Dans « Sans filtre » de Ruben Östlund, le yacht qui sert de décor est mythique
Dans le long métrage, Yaya, top model et influenceuse, obsédée par son image et sa carrière, se voit offrir une croisière de luxe avec son petit ami, Carl, lui aussi mannequin. A bord du bateau, ils côtoient une galerie de personnages richissimes – oligarques russes alcooliques, charmant couple de retraités britanniques ayant fait fortune dans la vente de mines antipersonnel et autres odieux passagers – qui harcèlent la cheffe de l’équipage de tous leurs caprices, tandis que cette dernière martyrise à son tour le petit personnel.
Mais une grosse tempête – dont ne se soucie guère le capitaine du bateau, un marxiste totalement ivre au moment crucial – va faire tanguer le navire et faire chavirer cet équilibre. Dans une sorte de Titanic inversé où, cette fois, les plus faibles ne sont pas forcément les perdants, Ruben Östlund décortique les ressorts de classe de fond en comble: les riches contre les pauvres, mais aussi les hommes contre les femmes, et les Blancs contre les Noirs.
“Ce yacht est un symbole très fort”
Un tiers du film – découpé en trois parties pour chaque grande séquence de l’histoire – se déroule donc sur un yacht clinquant, décor d’une scène dantesque lors d’un dîner en pleine tempête où les passagers se mettent à vomir en même temps que l’écran tangue au rythme du bateau. Et ce navire est tout sauf un décor de cinéma.
“Nous avons tourné les extérieurs sur le Christina O, l’ancien yacht des Onassis”, révèle le cinéaste dans les notes de production. “Ce qui s’avère assez amusant quand on y pense, puisqu’on le fait sauter [dans le film]. Ce yacht est un symbole très fort de l’élite des années 60 et 70 et de la ribambelle d’hommes célèbres et puissants comme Churchill qui ont passé beaucoup de temps à son bord.”
Le bateau est en fait une ancienne frégate de la marine canadienne, utilisée pendant la Seconde Guerre mondiale dans la lutte anti-sous-marins. Mais en 1954, le milliardaire grec Aristote Onassis le rachète et investit plus de 4 millions de dollars pour le transformer en yacht luxueux et high tech de 99 mètres de long. Il le baptiste Christina O, en hommage à sa fille.
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Après la mort de son père en 1975, Christina Onassis, qui avait hérité du yacht, le cède au gouvernement grec. Un temps navire présidentiel, le Christina O a depuis été revendu à plusieurs reprises à des propriétaires privés et restauré pour des nouvelles dizaines de millions de dollars. “Il faut compter 560 000 € en basse saison l’été et 700 000 € l’hiver pour une semaine de location”, indique le site Bateaux.com.
Ruben Östlund et ses équipes y ont passé neuf jours pour mettre en boîte toutes les scènes extérieures du film qui se passent sur le yacht. De quoi ajouter à sa satire drôle et grinçante un autre symbole de l’explosion des rapports de classe.
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