TRAVAIL – Au plus fort de la crise du nouveau coronavirus, c’est plus de 8 millions de salariés qui ont été placés en chômage partiel. Si depuis le déconfinement, une partie de l’activité a pu reprendre en France, le recours aux dispositifs d’activité partielle devrait perdurer encore plusieurs mois.
Une situation qui poussent de nombreuses entreprises et salariés à se questionner sur le cadre juridique du chômage partiel et sur ce qu’il implique en terme de droits et devoirs. Pour y voir plus clair, Le HuffPost a contacté Charlotte Hammelrath, avocate spécialisée en droit du travail, et Coline Martres-Guguenheim, membre du conseil national de Sud-Travail qui représente notamment les inspecteurs du travail.
Comment doit être payé un salarié?
Dans le cadre d’une activité partielle, la loi est très claire, “l’employeur doit verser au salarié une indemnité correspondant à 70% de son salaire brut par heure chômée, soit environ à 84 % du salaire net horaire. Cette indemnité ne peut pas être inférieure à 8,03 € net par heure chômée”, précise le site du ministère du Travail. Surtout, cette indemnité doit être versée à la date habituelle de versement du salaire.
Dans le cadre du dispositif élargi mis en place pendant le confinement, c’est l’État qui prenait en charge à 100% l’indemnité versée au salarié. Depuis le 1er juin, cette prise en charge par l’État est passée à 85%. Sur la fiche de paie, l’employeur doit faire figure le nombre des heures indemnisées, les taux appliqués et les sommes versées.
Travailler en dehors de l’activité partielle est illégal
Si un salarié est placé à 20% d’activité partielle, il ne pourra pas travailler en dehors des heures induites, sinon c’est tout simplement illégal. L’entreprise s’expose alors à des sanctions qui peuvent aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende. Attention cependant à faire la différence entre un simple email de suivi et des échanges répétées incitant le salarié à effectivement prendre du temps sur ses heures chômées.
Comme l’explique Charlotte Hammelrath, c’est également à l’entreprise d’organiser le travail en respectant les heures chômées et les heures travaillées. “L’entreprise peut se voir reprocher ce défaut d’organisation, car c’est elle qui est garante de faire respecter les heures de travail du salarié”, précise-t-elle. En ce sens, l’entreprise devra calculer précisément le nombre d’heures dont aura besoin un salarié pour effectuer ses tâches dans le cadre d’une activité réduite. Surtout, Charlotte Hammelrath encourage les entreprises à mettre en place des tableaux de suivi pour chaque salarié.
“L’entreprise doit être en mesure de fournir ce type de pièces et de les justifier. Selon les contrôles, l’inspection pourra estimer de la bonne ou de la mauvaise foi des entreprises, mais la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) peut aller jusqu’à demander à inspecter les ordinateurs de travail et les boites mail”, alerte-t-elle.
Salaire, heures supplémentaires, sous-traitance
Une entreprise qui a placé son salarié en chômage partiel ne peut pas comptabiliser des “heures supplémentaires” sur sa fiche de paie. De la même façon, elle ne peut pas faire appel à des sous-traitants ou de l’intérim pour effectuer les tâches habituellement affectées à ses salariés.
Un employeur ne peut pas non plus décider de baisser les salaires sans l’accord des salariés. D’une manière générale, l’ensemble des modalités prévues dans le contrat de travail ne peuvent être unilatéralement modifiées. Attention toutefois, précise la CFDT, dans le cadre de certaines procédures en cas de difficultés économiques, un refus de baisse de salaire peut exposer le salarié à un licenciement économique.
De la même façon, une entreprise ne peut pas profiter des allocations au chômage partiel que lui verse l’État pour gonfler les salaires. “Lors du contrôle, on saura faire la différence entre l’erreur de bonne foi, l’abus, ou la fraude caractérisée. Soit on demande le remboursement parce que c’est une simple erreur, soit on est dans un cas de fraude et d’escroquerie et cela tombe sous le coup du pénal. Cela peut-être le cas sur des gonflements de salaires ou des salariés fictifs avec la production de faux. Ce qui va caractériser la fraude, c’est l’intentionnalité”, détaille Coline Martres-Guguenheim.
Chômage partiel et congés payés
Une entreprise ne peut pas bénéficier d’indemnisation sur les heures pendant lesquelles un salarié est en congés payés ou en RTT. Attention également sur les demandes de chômage partiel lors de fermetures annuelles. “Si tous les ans une entreprise ferme au mois d’août, il n’y pas de raison qu’elle mette les gens au chômage partiel au mois d’août. Les salariés doivent donc prendre leurs congés à ce moment”, explique Charlotte Hammelrath.
En revanche, une entreprise peut imposer la prise de congés payés, ou les déplacer, dans le cadre de l’accord collectif signé. Cela ne peut pas concerner plus de six jours de congés. En dehors de ce cadre, l’employeur ne peut pas imposer la prise de jours de vacances.
Licenciement dans le cadre du chômage partiel
Le recours à l’activité partielle a été pensé pour éviter justement les licenciements, pour autant il ne les empêche pas indéfiniment. En matière de licenciement économique, tout dépend de la situation, insiste Coline. “Le fait qu’il y ait la mise en place du chômage partiel au sein de l’entreprise peut rendre le motif économique d’un licenciement non valable. Pour autant aujourd’hui, de nombreuses entreprises se servent de la crise du Covid pour lancer des plans sociaux et des licenciements, parce que l’activité n’a pas repris”.
Charlotte Hammelrath abonde: un salarié placé en activité partielle pourra se retourner contre son employeur s’il est licencié pour motif économique. “Il faudra pour l’employeur prouver que les difficultés économiques sont importantes ou par exemple que le poste est définitivement supprimé et qu’il n’y a pas de reclassement possible”, explique-t-elle.
Concernant les salariés en période d’essai, ils sont tout à fait susceptibles d’être placés en activité partielle. L’employeur pourra décider de mettre un terme à la période d’essai mais cette décision ne pourra “reposer que sur l’appréciation des compétences et aptitudes du salarié pour occuper l’emploi proposé”. Si tel ne devait pas être le cas, le salarié pourra se retourner contre l’employeur pour rupture de contrat abusive.
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