Battus aux élections européennes, tirés d’affaire lors des législatives grâce aux voix de gauche, écartés par la représentation nationale mercredi, les macronistes persistent à ne pas vouloir admettre leur triple revers et à écarter, comme le réclame la majorité des électeurs. Cela débute par le premier d’entre eux qui, dans son discours télévisé du jeudi 5 décembre, a répété aux Françaises et aux Français qu’ils n’avaient rien compris à son intelligence prétendue, et aux députés d’opposition qu’ils sont anti-républicains, affirmant qu’il irait jusqu’au terme de son mandat présidentiel, en 2027.
Il va même jusqu’à imposer le programme du futur Premier ministre de France pour les trente mois restants de son mandat : loi budgétaire d’urgence, suivi d’un nouveau budget, mais surtout sans nouveaux impôts et en priorisant le financement des… priorités d’Emmanuel Macron, parmi lesquelles se trouvent les thèmes traditionnels de la droite et de l’extrême droite tels que la défense, les forces de l’ordre, l’agriculture, auxquels s’ajoute la Nouvelle-Calédonie.
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Aucune surprise dans cet inventaire, le social et l’environnement ont disparu du paysage macronien depuis longtemps. Il est à noter que la réindustrialisation du pays les a rejoints dans l’oubli.
Tout comme Emmanuel Macron ne souhaite pas quitter l’Élysée, ses partisans n’ont pas sérieusement envisagé de déserter les palais ministériels. Un pacte de non-censure – qui était initialement une idée du député socialiste Philippe Brun – leur permettrait simplement de continuer à gouverner presque comme auparavant. Et sans trop d’engagement de leur part.
Car en échange de cette protection, quoi offrent-ils donc ? A-t-on vu Gabriel Attal s’écarter de ce qui constitue leur programme, à savoir la préservation de leur « bilan », en envisageant ne serait-ce qu’un débat sincère sur les retraites, une réduction des allègements de cotisations pour les entreprises ou encore un retour d’un minimum d’imposition sur la fortune (ISF) ? Accrochés au pouvoir comme des moules à un rocher, les macronistes sont comparables aux émigrés de 1815 : ils ne veulent rien oublier ni rien apprendre.
Pacte de non-censure
Il faudra donc bien les déloger. Mais comment ? La France insoumise (LFI) s’y prépare en poussant Emmanuel Macron à la démission, espérant qu’une fois la pièce maîtresse du macronisme abattue, l’édifice s’effondrera avec elle. Le parti de Jean-Luc Mélenchon active donc son élection. D’après Manuel Bompard, interrogé par Libération, les militants collectent déjà les parrainages de maires nécessaires à sa candidature, et une nouvelle version de « la France en commun », son programme de rupture, serait déjà rédigée.
Le souci, c’est qu’après la débâcle, ils ne paraissent pas les mieux placés pour reconstruire. Comme cela a été expliqué ici, une élection présidentielle anticipée pourrait se tenir dans les trente-cinq jours suivant la démission du titulaire. Il suffit de prendre en compte les résultats des élections européennes ou du premier tour des législatives pour constater que dans ces conditions, Marine Le Pen pourrait très bien accéder à l’Élysée. On peut résumer le dilemme : pour qu’enfin la révolution advienne, faut-il risquer la contre-révolution ?
Les écologistes et les socialistes, de leur côté, ont choisi le pacte de non-censure. Avec une version offensive chez les Verts : le bénéficiaire du pacte serait un gouvernement de gauche, basé sur un programme en onze points. L’abrogation de la réforme des retraites à 64 ans, marqueur de gauche par essence, figure en tête. Bien que ce programme semble ambitieux dans le contexte économique et financier actuel, il a au moins le mérite d’afficher des priorités et des thèmes de débat véritablement politiques, loin des querelles de (petits) chefs et des intrigues politiciennes.
De ce point de vue, les socialistes envisagent une version défensive. Certes, ils préféreraient un gouvernement dirigé par l’un des leurs, mais on ne comprend pas si cela constitue vraiment une condition sine qua non (le latin étant plus élégant que « ligne rouge ») pour adhérer à un pacte de non-censure.
On notera au passage que la rupture du Nouveau Front populaire (NFP) annoncée par LFI, priverait le PS d’une grande part de sa légitimité à occuper le poste de Premier ministre. Quant aux concessions éventuelles, il semble que le parti à la rose retombe dans les travers qui lui furent presque fatals : intégrer par avance un rapport de force défavorable, devancer le mouvement, en faire toujours plus pour prouver sa qualité de « parti de gouvernement ».
Là encore, on se référera au baromètre des retraites : d’après les dernières nouvelles, la condition posée par les dirigeants du PS serait de « geler » la réforme Macron-Borne pour un an. Empêcher les malveillances des macronistes, les freiner dans leurs projets contre l’école, les services publics, les immigrés. On peut dire que c’est peu, mais ce serait déjà cela.
De ces trois options – un rocher toujours assiégé par les moules macronistes, ou balayé par la crise de régime poussée à son paroxysme, ou encore partagé par la gauche dans des proportions à définir – nous nous garderons ici et maintenant de prédire laquelle l’emportera.
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