via Associated Press
Refléter les rayons du Soleil pour limiter la hausse des températures à l’échelle du globe présente des risques, selon ces chercheurs (photo d’illustration)

CHANGEMENT CLIMATIQUE – Refléter les rayons du Soleil pour refroidir la surface de la Terre et limiter le réchauffement climatique? Une fausse bonne idée pour 60 experts et scientifiques. Dans une lettre publiée ce lundi 17 janvier, ils estiment que les projets de géo-ingénierie solaire sont potentiellement dangereux et devraient être bloqués par les gouvernements.

Il s’agit de l’un des projets les plus controversés de modification intentionnelle des rayonnements solaires. Injecter des milliards de particules de soufre dans la couche supérieure de l’atmosphère pourrait renvoyer une partie des rayons du soleil, mais les effets secondaires risquent de dépasser les bénéfices, insiste cette lettre ouverte accompagnée d’un texte dans la revue WIREs Climate Change.

Échec à réduire les émissions de CO2

Pour les signataires, “le déploiement de la géo-ingénierie solaire ne peut pas être géré au niveau mondial de manière juste, inclusive et efficace”. Ils appellent “donc les gouvernements, l’ONU et autres acteurs à prendre des mesures politiques immédiates pour empêcher la normalisation de la gé-oingénierie solaire en tant qu’option contre le réchauffement”.

La planète a gagné environ +1,1°C depuis l’ère pré-industrielle, entraînant déjà une multiplication des canicules, inondations ou tempêtes. Le monde s’est engagé à limiter ce réchauffement bien en deçà de +2°C, +1,5°C si possible, mais les experts climat de l’ONU (Giec) estiment que le seuil de +1,5°C pourrait déjà être atteint autour de 2030. En novembre, les représentants mondiaux se sont mis d’accord sur un texte dont la portée a été jugée restreinte à l’issue de la Cop26.

Et face à l’échec à réduire les émissions de CO2 responsables du réchauffement, certains responsables politiques soutiennent désormais la géo-ingénierie, pour gagner du temps.

L’exemple de l’éruption du volcan Pinatubo

Les scientifiques savent depuis longtemps qu’injecter d’importants volumes de particules réfléchissantes dans la couche supérieure de l’atmosphère pourrait refroidir la planète. Les projections de l’éruption du volcan Pinatubo aux Philippines en 1991 avaient d’ailleurs réduit la température moyenne de la surface de la Terre pendant un an.

Mais la lettre ouverte met surtout en avant les risques. Des études déjà publiées ont montré qu’une modification intentionnelle des rayonnements solaires pourrait par exemple perturber le régime des moussons en Asie du Sud et dans l’ouest de l’Afrique et pourrait ainsi détruire les cultures dont des centaines de millions de personnes dépendent.

Et si la modification des rayonnements prenait fin “pour une raison quelconque, il est très probable que la température de la surface augmenterait rapidement”, estime le Giec. De plus, cette technologie n’empêcherait pas le CO2 de continuer à s’accumuler dans l’atmosphère.

Bloquer les financements et l’expérimentation

Les signataires, comme le professeur Aarti Gupta de l’université néerlandaise de Wageningen ou le président de l’Agence allemande de l’environnement Dirk Messner, s’inquiètent également du risque de créer un faux espoir de solution face au réchauffement, ce qui pourrait “dissuader les gouvernements, les entreprises et les sociétés de faire tout leur possible pour parvenir à la neutralité carbone dès que possible”.

Enfin, les experts soulignent l’absence de gouvernance pour surveiller ces projets. Alors la lettre ouverte appelle à un “accord international de non-utilisation” qui bloquerait le financement, l’expérimentation et l’octroi de brevets à ces technologies, sans pour autant mettre un terme aux recherches scientifiques.

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