Après le 49.3, Macron dérive vers la droite
Marine Le Pen s’est assuré un moment d’attention politique ce lundi en annonçant à la tribune de l’Assemblée que ses 89 députés d’extrême droite voteraient la motion de censure déposée par la Nupes, jugée par elle « rédigée dans des termes acceptables ». Le coup passa si près que le chapeau presque tomba ! Car, du fait de ce ralliement, le gouvernement d’Elisabeth Borne est passé à seulement 50 voix de la censure. Une situation inattendue qui change les perspectives pour l’exécutif.
L’examen des diverses motions de censure déposées par la Nupes et le Rassemblement national (RN) devait être un non-événement : chaque parti votant pour la sienne, le vote final ne pouvait faire apparaître que le spectacle de l’éparpillement des oppositions face à la majorité relative soutenant Emmanuel Macron. Un débat de censure bien tranquille en somme pour Elisabeth Borne, contrastant avec le chemin de croix que le gouvernement avait subi pendant l’examen des textes budgétaires.
Car ce que sanctionne l’utilisation de l’article 49.3, c’est d’abord l’incapacité de la majorité relative à « tenir la tranchée » : plusieurs fois les oppositions ont réussi à percer la ligne lors des votes, que ce soit en commission des finances où en séance plénière, car les troupes de Renaissance (nouveau logo de LREM), d’Horizon (les suppôts d’Edouard Philippe) ou du MoDem se sont épuisées à siéger, jusqu’à se fracturer à propos d’un amendement du MoDem sur la taxation accentuée des superdividendes.
La leçon pour le gouvernement est claire : aucun projet ou proposition de loi à venir n’est à l’abri d’un rejet par la conjonction des votes des oppositions, voire de certains des députés de sa majorité relative. Et, hors des lois de financement du budget ou de la sécurité sociale il ne pourra utiliser le 49.3 qu’à une seule occasion jusqu’à l’été prochain. La réforme constitutionnelle de 2008 exclut de fait un scénario à la Michel Rocard 1988-1990, qui l’avait déclenché alors à 28 reprises.
On voit bien l’exécutif tenter de slalomer pour éviter l’écueil : nous aurons ainsi un projet de loi pour accélérer les énergies renouvelables à voter avec la gauche et un autre pour accélérer l’implantation des réacteurs EPR, calibré pour attirer les droites.
Le vote populaire, meilleur arbitre de la crise politique
La stratégie de l’essuie-glace a deux défauts : elle ralentit l’action et la conditionne à des accords à géométries variables. Le gouvernement risque l’enlisement, voire l’empêchement. François Fressoz, dans le journal Le Monde, le juge déjà « terriblement laborieux ». L’épreuve du budget a démontré que l’accident est toujours possible, et donc invalidé l’expérience menée par Elisabeth Borne.
L’enjeu majeur pour l’exécutif est d’éviter un retour aux urnes que La France insoumise et le Rassemblement national préparent ouvertement chacun de leur côté
Lors de l’émission « L’Evénement » sur France 2, Emmanuel Macron a donc annoncé qu’il avait choisi de ne plus essuyer que d’un seul côté, vers la droite, en souhaitant une « alliance » avec les parlementaires des groupes LR (Les Républicains) et Liot (liberté, indépendance, outre-mer et territoires), « pour passer la réforme sur le travail, la réforme sur les retraites, la réforme sur l’immigration que nous allons faire, la réforme […] sur les énergies renouvelables ». Presque mot pour mot ce que lui suggérait quelques jours plus tôt Nicolas Sarkozy dans une interview au Journal du Dimanche…
Le problème, c’est que les troupes LR ne sont pas prêtes à suivre les conseils de leur ancien patron, à commencer par le président du groupe, Olivier Marleix, qui a très vite assuré qu’il était « hors de question » d’aller vers un tel accord.
Les votes à venir nous diront si le coup de barre vers le « parti de l’ordre, de l’autorité et de la liberté », tel que défini par Nicolas Sarkozy, permettra d’éviter que le Président ne soit amené à dissoudre l’Assemblée nationale. Les 250 voix pour la censure ont mis fin aux rodomontades présidentielles, du genre « en cas de censure, je dissous dans la minute ! ».
L’enjeu majeur pour l’exécutif est justement d’éviter un retour aux urnes que La France insoumise (LFI) et le RN préparent ouvertement chacun de leur côté. Récemment pour Marine Le Pen, qui semblait prête à jouir cinq ans du bonheur de présider un groupe puissant à l’Assemblée ; dès les lendemains des élections législatives pour Jean-Luc Mélenchon, même si cette perspective divise en fait la Nupes, entre LFI et ses alliés socialistes, écologistes et communistes.
Le président de la République, feignant la colère, a dénoncé le « cynisme et le désordre », proclamé aussi qu’il « n’existe pas d’alternative » politique. Il n’empêche : le vote populaire pourrait vite s’avérer le moyen le plus démocratique de résoudre la crise politique – puisqu’il s’agit bien d’une crise – résultant de l’échec des macronistes à obtenir une majorité dans les urnes.
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