre également cette question-là”, expliquait Olivier Véran le 10 juillet dernier sur BFMTV.
Les députés LREM font de la résistance
Et le ministre de la Santé d’ajouter un argument sanitaire au débat éthique déjà soulevé par sa prédécesseur. La technique implique “une stimulation hormonale et des ponctions d’ovocytes qui ne sont pas des gestes neutres, à une femme qui n’en relève pas forcément”, détaillait-il en évoquant un “acte invasif” qui rend la question “extrêmement complexe d’un point de vue éthique.”
Pas de quoi convaincre le député Jean-Louis Tourraine, l’un des principaux acteurs de ce bras de fer, qui semble pouvoir compter sur le soutien d’une partie de la majorité. Invité de RFI ce mardi 28 juillet, il n’a pas franchement fait montre d’un grand pessimisme malgré l’opposition répétée du gouvernement.
“Tous les gynécologues-obstétriciens se sont exprimés à cet égard et ont dit: il n’y a aucune raison, aucune autre qu’idéologique pour ne pas le réaliser”, avance le professeur de médecine, ajoutant: “sur le plan pratique c’est une chose qui est déjà bien codifiée, qui se fait d’ailleurs très couramment et qui se fait en France, naturellement, comme dans d’autres pays.”
Le gouvernement a deux options
Jean-Louis Tourraine explique même qu’il s’agit d’une question d’égalité. “Il est constant, il est habituel qu’un homme puisse donner ses spermatozoïdes à sa femme si ce n’est pas dans les conditions naturelles. (…) Et bien là, c’est un don d’ovocytes d’une femme à sa femme. Et si on ne l’accepte pas, c’est un peu une forme de discrimination contre les femmes homosexuelles”, prévient-il.
Au moment d’arriver dans l’hémicycle, le texte ainsi rédigé permet donc deux disposition: la première, ouvrant cette méthode “Ropa” à toutes les femmes pour tous les couples. Et la deuxième, qui n’autorise ladite technique qu’aux femmes souffrant d’infertilité. “Certains s’opposent à l’une ou les deux”, confirme Jean-Louis Tourraine au HuffPost, avant de s’interroger: “quel sera le vote en séance plénière?”
Et le suspense est entier. Le gouvernement, par la voix d’un Olivier Véran “personnellement favorable à certaines évolutions dans le texte”, pourrait être tenté d’opter pour la seconde option, celle d’une autorisation très encadrée, dans la volonté de ménager toutes les sensibilités.
Au risque de mécontenter tout le monde, des couples homosexuels souhaitant jouir de “la liberté de dessiner le projet parental souhaité” aux responsables de droite et autres associations anti-PMA qui voient en la méthode Ropa l’antichambre de la gestation pour autrui.
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