On a récemment pris conscience que le développement économique des sociétés humaines affecte l’écologie, c’est-à-dire le système général du vivant, au point de remettre en cause à plus ou moins brève échéance l’habitabilité de la planète. L’« anthropocène », ère où l’action humaine modifie les conditions naturelles, est en réalité un « capitalocène », comme l’a souligné l’historien Jason W. Moore, au sens où ce n’est pas l’espèce humaine en elle-même, mais le mode de production capitaliste, qui est la cause du désastre en vue.
Or le productivisme inhérent au capitalisme (on parle aussi, avec Anna Tsing et Dona Haraway, de « plantationocène », ère conditionnée par l’extractivisme dont la plantation est le modèle) n’a évidemment pas existé de tout temps. Mathieu Arnoux, Professeur d’histoire médiévale à l’Université Paris Cité, souligne dans un ouvrage récent que les sociétés du Moyen Âge occidental ne concevaient pas le monde autour d’elles comme un « environnement », c’est-à-dire comme un entrepôt de ressources illimitées à utiliser librement pour la production de biens et services, mais se pensaient au contraire en symbiose avec une Création à laquelle elles ne se considéraient pas comme extérieures.
Dans cet épisode de « La Grande H. », Mathieu Arnoux revient avec Julien Théry sur les trois thèmes abordés dans son ouvrage (« Un monde sans ressources. Besoin et société en Europe. XIe-XIVe s. », aux éditions Albin Michel) : la façon dont le « Roman de Renard » met en scène les déséquilibres sociaux provoqués par la première grande accélération de la croissance économique en Occident vers 1150-1250 ; la contribution d’un ordre religieux, celui de Cîteaux, à cet essor économique et commercial inédit ; enfin la place exceptionnelle occupée par Paris, mastodonte urbain (200 à 250 000 habitants vers 1300) aux dimensions mal adaptées à l’économie de l’époque.
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