Dans « Envoyé Spécial », trois femmes témoignent contre Nicolas Hulot
Dans un reportage de 62 minutes, l’émission de France 2 donne la parole à ces femmes, dont deux, Sylvia et Cécile, parlent à visage découvert. La troisième, anonyme, dit être une ancienne collaboratrice. L’enquête télévisée comprend aussi le témoignage de la militante écologiste Claire Nouvian et revient sur la plainte pour viol déposée en 2008 par Pascale Mitterrand, petite-fille de l’ancien président, classée sans suite car les faits étaient prescrits.
Sur le plateau de l’émission C à vous de France 5, deux heures avant la diffusion du reportage sur France 2, l’animatrice d’Envoyé Spécial, Élise Lucet, a expliqué la genèse de cette enquête télévisée. “Après l’affaire Weinstein (…) on a eu vent d’une histoire d’une femme qui se disait harcelée, agressée par Nicolas Hulot, bien avant les premiers témoignages le concernant”, a-t-elle expliqué. Le reportage est “le résultat de quatre ans de travail”.
Sylvia dit avoir été agressée sexuellement en 1989 à l’âge de 16 ans par Nicolas Hulot. Elle raconte avoir été invitée à assister à une émission qu’il animait alors à Paris. Il aurait ensuite proposé de la raccompagner en voiture à une station de métro mais la conduit finalement dans un parking à ciel ouvert. “Et là il sort son sexe (…), il a pris ma main, il m’a demandé si je l’avais déjà fait avec des garçons”, raconte-t-elle. “Il me force à lui faire une fellation que je ne fais pas réellement parce que je crois que je suis tétanisée”.
Elle ajoute n’en avoir parlé que bien plus tard à sa mère et à un ami. Pourquoi ne pas avoir porté plainte? Entre “une gamine de 16 ans (et) Nicolas Hulot, qui allait me croire ?”, répond-elle.
“Dysfonctionnement dans ses rapports aux femmes”
Cécile était contractuelle en septembre 1998 à l’ambassade de France à Moscou, dit-elle. Alors âgée de 23 ans, elle est sollicitée pour aider l’équipe d’Ushuaïa et son animateur vedette à débloquer du matériel de tournage coincé en douane. Pour la remercier, Nicolas Hulot l’invite à dîner avec l’équipe. Cécile revient en détail sur cette soirée, dans Envoyé Spécial.
Elle est dans un taxi avec Nicolas Hulot. “Il se jette sur moi, il essaye de m’embrasser” et lui touche les seins et l’entrejambe, dit-elle. “J’ai frappé comme j’ai pu, (…) je crois que le ‘non’ était très clair”. Porter plainte? “En Russie? À Moscou? Contre un ami du président Jacques Chirac? Non, ça ne m’est pas venu à l’idée”, déclare Cécile.
L’autre femme interrogée dit avoir travaillé avec Nicolas Hulot en 2001. À l’issue de leur première réunion de travail, il “m’embrasse à pleine bouche”, selon ses propos. “C’est forcément de force puisque c’est par surprise”. Elle précise que l’ex-animateur n’a pas recommencé.
Claire Nouvian raconte, elle, avoir été mise en garde, avant le tournage d’un reportage réalisé avec Nicolas Hulot en 2008, afin qu’elle évite de se retrouver seule avec lui. L’animateur n’a pas eu de gestes déplacés pendant le tournage de cet épisode d’Ushuaïa, relate-t-elle. À une autre occasion, “il a quand même essayé de m’embrasser”, ajoute-t-elle, évoquant “un dysfonctionnement dans ses rapports aux femmes”.
Deux autres femmes témoignent par écrit
Le soir de la diffusion de l’enquête, deux autres femmes ont pris la parole pour dénoncer des faits similaires. Dans une lettre envoyée aux équipes d’Envoyé Spécial, l’animatrice et comédienne belge Maureen Dor accuse Nicolas Hulot de lui avoir “sauté dessus” et d’avoir tenté de l’embrasser contre son gré lors d’un déplacement à Bruxelles. Elle avait 18 ans.
Après avoir écrit -sans grand espoir de réponse – à Nicolas Hulot pour lui faire part de son ressenti positif sur un de ses livres, Maureen Dor est invité à rencontrer l’animateur en visite en Belgique. Après un verre, il l’invite dans sa chambre et elle accepte, “sans avoir aucune arrière-pensée” souligne-t-elle.
“Je l’accompagne donc et, aussitôt dans la chambre, le voilà qui me saute dessus et tente de m’embrasser. Je le repousse, étonnée et effrayée, en lui faisant cette remarque si naïve: ‘Mais vous avez une femme !’ et lui de me répondre que cela n’a rien à voir et que je serai une ‘parenthèse’”, raconte-t-elle. Lors d’un dîner le lendemain, l’animateur lui laissera le numéro de sa chambre “au cas où”. Maureen Dor finira par lui écrire une lettre dans laquelle elle souligne qu’”’il ne faut pas faire ça aux jeunes filles qui l’admiraient”. Elle précise avoir ensuite “souvent” raconté l’affaire à ses copains, sans avoir porté plainte. “Cette prise de parole étant difficile, pour ma part, elle sera unique”, prévient d’ailleurs l’animatrice en conclusion.
Son témoignage écrit fait écho à celui d’une ancienne employé de TF1, qui a elle aussi transmis une lettre à l’émission d’enquête. Anonymement, elle raconte avoir rencontré Hulot “au début des années 90” lors “d’une réunion de travail autour d’Ushuaïa”. Après cette réunion, l’animateur l’invite à déjeuner, avant de l’agresser sexuellement une fois dans sa voiture.
“Il se tourne vers moi, me dit qu’il a passé un moment agréable et saisit ma main pour la plaquer sur son pantalon, au niveau de son sexe en début d’érection”, raconte-t-elle. Elle éclate de rire, un “réflexe” pour “sortir des situations embarrassantes par l’humour”. Elle prévient son employeur, “surpris” mais qui la “rassure” sur le plan professionnel en assurant qu’elle n’a “pas de raison de recroiser fréquemment l’animateur.” Par la suite, son patron recevra une lettre de Nicolas Hulot à Patrick Le Lay (ex-directeur de TF1, décédé en 2020) où il “dénigre le travail que je fais sur son émission et demandant de prendre des mesures afin d’y remédier”, raconte l’ancienne employé du groupe télévisuel. Soutenue par son patron, elle restera encore quelques années à TF1.
Hulot dénonce des “affirmations mensongères”
Nicolas Hulot a formellement démenti ces accusations dès mercredi, sur le plateau de BFMTV. “Ces affirmations sont mensongères”, a-t-il martelé, regrettant de ne pas avoir pu visionner l’émission d’Envoyé Spécial avant sa diffusion.
“Il n’y a d’ailleurs aucune enquête en cours sur ces faits”, a insisté son avocat Alain Jakubowicz dans un entretien au Point ce jeudi. “Le doute doit profiter à l’accusé”.
Élise Lucet dit, elle, avoir proposé à Nicolas Hulot et à ses avocats de regarder le reportage “avec les visages floutés”, afin que l’ancien ministre animateur présente sa version des faits. Mais ils “ont refusé”. La journaliste a toutefois diffusé durant l’émission le seul échange téléphonique qu’Envoyé Spécial a eu avec Nicolas Hulot, le 9 novembre. “Je suis anéanti, je ne peux même pas imaginer”, commente notamment Nicolas Hulot. “Je n’ai pas envie de me défendre. De toute façon, la parole des gens mis en cause aujourd’hui, elle est de fait dénaturée et suspecte”.
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