Une crise révélatrice de la fracture numérique
Au-delà de ces transformations à venir, la crise du coronavirus nous a fait prendre conscience de la réalité qui se cache derrière la notion de fracture numérique. Le confinement a montré d’une part, les solutions permises par les technologies numériques, mais d’autre part, il a démontré une accélération des fractures sociales et professionnelles.
Pour de nombreuses personnes, en capacité de se servir des outils numériques, les nouvelles technologies ont bien sûr permis de conserver un très grand nombre d’emplois, via le télétravail, mais aussi de rester connectées au reste du monde… alors qu’en parallèle, pour certaines populations plus fragiles, qui sont déjà éloignées du numérique, la fracture s’est aggravée et les difficultés du quotidien se sont renforcées. Que ce soit pour faire ses courses, pour prendre des RDV médicaux et réaliser des téléconsultations médicales, pour les démarches administratives en ligne, pour les cours en distanciel, pour accéder au télétravail ou même, tout simplement, pour appeler ses proches via des appels vidéo… Aux États-Unis, seulement 4% des personnes au niveau bac ou infra bac était capable de travailler à distance au début de la crise.
La pandémie a également cristallisé les inégalités de manière plus pernicieuse. Lors du premier confinement, 53% des salariés disposant du niveau de vie le plus élevé ont eu recours au télétravail, contre seulement 21% pour ceux qui ont le niveau de vie le plus bas. Enfin, les transformations numériques ont été subies bien plus que choisies. Les entreprises ont dû s’adapter et se numériser de manière massive et rapide: on estime ainsi que la crise sanitaire a accéléré la transformation numérique des entreprises d’environ 7 ans.
Indépendants, entrepreneurs, salariés: former d’urgence pour assurer l’employabilité
Avec cette crise, on a donc vu s’accélérer la demande des entreprises pour former leurs salariés. Et ce, pas uniquement pour des emplois dans des secteurs connexes à la tech ou au digital ou pour des postes de cadre. Tous les emplois et tous les secteurs ont été concernés par ces nouveaux outils de gestion qu’on utilise quotidiennement comme:
– un commerce de détail qui a dû rapidement se mettre au click & collect sous peine de fermer,
– une entreprise du BTP qui a maintenant besoin de former ses employés pour remplir les plannings dans les agendas partagés, utiliser une messagerie interne, synchroniser l’état de ses stocks sur les différents chantiers…
– une entreprise de nettoyage de bureau qui utilise une application pour faire badger ses salariés, remonter les problèmes rencontrés, signaler des matériels défectueux à distance et en temps réel…
Ainsi, l’accélération à tous les niveaux et à tous les postes de la numérisation des entreprises nécessite de former en masse les salariés aux outils numériques sous peine de les marginaliser et les rendre inemployables. Le Forum Économique Mondial envisage notamment que 50% de tous les employés auront besoin d’une requalification d’ici 2025, à mesure que l’adoption des technologies augmentera.
Les compétences numériques ne sont donc plus un atout en plus pour les salariés mais un impératif: 75% des emplois en France et 90% en Europe requièrent désormais la maîtrise des compétences numériques de base. Mais les ressources de formation pour les TPE/PME sont limitées, entraînant une réelle contrainte financière que la plupart ne peuvent se permettre.
Les jeunes également en situation de précarité
Beaucoup pensaient que seuls les séniors étaient concernés par les difficultés avec les usages du numérique: ce n’est pas le cas. En réalité, ce que l’on nomme illectronisme représente différentes catégories de la population et existe sous différentes formes. On peut être à l’aise avec les réseaux sociaux, savoir partager des vidéos sur TikTok ou Instagram, mais ne pas savoir utiliser un outil de traitement de texte, connaître les codes d’un bon CV ou encore envoyer une pièce jointe par email. C’est le cas des jeunes suivis par les missions locales: seuls 50% des usagers possèdent une adresse e-mail à leur inscription, et un tiers avoue avoir besoin d’aide pour maîtriser la recherche d’emploi en ligne, la plupart utilisant principalement Internet pour les loisirs.
Un fossé à combler entre les connectés et les plus vulnérables
Au-delà des jeunes, il est impératif de former aux compétences numériques les publics vulnérables. Notamment ceux éloignés de l’emploi (habitants des quartiers prioritaires de la ville, femmes chômeuses de longue durée, personnes réfugiées…), pour favoriser leur employabilité et leur maintien ou retour dans l’emploi. La révolution en cours, notamment avec le télétravail qui est amené à perdurer, doit impérativement prendre en compte les exclus du numérique.
En parallèle, des grandes entreprises de la Tech et de la Silicon Valley, souvent prescriptrices en matière d’innovation RH, ont amorcé un changement majeur. Google, Facebook et Twitter ont mis en place des organisations de travail à distance à long terme. Avec ces changements, les travailleurs à faibles revenus qui n’ont pas accès au numérique ont encore moins de chance d’intégrer des emplois plus stables et mieux rémunérés.
Identifier, sensibiliser, former et accompagner pour que le numérique soit un facteur d’inclusion socioprofessionnelle
La reprise s’appuiera largement sur des solutions numériques. L’amélioration de l’accès aux appareils et à internet est une partie de la solution, mais ne suffira pas: investir dans la formation facilitera l’inclusion de chacun dans tous les domaines de la société, de l’éducation aux soins de santé, en passant par le monde du travail. Cette crise nous donne l’opportunité de rebâtir un monde plus juste en donnant à chacun les compétences de demain: il est temps d’agir et de ne pas faire rimer digitalisation avec marginalisation.
Créée en 2016, Konexio est une association loi 1901 et un organisme de formation (datadocké et labellisé Grande École du Numérique) ayant pour objectif de lutter contre l’exclusion numérique de personnes défavorisées (notamment les réfugiés, les demandeurs d’asile, les jeunes décrocheurs, les résidents de QPV) et favoriser un monde où chacun.e est inclu.e dans la digitalisation de la société. Sa mission principale est de former les plus vulnérables aux compétences numériques -des plus basiques aux plus avancées- afin de faciliter leur insertion socioprofessionnelle.
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