“Si tout se passe bien, nous devrions savoir s’il est efficace en début d’année prochaine”, indiquait le professeur Robin Shattock, qui dirige l’équipe chargée du développement d’un tel vaccin à l’Imperial College de Londres, dans un entretien accordé cette semaine au HuffPost britannique.
Une quinzaine de volontaires ont déjà été vaccinés dans le cadre d’un essai thérapeutique, auxquels devraient s’ajouter 200 à 300 participants dans les semaines à venir. L’efficacité du vaccin reste à démontrer, rappelle ce spécialiste. Toutefois, si les essais sont concluants, il pourrait être mis à disposition du public début 2021.
Pour beaucoup de gens, la perspective d’un vaccin est une lueur d’espoir, et le moyen le plus sûr et le plus rapide de retrouver une vie normale. En général, sa mise au point prend des années mais face aux souffrances causées par la pandémie les scientifiques s’efforcent d’accélérer le processus. L’essai thérapeutique de l’Imperial College est l’un des quelque 150 programmes en cours dans le monde entier. Une autre étude britannique, menée par l’Université d’Oxford, est encore plus avancée, et pourrait produire un vaccin d’ici la fin de l’année, voire dès le mois de septembre.
Le retour d’un mouvement contre les vaccins
Pourtant, ces efforts sans précédent risquent d’être sapés par le regain de popularité du mouvement antivaccination, qui a pris de l’ampleur dans le monde entier depuis le début de la pandémie.
Les théories du complot et la désinformation, diffusées massivement sur les réseaux sociaux, ont alimenté la méfiance envers le vaccin contre le coronavirus. De ce fait, quelle que soit la date de mise à disposition d’un vaccin, le plus grand des défis pourrait bien être de convaincre le public de l’adopter.
Près d’un tiers des Britanniques pourraient refuser de se faire vacciner contre le virus, selon un sondage publié la semaine dernière.
Ce sondage, mené par YouGov pour le Centre de prévention de la diffusion de contenu à caractère haineux sur internet, indique que 6% des répondants refusent catégoriquement un vaccin, et 10% ne l’accepteront “probablement pas” (15% sont indécis).
L’enquête montre aussi que les personnes qui suivent l’actualité sur les réseaux sociaux plutôt dans les médias traditionnels ont davantage tendance à rejeter l’idée d’un vaccin.
Ces résultats risquent “d’entraver la capacité d’un vaccin à contenir la propagation du COVID-19”, estime le Centre.
David McNew via Getty Images
D’autres pays concernés
Des sondages effectués dans d’autres pays révèlent des pourcentages similaires de sceptiques quant à l’utilisation d’un vaccin.
L’Allemagne est depuis longtemps un terreau fertile pour le mouvement antivaccination. Des sondages menés par l’Université d’Erfurt en collaboration avec l’Institut Robert Koch et d’autres organismes de santé publique montrent que le pourcentage d’Allemands prêts à se faire vacciner contre le coronavirus est en baisse: il est passé de 79% en avril à 63% la semaine dernière.
“Même avec un vaccin parfaitement fonctionnel, cela pourrait s’avérer insuffisant pour atteindre l’immunité collective”, avertit la chercheuse Cornelia Betsch dans un entretien accordé au Washington Post.
Aux États-Unis, une grande partie de la population déclare ne pas vouloir se faire vacciner contre le coronavirus. Fin mai, un sondage de l’Associated Press-NORC Center for Public Affairs Research montrait que seule la moitié des sondés était favorable à un vaccin, tandis que 20% le refusaient catégoriquement.
D’après ce sondage, le scepticisme vis-à-vis d’un vaccin contre le coronavirus est particulièrement fort dans la communauté afro-américaine. Seuls un quart des noirs disent envisager de se faire vacciner, et 40% refusent cette idée. Beaucoup de noirs américains se méfient du système de santé, du fait du lourd passif du pays en matière de racisme et des discriminations et mauvais traitements subis de la part des institutions médicales.
Selon les scientifiques, pour parvenir à l’immunité collective, plus de 70% de la population doit être immunisée, afin de protéger les personnes qui n’ont pas encore été infectées par le virus.Anthony Fauci, le directeur de l’Institut national de lutte contre les allergies et les maladies infectieuses, a récemment déclaré que si une grande partie de la population refusait de se faire vacciner, les États-Unis auraient “peu de chances” d’atteindre un taux d’immunité collective suffisant pour empêcher le coronavirus de se propager.
“Il y a une attitude anti-scientifique, anti-autorité et antivaccination qui se répand largement chez certaines populations dans ce pays. Ce pourcentage est alarmant, relativement parlant”, soulignait-il sur CNN. “Nous avons beaucoup de travail à faire” pour convaincre ces personnes de l’innocuité et de l’efficacité des vaccins, a-t-il conclu.
Une volonté de trouver rapidement un remède
Au début de la pandémie, on pouvait espérer que la hausse du taux de mortalité à l’échelle mondiale et le bouleversement massif de la vie quotidienne provoqués par le coronavirus mettraient un terme au mouvement antivaccination.
