Budget : rien n’est fait !
La procrastination d’Emmanuel Macron quant à la nomination d’un nouveau gouvernement a conduit à la situation ubuesque d’un Premier ministre qui ne l’est plus envoyant des lettres de cadrage budgétaire pour 2025 à des ministres qui ne le sont plus !
Certes, le choix d’un gel des dépenses par rapport à cette année, sans tenir compte de l’inflation, aboutit à une dizaine de milliards d’euros d’économies par rapport à l’évolution spontanée des dépenses.
Inutile pourtant de crier dès à présent au loup austéritaire. En réalité, comme il ne se passait rien du côté de l’Elysée, Gabriel Attal a occupé le terrain médiatique mais ses lettres de cadrage ne valent même pas le papier sur lequel elles sont écrites : la personne qui va être nommée à Matignon suivra la politique économique qu’elle aura choisie en fonction des majorités possibles à l’Assemblée.
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Il lui faudra faire vite. La proposition de budget doit être prête pour la mi-septembre, le temps de laisser le Haut conseil des finances publiques et le Conseil d’Etat donner leur avis. Avant une présentation en Conseil des ministres le 25 septembre et le dépôt du projet au Parlement le 2 octobre.
Le timing est serré et celui ou celle qui a déjà commencé à définir le contenu d’un budget et à entamer les négociations pour obtenir une majorité part avec un coup d’avance.
La feuille de route de Lucie Castets
Sur ces deux plans, sauf à découvrir une action secrète de la droite, la seule personne qui semble avoir pris la chose au sérieux est Lucie Castets.
Elle y travaille avec ses équipes et a d’ores et déjà posé des orientations, notamment chez nos confrères de Libération : 10 milliards d’investissements publics et un renforcement des moyens du fisc d’un côté, une taxation des patrimoines très élevés de l’autre ; la suppression de certaines niches fiscales ; moins d’allègements de cotisations patronales et de manière plus symbolique une exit tax (ce que les contribuables doivent payer pour écluser leur solde d’impôt lorsqu’ils partent s’installer à l’étranger) digne de ce nom.
Des hausses d’impôts ? Oui : le rapport de la Cour des comptes de mi-juillet a bien montré qu’il serait sans cela impossible d’équilibrer le budget de la France.
S’y ajoutent, au-delà des contingences budgétaires de court terme, l’abrogation de la réforme des retraites qui passera par un décret pour décaler les générations touchées avant une nouvelle loi, une grande conférence salariale, un Smic à 1 600 euros à partir d’une trajectoire négociée avec les partenaires sociaux (comprendre pas d’un seul coup, mais étalée sur dix-huit mois à deux ans).
Le prochain locataire de Matignon va devoir trouver les moyens de contenir un déficit budgétaire bien parti pour dépasser les 5 points de PIB
C’est clairement un programme de gauche, qui reflète l’orientation générale des propositions du Nouveau Front populaire, sans tomber à ce stade dans les mesures fiscales inapplicables mises alors sur la table.
Et donc un crime de lèse-majesté aux yeux du Président qui, après avoir fait fondre son soutien parlementaire, court après la martingale : un chef de gouvernement qui continuerait à suivre ses choix de politique économique et sociale dans un pays qui lui a signifié qu’il n’en voulait plus. D’où le message qui monte d’un « vol de démocratie » par un chef de l’Etat qui se prend pour le Roi-Soleil.
Au moins Louis XIV bénéficiait-il d’un Colbert comme ministre des Finances – hors années de guerre, il a présenté trois budgets en excédent – tandis qu’Emmanuel Macron a choisi Bruno Le Maire pour œuvrer depuis sept ans à Bercy, ce qui ne nous situe pas vraiment dans la même catégorie historique.
Car la ou le prochain locataire de Matignon va devoir trouver les moyens de casser la dynamique délétère laissée par le ministre, à savoir un déficit budgétaire bien parti pour dépasser les 5 points de PIB pendant trois années de suite.
Grâce au président de la République, le ou la nouvelle élue aura en gros quinze jours pour y parvenir. Et si c’est pour continuer le macronisme, on connaît déjà le résultat : il n’y aura pas de majorité.
La probabilité s’accroît d’une France sans budget général ni budget de la Sécurité sociale avant la fin de l’année. Emmanuel Macron a créé un tel degré de chaos politique qu’au point où il en est, cette situation ne semble guère l’émouvoir outre mesure.
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