Et si l’apprentissage multilingue et multiculturel était un antidote au séparatisme? – BLOG
Les discussions sur la laïcité sont essentielles mais il nous semble qu’elles devraient inclure une réflexion plus large sur la diversité culturelle de la France avec une approche plurielle des langues et des cultures. Ce travail mené par plusieurs acteurs du terrain dont l’association Dulala a montré qu’une éducation multilingue et interculturelle n’est pas seulement possible mais aussi fortement souhaitable pour lutter contre les inégalités et les discriminations. Aujourd’hui, la Journée internationale des droits de l’enfance, est une occasion d’étayer cette réflexion autour de la culture écolière comme transmettrice non pas d’une société monolithique, mais multiple, une société qui nous ressemble.
Mais pourquoi faire une place à la diversité des langues et cultures à l’école?
Les textes sont déjà là au niveaux supranational,[1] européen [2] et français pour légitimer les actions.[3] Tous ces textes nous expliquent qu’un enfant, pour être bien entouré dans sa vie d’écolier, doit être reconnu dans son individualité lui donnant la possibilité d’accéder à tout son potentiel. En passant par une reconnaissance et une valorisation des langues qu’il porte en lui, nous contribuerions aussi à la création d’une société plus inclusive.
Qu’est-ce que c’est l’éducation multilingue?
D’un point de vue didactique, l’éducation multilingue ne constitue pas une nouvelle méthode pour apprendre les langues étrangères mais c’est une approche permettant un changement de perspective car elle prend en compte toutes les langues, celles de l’école mais aussi celles de la maison. Il s’agit alors d’un puissant outil à la décentration de soi : l’élève est amené à comprendre que sa façon d’engager ces symboles socio-psychiques ne forme pas une réalité objective, qu’il en existe bien d’autres.
Dans ce sens l’éducation multilingue est une éducation à l’altérité et une expérience de décentration permettant d’élargir le répertoire langagier de chacun.e.
Concrètement cela passe par des projets pédagogiques qui font une place aux langues des enfants et du monde à travers par exemple la constitution d’un fond littéraire multilingue, la création d’histoires où s’intègrent au récit en français des mots venus d’ailleurs, d’affiches permettant de rendre visible la diversité linguistique et culturelle au sein des écoles et bien sûr un travail de formation des professionnels de l’éducation pour les outiller à enseigner dans des classes de plus en plus multiculturelles.
Une république multiple et unie
Par cet argument, nous rejoignons le président Macron quant à une approche décomplexée de la reconnaissance et de l’exaltation de la richesse linguistique qui se trouve au sein de notre territoire et au sein de nos familles. Toutefois, nous nous gardons de la tentation d’essentialiser les difficultés d’intégration en les assignant à un seul groupe et de tout amalgame entre une langue et une idéologie. L’enseignement d’une diversité de langues et l’enseignement de la diversité des langues permettent une réponse qui n’est pas réductionniste à des questionnements complexes, et qui nous concernent tous, francophones et plus. Les tensions implicites dans la discussion sur l’identité, le séparatisme, la laïcité peuvent être détournées vers une célébration de notre culture multiple en commençant à l’école. Et ça fait du bien au projet républicain en permettant à la devise de la République de s’incarner pour de vrai.
_____________________________
[1] – Par exemple: [L’éducation] doit préparer l’enfant à une vie adulte active dans une société libre et encourager en lui le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses valeurs culturelles, ainsi que de la culture et des valeurs d’autrui. Convention internationale des droits de l’enfant, ONU, 1989 Article 29.
[2] – Par exemple: […] au lieu d’être un obstacle à la communication, [la diversité linguistique et culturelle en Europe] devienne une source d’enrichissement…c’est seulement par une meilleure connaissance des langues vivantes européennes que l’on parviendra à faciliter la communication… et à éliminer les préjugés et la discrimination… Recommendation R (82) 18 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe.
[3] – Par exemple: […] outre les enseignements des langues qui leur sont dispensés, les élèves peuvent bénéficier d’une initiation à la diversité linguistique. Les langues parlées au sein des familles peuvent être utilisées à cette fin… loi n°2013-595 du 8 juillet 2013, article 39 de la section 3 ter.
À voir également sur Le HuffPost: Parler arabe en France? Nabil Wakim raconte la “triple honte” des enfants d’immigrés
Laisser un commentaire