Des violences en Transnistrie, prochaine cible de la Russie?
Plus tôt, une série d’explosions avait effectivement renforcé cette crainte d’un débordement de la guerre voisine. Celles-ci se sont produites lundi et mardi dans la région séparatiste de Transnistrie, à laquelle la Russie apporte un soutien économique et militaire.
Mardi, deux explosions ont endommagé une tour relayant les fréquences radiophoniques russes à Maïak, près de la frontière ukrainienne, a affirmé le ministère de l’Intérieur de cette “république” autoproclamée dont l’indépendance n’est pas reconnue par la communauté internationale. La veille, les autorités locales avaient déjà déclaré que le siège du ministère de la Sécurité publique à Tiraspol, la capitale régionale, avait essuyé des tirs.
Des mesures immédiates en Moldavie
Ces violences n’ont pas fait de victimes, mais les autorités locales ont décidé de relever pour 15 jours le niveau d’alerte “terroriste”, renforçant ainsi les pouvoirs des forces de sécurité.
“Il s’agit d’une tentative pour accroître les tensions. Nous condamnons fermement de telles actions. Les autorités moldaves veilleront à empêcher la république d’être entraînée dans un conflit”, a déclaré la présidente moldave Maïa Sandu après une réunion du Conseil de sécurité nationale.
Appelant la population au “calme”, elle a annoncé une série de mesures pour assurer la sécurité de ce petit pays d’Europe orientale, comme le renforcement des contrôles routiers et dans les transports, des patrouilles frontalières et des dispositifs supplémentaires pour protéger les infrastructures essentielles.
Ces mesures illustrent l’inquiétude qui règne en Moldavie, une ex-république soviétique qui redoute d’être la prochaine cible de Moscou, après l’Ukraine, un pays voisin où la Russie mène une offensive militaire depuis plus de deux mois.
De son côté, la Russie “suit attentivement” la situation en Transnistrie, a souligné ce mardi le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, ajoutant que “les informations qui en proviennent suscitent l’inquiétude”.
Les pro-russes de Transnistrie accusent l’Ukraine
“Le niveau de sécurité est reconnu comme critique. Décision a été prise d’introduire un niveau d’alerte ‘rouge’ à la menace terroriste”, peut-on lire dans un décret du dirigeant pro-russe de cette région séparatiste, Vadim Krasnosselski. Le défilé militaire du 9 mai à Tiraspol, commémorant la fin de la deuxième Guerre mondiale, a aussi été annulé. Vadim Krasnosselski assure en outre que les premiers éléments de l’enquête sur les incidents de lundi et mardi “mènent à l’Ukraine”.
La France soutient elle la Moldavie face “aux risques de déstabilisation”, a déclaré mardi le ministre des Affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian. “Le ministre a fait part à son homologue moldave de sa préoccupation et de sa vigilance à l’égard des incidents survenus ces deux derniers jours en Transnistrie. Il a réitéré dans ce contexte le plein soutien de la France à la stabilité, à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Moldavie face aux risques de déstabilisation dont elle peut être l’objet”, selon un communiqué. “Notre appui à la Moldavie, particulièrement exposée aux conséquences de la guerre en Ukraine, se poursuivra de manière déterminée”, selon le communiqué.
Sans aller jusqu’à attribuer la responsabilité des explosions à Moscou, comme le fait Kiev, le porte-parole du département d’État américain Ned Price a déclaré devant la presse: “nous demeurons préoccupés face à toute tentative potentielle d’engendrer une escalade des tensions.” “Nous ne connaissons pas tous les détails”, a-t-il continué, avant d’ajouter: “nous faisons écho aux appels au calme du gouvernement moldave en réponse à ces événements, et nous soutenons entièrement l’intégrité territoriale et la souveraineté de la Moldavie.”
L’Ukraine prise en tenailles depuis la Transnistrie?
Certains analystes estiment que la Transnistrie, où sont déjà présents 1500 militaires russes, pourrait servir de tête de pont supplémentaire à l’invasion du sud de l’Ukraine, à l’image du Bélarus pour le nord. Tiraspol n’est en effet qu’à une centaine de kilomètres d’Odessa, la grande ville portuaire du sud de l’Ukraine que convoite Moscou.
Ce serait une conséquence dommageable de plus pour la Moldavie, qui subit déjà les conséquences de la guerre en Ukraine, avec l’afflux de plus de 400.000 personnes ayant fui les combats.
Mais ce petit pays d’Europe orientale de 2,6 millions d’habitants coincé entre la Roumanie et l’Ukraine redoute désormais d’être gagné par le conflit armé, d’autant que ses relations avec la Russie se sont tendues depuis l’arrivée à la tête de l’État en 2020 de Maïa Sandu, qui est pro-européenne (comme le sont d’ailleurs les dirigeants ukrainiens).
Cette inquiétude s’était déjà accentuée la semaine dernière après qu’un général russe a affirmé que Moscou voulait s’emparer du sud de l’Ukraine pour avoir un accès direct à la Transnistrie. Le général Roustam Minnekaïev, le commandant adjoint des forces du District militaire du Centre de la Russie, avait en outre dénoncé l’“oppression” dont les russophones font selon lui l’objet en Moldavie, un prétexte déjà invoqué par Moscou pour intervenir en Ukraine.
La Moldavie a convoqué l’ambassadeur russe pour protester contre ces déclarations perçues comme des menaces, appelant la Russie à respecter son “intégrité territoriale”. La Transnistrie, qui compte environ 500.000 habitants, a fait sécession de la Moldavie après une brève guerre civile dans la foulée de l’effondrement de l’Union soviétique. Elle vit depuis grâce à des livraisons gracieuses de gaz russe, et dans une société où tous les biens de consommation viennent du régime tutélaire de Moscou.
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