La Cour suprême n’a pas annulé le droit à l’avortement, mais a renvoyé aux États la charge de légiférer sur le sujet. Certains d’entre eux, comme le Missouri, ont d’ailleurs annoncé quelques minutes après l’arrêt de la Cour suprême l’interdiction des interruptions volontaires de grossesse. “La Constitution ne fait aucune référence à l’avortement et aucun de ses articles ne protège implicitement ce droit”, justifie le juge Samuel Alito, qui a écrit l’arrêt.
Dans un avis concurrent de celui de la majorité -ce qui signifie qu’il soutient le verdict mais souhaite ajouter un commentaire- le conservateur Clarence Thomas estime qu’il faut examiner d’autres jurisprudences qui concernent la vie privée des Américains et qui s’appuient sur le même argumentaire que Roe v. Wade. Selon lui, une “myriade de droits” ont été accordés et la Cour a “le devoir de corriger l’erreur” qu’elle a instaurée, écrit-il.
Une dérive conservatrice
Le juge Clarence Thomas cite trois autres arrêts dans son viseur:
– “Griswold v. Connecticut” de 1965 qui autorise la contraception
– “Lawrence v. Texas” de 2003 qui rend inconstitutionnelles les lois pénalisant les relations sexuelles entre personnes de même sexe
– et “Obergefell v. Hodges” de 2015 qui légalise le mariage des personnes de même sexe.
Par exemple, si la Constitution ne protège pas explicitement le droit à la contraception, son accès n’a pas à être garanti au niveau fédéral, estime en somme Clarence Thomas, nommé par George Bush père en 1991.
Cette dérive vers une Amérique toujours plus conservatrice avait été pointée du doigt par de nombreux défenseurs des droits LGBT et des femmes dès la fuite du brouillon de la décision début mai. “La décision de la Cour suprême sur l’avortement ouvre un champ des possibles qui est plutôt inquiétant. Elle serait en effet basée sur la remise en cause du droit à la vie privée. Or, de nombreuses décisions ont depuis été basées sur le même principe”, expliquait aussi au Huffpost Jean-Eric Branaa, maître de conférence à Paris 2 Panthéon Assas, et auteur de Kamala Harris: L’Amérique du futur (Nouveau Monde Eds).
“Le juge Thomas a explicitement appelé à reconsidérer le droit à l’égalité du mariage, le droit des couples à faire leurs choix en matière de contraception. C’est une voie extrême et dangereuse sur laquelle la Cour nous entraîne”, a alerté le président Joe Biden en réaction à la décision de l’institution.
Le mariage entre personnes du même sexe cible des conservateurs
Il s’agit pour l’instant uniquement de l’opinion d’un juge -sur les neuf qui constituent le temple du droit américain-, et rien ne dit qu’il arrivera à l’imposer aux autres. Les trois magistrats progressistes se sont dissociés de la majorité qui, selon eux, “met en danger d’autres droits à la vie privée, comme la contraception et les mariages homosexuels”.
La décision de ce vendredi 24 juin elle-même écrit d’ailleurs noir sur blanc que “rien dans cet arrêt ne doit être interprété comme remettant en doute des jurisprudences sans lien avec l’avortement”. L’un des juges conservateurs les plus récemment nommés, Brett Kavanaugh, va plus loin dans son propre argumentaire en affirmant que la remise en cause du droit à l’avortement “ne menace pas” les autres droits.
Mais le profond remaniement de la Cour suprême sous la présidence de Donald Trump, qui a nommé trois nouveaux juges, dont Brett Kavanaugh, et donné ainsi une franche majorité aux conservateurs, fait redouter aux démocrates, à des juristes et à de nombreuses associations que d’autres droits puissent être prochainement sur la sellette.
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