Se voyant déjà en haut de l’affiche des candidats retenus sur la ligne de départ, il a réussi à s’en prendre en deux phrases à ses principaux adversaires, y compris au sein de son camp. “Je ne veux pas d’un dirigisme d’État technocratique, ni d’un dirigisme d’État vert ou rouge”, lance-t-il à l’égard d’Emmanuel Macron, de Jean-Luc Mélenchon et de ses propres troupes. “La sociale-démocratie a démontré ses limites”, termine-t-il avec le quinquennat socialiste de François Hollande. À deux jours d’une réunion qu’il a lui-même organisée avec l’ensemble de la gauche, cette stratégie de premier tour n’était peut-être pas la bonne, mais il s’affirmait sur le plateau.
L’assurance ou l’expérience de Le Maire
Et puis, Bruno Le Maire est arrivé. Et l’assurance ou l’expérience ont joué en la faveur du ministre de l’Économie qui a “gouverné la France pendant dix ans sur quinze”, comme le lui a rappelé à bon escient Yannick Jadot.
L’écologiste a d’abord été contraint de récupérer les maladresses reprochées à certains maires de son camp. “Moi, j’adore le Tour de France, je le regarde, mais on ne peut pas laisser une entreprise laisser autant de déchets en plastique”, a-t-il résumé comme dans un “en même temps” d’une écologie centrale ou pragmatique qu’il souhaite incarner.
Malgré quelques bonnes répliques, “Ce qui est sûr, c’est que nous, nous n’avons pas d’agences de com’ pour inventer le mec de ‘Make the planet great again’”, ou une saillie sur la défense des services publics contre la règle des 3% de déficit public imposée par Bruxelles et soutenue par Le Maire: “3% ça veut dire moins de lits hôpitaux, c’est pas un hasard si on n’a pas de vaccins en France”, Jadot a eu du mal à tenir la distance.
“Vous la soutenez ‘Ma Prime Rénov’?”
Il faut dire qu’en face de lui, le ministre de l’Économie arrivait avec son plan de relance à 30 milliards pour l’économie verte et une “prime rénov” qui a “aidé 200.000 familles françaises cette année” et sur laquelle Yannick Jadot ne s’est jamais positionné, visiblement embarrassé. Même sur le nucléaire, Barbara Pompili, la numéro 2 du gouvernement Castex, aurait été plus offensive pour prendre ses distances, quand lui hésite dans un nouveau en même temps: “On ne va pas arrêter du jour au lendemain le nucléaire (…) Il faudra en sortir…”, finit-il par lâcher. “Allez-y rapidement”, le presse Léa Salamé.
C’est surtout sur la forme que Yannick Jadot a été recadré, se faisant couper la parole par les journalistes ou son adversaire du moment, parfois sur un ton professoral. “Vous avez le temps, débattez!”, lui conseille Léa Salamé. “Ne donnez pas tous vos arguments”, surenchérit Le Maire, un rien condescendant. “Étayez Yannick Jadot”, l’encourage Salamé; “M. Jadot, si vous vouliez bien débattre avec moi plutôt qu’avec M. Sotto”, conclut Le Maire.
“Un strapontin aux Transports”
Sur Air France, au lieu de concentrer ses arguments sur le manque de conditions aux aides accordées, Jadot préfère prendre son temps de parole pour saluer l’action du gouvernement. “Il faut sauver Air France”, appuie-t-il face à un Le Maire satisfait. “Je suis heureux qu’on ait une industrie aéronautique”, salue-t-il encore, avant d’égrener ses voyages en avion jusqu’au Bangladesh qu’il a pu faire au cours de sa carrière professionnelle et dont il se souvient avec émotion. Il ne restait plus beaucoup de temps pour les conditions aux aides, chères à son camp.
– Bruno Le Maire : « Les Verts sont les spécialistes de la division »
– Yannick Jadot : « Le meilleur mot que vous ayez sorti, c’est “Emmanuel Macron est un homme sans projet, parce que c’est un homme sans convictions” »
Passe d’armes entre les invités de #VALP ce soir pic.twitter.com/EOa9ewG5RS— Vous avez la parole (@VALP) April 15, 2021
À tel point que Bruno Le Maire lui a même proposé, à la toute fin du débat “un strapontin aux Transports”, se faisant soudain chef d’un potentiel gouvernement à composer. Car Le Maire, pour son anniversaire qui lui a même été souhaité par Jadot, jouait lui une tout autre partition. Interne. Alors qu’Emmanuel Macron pourrait avoir envie de changer de Premier ministre pour la campagne électorale. “Je n’ai pas le temps de me consacrer aux problèmes internes des Verts”, a-t-il dit, souhaitant même “bon courage” à Jadot pour sa réunion avec ses partenaires de gauche samedi alors que “Jean-Luc Mélenchon pratique la distanciation sociale à des milliers de kilomètres”.
Jadot aura peut-être marqué des points au sein de l’opinion et de son propre camp avec cette dernière punchline: “Le meilleur mot que vous avez sorti c’est ‘Emmanuel Macron est un homme sans projet, parce que c’est un homme sans conviction. C’était la meilleure formule de 2017!’”. On le saura très vite. Le Maire, lui, en aura en tout cas certainement marqué en interne.
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