Que penser du mouvement actuel de déboulonnage de statues des personnages liés à la colonisation et à l’esclavage, et plus généralement de remise en cause de la place occupée par leurs noms et leurs images dans l’espace public ?
Pour aborder cette question, qui a surtout suscité de l’embarras et de la réprobation chez les historiens, Julien Théry reçoit Guillaume Mazeau, spécialiste de la Révolution française, maître de conférences à la Sorbonne, qui a récemment fait paraître un bref ouvrage de réflexion sobrement intitulé Histoire, aux éditions Anamosa.
La vague déclenchée par le meurtre de George Floyd à Minneapolis a de nombreux précédents, aussi bien dans le passé récent que dans des périodes plus lointaines – à commencer par celle de la Révolution française. Au moment où les principes généraux de l’ordre politique changeaient du tout au tout, avec l’abolition des privilèges et l’avènement de la nation souveraine, il était logique et nécessaire de se débarrasser des symboles de l’Ancien Régime, puisqu’ils avaient avaient eu pour fonction de contribuer à la perpétuation de la domination royale et catholique pendant des siècles.
Aujourd’hui, de même, le rejet des symboles de la colonisation dont la présence dans le paysage faisait l’objet depuis longtemps d’un consensus tacite marque un changement politique profond.
Les marques d’un passé colonial sinon pensé comme glorieux, du moins toujours vu du point de vue des colonisateurs, ne sont plus seulement l’objet d’adhésion ou d’indifférence : elles suscitent une forte hostilité de la part de ceux ou celles qui désormais s’identifient comme les descendants des vaincus et, surtout, comme les perdants de cette histoire encore de nos jours. À travers les statues, c’est un passé toujours présent, dont les effets sont le racisme structurel dans les sociétés contemporaines, qu’il s’agit de déboulonner. •••
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