Ce point de vue est en partie partagé par les Catalans eux-mêmes, qui se demandent s’il vaut la peine de mettre en danger leur santé pour exercer leur droit de vote. Une chose est sûre : le scrutin du 14 février est le plus édulcoré des trois élections qui se sont tenues en Catalogne au cours de ces six dernières années. Si pour les précédentes, le seul sujet était celui de l’indépendance de la Catalogne, les enjeux sont aujourd’hui multiples. L’indépendance reste abordée, mais sous une forme et dans un contexte tout à fait différents.
De tous les partis en lice pour la présidence de la Catalogne, un seul, Junts per Catalunya, le parti de l’ancien président en exil Carles Puigdemont, continue de soutenir l’indépendance à tout prix. Les autres défendent une position qui va du « oui, mais sous conditions » pour Esquerra Republicana au non catégorique pour les partis nationaux. Les analystes politiques s’accordent cependant tous sur une chose : quelle que soit l’issue du scrutin, la tendance indépendantiste ne sera certainement plus celle d’il y a deux ans. Ces élections sont en fait tenues de manière prématurée en raison des incompatibilités entre les partis séparatistes qui forment le gouvernement.
La pandémie, la lassitude de défendre encore et toujours la même idée depuis des années (en ne constatant quasiment aucun progrès) et surtout, l’échec de la tentative séparatiste de 2017, qui s’est soldée par l’emprisonnement ou la fuite des leaders politiques, a refroidi les velléités indépendantistes. Mais, la pandémie de coronavirus est bien sûr le facteur le plus important : envisager de devenir un pays indépendant alors que des citoyens catalans meurent chaque jour est, au mieux, inapproprié.
Même si la gestion de la pandémie n’est pas le principal point de discussion, elle marquera inévitablement les élections. Le candidat socialiste, Salvador Illa, a en effet quitté son poste de ministre de la Santé pour tenter de remporter la présidence de la Catalogne. Bien qu’il ait été férocement critiqué pour n’avoir su empêcher l’Espagne de devenir l’un des pays comptant le plus de cas et de morts, son travail a aussi été très apprécié. Selon les sondages, il serait pressenti pour gagner les élections, à égalité avec les séparatistes d’ERC et Junts. “J’ai le sentiment d’être le président dont la Catalogne a besoin pour avancer”, déclarait Illa dans une interview au HuffPost Espagne.
La pandémie a surtout joué sur l’aspect pratique de ces élections. Les autorités ont dû confirmer qu’elles seraient bien maintenues à la date fixée, en dépit des récriminations de la plupart des partis politiques, qui considèrent inopportun d’appeler au vote alors que la Catalogne compte parmi les régions d’Espagne qui appliquent les limitations les plus strictes en matière de mobilité.
Le principal problème pour ces élections est de trouver suffisamment d’agents électoraux : parmi les citoyens appelés à présider ou à participer à l’organisation de ces élections, ils sont nombreux à invoquer le risque de contagion pour se rétracter et ne pas avoir à se rendre aux bureaux de vote – obligation à laquelle ils sont légalement tenus.
Reste à savoir si le risque de contagion va ou non influer sur la participation, un problème supplémentaire au vue du grand nombre d’indécis (environ 30% des votants). Le vote par voie postale a augmenté de 350 % par rapport aux élections précédentes. Une chose dont tout le monde est sûr cependant : l’extrême droite de Vox va faire son entrée au Parlement catalan et pourrait même dépasser la droite historique du Parti populaire.
Les Catalans ne votent désormais plus pour leur indépendance, mais souhaitent choisir un gouvernement qui leur permettra de traverser la pire crise sanitaire du siècle. Ils veulent un président qui sera capable de prendre des décisions au-delà d’un séparatisme soutenu par moins de la moitié des habitants, et qui paralyse la région depuis des années.
Tous les sondages suggèrent que des alliances entre deux partis ou plus seront nécessaires pour assurer la formation d’un gouvernement. Un schéma qui n’a rien de nouveau pour la Catalogne, habituée à être gouvernée par un minimum de deux partis.
La différence, cette fois-ci, est qu’il est peu probable que des formations purement indépendantistes recueillent suffisamment de suffrages pour gouverner et, par-dessus tout, que l’extrême droite change quoi que ce soit à la vie quotidienne d’une région déjà embrasée depuis longtemps. La priorité? Éteindre l’incendie. Le moment de parler du divorce viendra.
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Ce blog met en lumière une réalité complexe en Catalogne, où la pandémie et le désir d’indépendance s’entrechoquent. Il est essentiel de prioriser la gestion de la crise sanitaire avant de se lancer dans de nouveaux débats sur la séparation. La lassitude face à la situation actuelle pousse les Catalans à rechercher des solutions pratiques pour avancer, plutôt que de se concentrer sur des idéaux divisifs. Espérons que cette période difficile pave la voie à une réflexion plus constructive et unie.