Les Débuts de Pauline Kael au New Yorker

Pauline Kael, figure emblématique de la critique cinématographique, a réalisé son premier article pour The New Yorker en juin 1967, intitulé “Movies on Television.” Ce texte, bien que moins célèbre que sa critique de “Bonnie and Clyde,” aborde des sujets aussi pertinents aujourd’hui qu’à l’époque. Dans cet article, Kael plonge dans ses expériences de visionnage de films à la maison, soulignant l’impact majoritaire de la télévision sur la culture cinématographique, un phénomène qui est devenu central dans les décennies suivantes.

La Révolution de la Télévision

Dès les années 1950, la télévision a commencé à occuper une place prépondérante dans les foyers, devenant la forme d’art domestique par excellence. Kael met en lumière plusieurs points clés concernant cette évolution :

  • Vieillissement des films : Les films diffusés à la télévision étaient majoritairement anciens, souvent issus des années 1930 et 1940.
  • Impact sur l’expérience cinématographique : De nombreux films ont été mutilés pour s’adapter aux dimensions des écrans, ce qui a affecté leur présentation et leur réception.
  • Interruptions fréquentes : Les coupures publicitaires ont perturbé l’expérience de visionnage, un problème qui a suscité des réactions de nombreux cinéastes.

La Nostalgie et l’Incuriosité de Kael

Dans “Movies on Television,” Kael exprime une certaine mélancolie à l’égard de sa propre histoire de cinéphilie. Elle évoque une époque où les films, qu’ils soient de qualifiés de “garbage” ou non, avaient un rôle significatif dans la formation des goûts et des expériences des spectateurs. Kael se montre critique vis-à-vis de la manière dont les générations ultérieures découvrent ces films, argumentant qu’ils sont décontextualisés et perdent de leur impact d’origine.

La Remise en Question du Critère Auteuriste

Au moment où Kael rédige son article, une nouvelle théorie critique, celle de l’auteur au cinéma, émerge. Elle s’inquiète que ce concept, popularisé par des critiques comme Andrew Sarris, puisse éclipser les valeurs démocratiques et populaires qu’elle chérissait. Kael préférait l’idée que le cinéma soit une expérience collective, riche de ses racines commerciales et populaires, plutôt que d’être redéfini uniquement par l’empreinte de ses réalisateurs.

Une Vision Sociale du Cinéma

Kael arguait que regarder des films, c’était aussi une activité sociale. Elle établissait une distinction entre ceux qui regardent des films à la maison isolément et ceux qui vont au cinéma. Pour elle, l’échange autour des films était indispensable à l’expérience cinématographique. Elle conférait une importance capitale à la communion entre spectateurs, assimilant le cinéma à un rite social.

Le Pouvoir et les Limites de la Télévision

Si Kael reconnaissait certaines vertus à la télévision pour réévaluer les films anciens, elle avertissait également que l’aura du cinéma, ce qui le rendait unique, se perdait dans cette médium. Pour elle, la culture cinématographique trouvait son essence dans la salle de cinéma, aux antipodes du visionnage à la maison, qu’elle considérait comme superficiel. Malgré cela, dans le monde dynamique et varié de la télévision, des films essentiels pouvaient également émerger, pouvant influencer une nouvelle génération de cinéastes, comme l’a illustré le travail de Martin Scorsese, dont l’éducation cinématographique s’est grandement nourrie de films visionnés à domicile.

En somme, à travers “Movies on Television,” Pauline Kael nous invite à réfléchir sur les transformations de la consommation cinématographique et sur les valeurs que nous attribuons aux films, tout en soulignant un besoin constant de dialogue et d’interaction face à ce changement culturel radical.


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