En finir avec le diktat de la compétitivité
La compétitivité est omniprésente dans le débat public. Elle sert à justifier la baisse de la fiscalité sur les riches et sur les entreprises, des exonérations de cotisations qui nous privent de précieuses ressources pour financer ensuite notre modèle social et nos services publics. Et, nous en avons eu l’illustration récemment, une réforme des retraites soi-disant nécessaire pour s’aligner sur nos voisins qui ont déjà, eux, repoussé leur âge de départ.
Des politiques inefficaces
Tout pays doit évidemment prendre en compte la contrainte extérieure, admet l’auteur, docteur en sciences politiques à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Mais la dimension économique a pris trop de place par rapport aux considérations écologiques, sociales ou géostratégiques qui doivent aussi guider l’action publique. Vous l’aurez donc compris, Benjamin Brice nous invite à remettre en cause le diktat de la compétitivité.
D’autant plus que nous avons désormais suffisamment de recul pour montrer que ces politiques ne fonctionnent pas. Pour preuve : notre déficit commercial continue de se creuser et le pays s’est massivement désindustrialisé. Par ailleurs, ces politiques alimentent une colère sociale, car elles bénéficient surtout aux plus aisés quand les plus pauvres trinquent du fait des délocalisations, de la flexibilisation du marché du travail et de la dégradation des services publics. Elles appauvrissent de surcroît la vie démocratique puisque l’argument de la compétitivité est devenu comme un atout aux jeux de cartes : il clôt le débat.
Enfin, elles ne sont plus adaptées au contexte international actuel. En effet, les politiques de compétitivité telles qu’elles ont été mises en place ces dernières décennies se focalisent sur l’augmentation des exportations, en particulier dans les secteurs à haute valeur ajoutée dans lesquels la France s’est spécialisée (aéronautique, luxe, etc.).
Mais d’une part, de nouveaux pays, notamment en Asie, sont désormais en passe de rivaliser avec nous sur ces segments. En clair, « après avoir perdu beaucoup de parts de marché dans les produits de consommation courante, la France découvre qu’elle est maintenant menacée dans les secteurs de niche », résume l’auteur.
D’autre part, alors que les importations sont un angle mort des politiques de compétitivité, la pandémie puis la guerre en Ukraine nous ont rappelé l’importance de mieux sécuriser nos circuits d’approvisionnement pour un certain nombre de biens de base dont le manque nous a alors sauté au visage.
Relocalisation et sobriété
Que prône l’auteur pour dépasser les politiques de compétitivité actuelles ? Une dose de relocalisation pour réduire nos importations, et une autre de sobriété qui concerne évidemment en priorité les plus riches.
L’articulation de ces deux piliers lui permet de dépasser la critique de ceux qui montent au rideau dès que le mot sobriété est prononcé, au motif qu’une telle évolution mettrait en péril notre économie, qui repose en grande partie sur la consommation. Benjamin Brice rejoint ainsi la thématique de son premier livre, La sobriété gagnante, autoédité l’année dernière.
A lire : « L’impasse de la compétitivité », par Benjamin Brice, Les liens qui libèrent, 2023, 272 p., 21 €.
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