“Les gens avaient hâte qu’un vaccin soit trouvé”, se souvient le Dr Peter Hotez, doyen de la National School of Tropical Medicine de l’Université de Baylor, à Houston, et codirecteur du Centre pour le développement des vaccins de l’Hôpital pour enfants du Texas. “Je pensais que les gens se rendraient compte de ce que cela fait de vivre sans vaccin, alors qu’eux ou leurs proches étaient exposés à une menace grave, que cela ouvrirait une nette brèche dans les rangs du mouvement antivaccination. Je crois que cela a été le cas pendant un mois, avant qu’ils ne réussissent à rallier leurs troupes et à retourner les choses à leur avantage.”
Aux États-Unis et dans d’autres pays, le mouvement antivaccination s’est allié à des groupuscules d’extrême droite pour manifester contre les restrictions imposées par le confinement, la distanciation physique et les autres mesures prises contre le coronavirus, en faisant de l’opposition aux vaccins l’expression d’une liberté individuelle.
La stratégie de communication de certains gouvernements, qui insistent sur la vitesse à laquelle les scientifiques œuvrent à développer et faire approuver un vaccin, alimente aussi la peur d’un travail bâclé, véhiculant l’image d’un remède dangereux.
“Nous n’avons toujours pas pris de mesures significatives pour contrer ces mouvements”, souligne le Dr Hotez. “Ils sont globalisés, mieux financés, et au lieu de perdre de la vitesse pendant la pandémie de coronavirus, ils se sont renforcés, car leurs partisans ont su exploiter la crise.”
Fake news et théories du complot
Dans un nouveau rapport publié la semaine dernière, le Centre pour la prévention de la diffusion de contenu à caractère haineux sur internet a analysé les contenus publiés par plus de 400 pages antivaccination sur Facebook, YouTube, Twitter et Instagram, comptabilisant plus de 57 millions d’abonnés aux États-Unis et au Royaume-Uni.
D’après ce rapport, ces pages propagent des théories du complot, y compris celles affirmant que le cofondateur de Microsoft, Bill Gates, aurait créé la pandémie ou que les essais de vaccin auraient rendu des femmes stériles.
L’étude indique que 7,7 millions de personnes se sont abonnées à ces pages depuis le début de la pandémie.
“Notre espoir de retrouver une vie normale repose sur la capacité des scientifiques à créer un vaccin efficace contre le coronavirus”, déclare Imran Ahmed, directeur général du Centre. “Mais du fait de la décision irresponsable des réseaux sociaux de continuer à publier de la propagande antivaccination, un vaccin pourrait ne pas être efficace pour contenir le virus”.
“Ils satisfont leur cupidité au prix de nombreuses vies humaines”, souligne M. Ahmed.
Un porte-parole affirme que Facebook est en train de prendre des mesures pour limiter la diffusion de rumeurs, de théories du complot et d’infox. “Nous nous efforçons d’empêcher la désinformation de se répandre sur nos plateformes et nous avons supprimé des centaines de milliers de publications contenant de fausses informations sur le COVID-19.
“Dès le mois de février, l’OMS a qualifié la diffusion de fausses informations sur le coronavirus d’“infodémie”, et demandé aux entreprises du secteur des nouvelles technologies de prendre des mesures plus efficaces pour l’enrayer.
Malgré les efforts des géants du numérique pour supprimer les infox et diriger les utilisateurs vers des sources d’information fiables, la désinformation continue de proliférer.
Lutter contre la désinformation
En mai, une vidéo pseudo-documentaire intitulée Plandemic (“Plandémie”), qui propageait plusieurs théories du complot – y compris l’affirmation selon laquelle les vaccins rendraient les gens plus susceptibles de contracter le COVID-19 – a été largement partagée. En une semaine, elle a été vue 8millions de fois sur YouTube, Facebook, Twitter et Instagram, d’après une analyse duNew York Times. Même après que les principales plateformes ont retiré la vidéo, elle a continué à circuler en ligne.
La solution à adopter face à la désinformation sur le coronavirus n’est donc pas purement technologique.Selon les scientifiques, les médecins et les autorités de santé publique, les pays doivent augmenter leurs efforts pour encourager les gens à se faire vacciner, parallèlement au travail des chercheurs pour trouver rapidement un vaccin.
Afin de venir à bout du sentiment antivaccination et de la méfiance des citoyens envers le gouvernement, peut-être faut-il voir au-delà des campagnes d’information officielles et engager des stars, des sportifs, des religieux et d’autres membres de la communauté afin qu’ils soulignent l’importance de se faire vacciner.
Heidi Larson, anthropologue en charge du Vaccine Confidence Project à la School of Hygiene and TropicalMedicine de Londres (projet de recherche sur la manière d’accroître la confiance des gens dans la vaccination), déclarait récemment à Science Magazine qu’il n’y avait pas de temps à perdre: “Il faut utiliser chaque minute dont nous disposons avant que ce vaccin ou ces vaccins ne soient prêts, parce que nous avançons sur un terrain extrêmement glissant.”
Cet article s’appuie sur des reportages du HuffPost britannique. Publié sur Le HuffPost américain, il a été traduit par Iris Le Guinio pour Fast ForWord.
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