Ce lundi 14 décembre, les grands électeurs désignés par le vote populaire lors de l’élection présidentielle du 3 novembre dernier sont appelés, à leur tour, aux urnes. Il s’agira pour eux de soutenir le candidat désigné au suffrage universel dans chaque État (même si une partie n’est pas obligée légalement de le faire et pourrait, en théorie du moins, décider de renverser le choix du peuple). En clair, ils officialiseront la victoire de Joe Biden.
Or si Donald Trump -coincé par son parti pris de ne pas reconnaître la défaite et d’assurer inlassablement et sans preuve qu’il a été victime de fraude électorale- ne s’était pas encore prononcé sur son avenir, les choses ont changé en ce mois de décembre. Selon plusieurs journalistes bien implantés à la Maison Blanche, à l’occasion d’une réception de Noël, le 1er décembre dernier, il aurait en effet déclaré à ses invités: “Ces quatre années ont été magnifiques, nous essayons d’en avoir quatre de plus. Et sinon, je vous reverrai dans quatre ans.”
At a White House Christmas party tonight, President Trump told guests, “It’s been an amazing four years. We are trying to do another four years. Otherwise, I’ll see you in four years.”
— Kaitlan Collins (@kaitlancollins) December 2, 2020
Une dernière image triomphale… pour commencer?
Car selon la presse américaine, Donald Trump compte bel et bien s’imposer comme le trublion principal des quatre prochaines années sur la scène politique, fort des 74 millions de voix reçues dans la défaite (plus que n’importe quel président élu dans l’Histoire des États-Unis, hormis Joe Biden bien sûr).
Comme le révélait en premier NBC News le 1er décembre, l’hypothèse de voir Donald Trump embarquer dans l’avion présidentiel Air Force One le jour de la prestation de serment de Joe Biden pour aller donner au même moment un meeting devant des milliers de fans gagne effectivement en crédit ces derniers jours. D’autant que la manœuvre lui permettrait à la fois d’éviter les supporters de Joe Biden rassemblés pour l’inauguration du nouveau chef de l’État et de s’offrir une dernière image triomphante en tant que président américain. Le début de sa vie d’opposant numéro 1 à Joe Biden (et très probablement de Kamala Harris en 2024) en quelque sorte.
D’ici là, il agit déjà en chef de file du parti, menant la campagne pour les élections sénatoriales en Géorgie, scrutins qui se dérouleront début janvier et qui décideront de la couleur politique de la chambre haute. C’est-à-dire de la possibilité pour Joe Biden de gouverner comme il l’entend ou d’avoir à faire face à une opposition tout à fait capable de bloquer sa moindre initiative. Un combat qui concerne tout autant Donald Trump que son parti donc.
La carotte et le bâton. Surtout le bâton.
Et Donald Trump ne fait pas que des compliments à son camp. Fidèle à sa stratégie depuis qu’il est entré en fonction, il n’a eu de cesse, depuis le 4 novembre, de fustiger ceux parmi ses alliés qui ont refusé la rhétorique d’une fraude démocrate qui lui aurait “volé” la réélection. Ce qui fait craindre à une partie des républicains, comme l’analyse Politico, que Donald Trump devienne aux yeux des électeurs du parti, la seule voie possible.
La preuve, précise la publication américaine, c’est qu’au sein des donateurs (essentiels dans la politique américaine car ils financent les campagnes) du parti républicain comme des élus, nombreux sont ceux qui ne parviennent même plus à imaginer un futur sans Donald Trump, attendant désespérément qu’il soit effectivement candidat en 2024 ou au contraire qu’il choisisse lui-même de prendre ses distances avec la vie politique. D’ici là, ils s’apprêtent donc à vivre avec un homme qui dicte seul la ligne politique de tout le mouvement, bien aidé par des institutions partisanes aussi neutres que consentantes, et qui n’hésite pas à montrer les muscles et à vilipender dès lors que l’on essaie de lui faire reconsidérer ses positions.
À cet égard, Politico cite l’exemple de Mike DeWine, gouverneur de l’Ohio, qui après avoir été un très proche soutien de Donald Trump durant la campagne, a aussi été l’un des premiers à reconnaître la défaite et à insister pour que la transition se mette en branle. Réponse immédiate de Donald Trump? Un tweet lapidaire dans lequel il se demandait qui pourrait bien être le prochain gouverneur de l’Ohio, appelant un républicain plus discipliné à se présenter contre Mike DeWine. Et quand Doug Ducey, le gouverneur de l’Arizona a eu le culot (du point de vue présidentiel bien sûr) de confirmer la défaite du milliardaire dans l’État, Donald Trump n’a pas hésité à évoquer une “trahison du peuple”, rien de moins. Idem en Géorgie, où le président a flingué à tout va. Des exemples parmi tant d’autres des manœuvres trumpesques pour mettre au pas tout un parti et des élus parfois extrêmement puissants.
Donald Trump, l’inévitable
“Il est impossible pour un républicain d’envisager une réélection en 2022 (lors des élections de mi-mandat, de nombreux postes locaux et nationaux seront remis en jeu, ndlr) si l’on n’est pas team Trump”, confie une source proche du président. Logique pour un homme qui estime que sa défaite en 2020 va l’empêcher d’accomplir la mission qu’il s’était fixée: pour lui rien ne doit changer pendant quatre ans et lui doit pouvoir renouer le fil de son mandat. D’ailleurs, les centaines de millions de dollars qu’il a levés pour combattre juridiquement les résultats de la présidentielle sont allés à des organisations politiques républicaines qui le soutiennent et pourront être réutilisés, pour ce qu’il en reste, dans de futures campagnes.
Surtout, avec sa stratégie de caïd de cour de récréation désireux d’éteindre toutes velléités de rivalité dans son camp, Donald Trump a fait en sorte de n’être plus entouré que de ses proches, y compris parmi les “présidentiables” des années à venir. Parmi les noms cités le plus souvent pour viser la Maison Blanche, on retrouve son vice-président Mike Pence, celle qu’il a nommée aux Nations unies Nikki Haley ou encore son propre fils Donald Jr. Autant de figures qui seront ravies de s’effacer quatre ans de plus derrière la casquette rouge de “MAGA” en attendant de pouvoir tenter leur chance à leur tour.
Et même les alliés qui pourraient lui contester la place de leader du parti, à l’image des sénateurs Marco Rubio, Josh Hawley et Rick Scott, continuent -pour le moment en tout cas- de reconnaître sa supériorité. “S’il se présente, il sera largement favori. Et je pense qu’il gagnerait”, a même admis le premier cité, élu en Floride.
En ayant réussi à personnifier la politique américaine à des niveaux jamais atteints, avec en point d’orgue une dernière présidentielle qui a viré au référendum pour ou contre Donald Trump, le président sortant s’est en effet positionné dans le rôle d’incontournable du parti républicain. Y compris aux yeux des électeurs, qui étaient, on le rappelle, 74 millions à le soutenir, en dépit de quatre ans d’une présidence exubérante et bien souvent mensongère. “Quand bien même l’establishment républicain ne voudrait pas qu’il se représente, ses millions de supporters le veulent”, résumait récemment un vétéran du parti auprès de nos confrères britannique du Sunday Times. Vaincu, et dans les grandes largeurs, Donald Trump demeure ainsi inévitable. Jusqu’à ce qu’il change soudainement d’avis ou que la justice le rattrape?
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