CORONAVIRUS – Gare à l’excès d’enthousiasme. La parution, mercredi 19 août, d’une étude qui démontre l’efficacité des anticorps face au Covid-19 a pourtant de quoi rassurer: les membres de l’équipage d’un bateau de pêche de Seattle où sévissait le coronavirus n’ont pas été réinfectés une fois remis au contact de la maladie. Ce qui prouverait que les convalescents bénéficient bien d’une immunité devant ce qui se dessine comme une deuxième vague épidémique.
Cette étude de l’Université de l’état de Washington et du Fred Hutchinson Cancer Research Center de Seattle, si elle porte sur un nombre très faible de patients, a rassuré une partie de la communauté scientifique. Car si l’on savait que le coronavirus provoquait une réaction des anticorps, il était difficile de démontrer que cette réaction était suffisante pour induire une immunité. À l’heure où le nombre de contaminations bondit à nouveau en France, les convalescents doivent-ils pour autant se sentir à l’abri? Pas sûr.
Il y a d’abord un déficit de connaissance qui perdure depuis le début de la pandémie. On ne sait toujours pas à partir de quel seuil les anticorps s’attaquent efficacement au virus, ni pendant combien de temps. Oui, il existe un niveau efficace d’anticorps, l’étude citée plus haut le démontre, mais on n’en sait guère plus pour l’instant.
Une fourchette entre 105 et 211 jours?
Les chercheurs ont étudié les seuils pour d’autres infections proches. Mais celui de Sars-Cov2 est encore inconnu. “On a une idée triviale: plus on a d’anticorps neutralisants, mieux on est protégés. Si l’on compare à une voiture, on sait que plus le moteur est puissant, plus elle va aller vite, mais cela ne nous donne pas sa vitesse exacte”, avait ainsi schématisé pour le HuffPost Marc Eloit, responsable du Laboratoire Découverte de pathogènes de l’Institut Pasteur.
Résultat, même lorsque l’on sait qu’un patient est guéri du Covid-19, impossible de connaître avec certitude pendant combien de temps cette immunité acquise restera efficace. Deux études parues au mois de juillet s’avancent à des pronostics, en se basant sur deux méthodes distinctes.
La première, issue d’un laboratoire espagnol, s’appuie sur les statistiques épidémiques de la ville de New York pour donner une fourchette d’immunité: “pas moins de 105 jours, mais pas plus de 211 jours”, expliquent ainsi les chercheurs. Des bornes bien précises, obtenues en analysant le pic, puis la descente et enfin la remontée de l’épidémie dans la mégapole américaine. Dans cette dernière phase, les auteurs estiment que les réinfections ont joué un rôle important, notamment les asymptomatiques non diagnostiqués.
Autre équipe, pour une méthode radicalement différente: des chercheurs britanniques ont publié les résultats des analyses de l’évolution des anticorps de 65 malades pendant et après leur contamination. Leurs résultats montrent que le pic de concentration de nos défenses naturelles arrive en moyenne une trentaine de jours après l’infection, avant de baisser fortement à partir d’une cinquantaine de jours. Est-ce à dire qu’au bout de trois mois, on est à nouveau en danger d’être malade?
Cela, les chercheurs du King’s College de Londres n’en savent rien, toujours en raison de cette grande inconnue: à quel niveau de concentration les anticorps sont-ils efficaces? Le parallèle avec le SRAS, lui aussi un coronavirus, est encourageant: des patients étudiés trois ans après avoir été guéris de la maladie montraient un taux très affaibli d’anticorps… mais suffisant pour garder leur immunité contre l’infection.
Le Covid, un virus saisonnier?
Cette comparaison avec les autres coronavirus est cependant à double tranchant, comme l’a montré il y a quelques semaines une équipe de chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’AP-HP et du CEA (Commissariat à l’Énergie atomique).
Leurs travaux s’intéressent aux quatre coronavirus saisonniers, ceux que l’on attrape presque chaque année en hiver, que l’on qualifie généralement de rhumes, et qui s’en vont d’eux-mêmes. En étudiant un groupe de 800 enfants, les jeunes étant particulièrement touchés par ces virus bénins, les chercheurs se sont aperçus qu’une infection de l’année précédente ne les protégeait absolument pas l’hiver suivant.
Autrement dit,“malgré un niveau de matelas immunitaire important, 75% des enfants sont touchés chaque année” explique Marc Eloit, qui a participé à cette étude. Cela signifie que le virus circule sans être gêné par une quelconque immunité de groupe… et sans que guérir de la maladie signifie qu’on en soit désormais protégé toute sa vie.
Cela ne veut pas dire que Sars-CoV-2 possède les mêmes propriétés: il est possible, à l’image du SRAS, que l’immunité dure plusieurs années une fois la bataille remportée contre la maladie. Mais rien ne l’indique aujourd’hui, d’autant que l’on ne sait pas à quel rythme le coronavirus va continuer d’évoluer. S’il est comme ses cousins saisonniers, il pourrait prendre un nouveau visage chaque année et muter très largement. Une fragilité supplémentaire dans l’hypothèse de l’immunité acquise.
L’état de la recherche propose désormais différents scénarii où l’immunité acquise permettrait pendant plusieurs mois de s’estimer protégé, allant de quelques mois à quelques années. Mais aucun n’est certain tant la pandémie est encore récente. S’il n’y a pas eu encore de cas démontrés de réinfection, dans un contexte de brusque remontée, rien ne dit avec certitude qu’ils ne pourraient pas avoir lieu dans les semaines ou les mois qui viennent.
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