« Eux » et « Nous » ou les dangers de la polarisation – BLOG
Les conflits intergroupes sont des phénomènes vieux comme le monde. Dans un contexte de survie, protéger et favoriser son groupe au détriment des autres est une stratégie qui s’avère généralement payante. C’est ce qui explique que certains animaux sociaux peuvent se montrer altruistes envers les individus de leur groupe tout en étant agressifs avec les individus d’autres groupes de la même espèce, à l’instar des chimpanzés, des suricates voire même des dauphins.
Le besoin de favoriser “son” groupe
Le besoin de favoriser son groupe est une attitude présente dès notre enfance. Très jeunes, les enfants ont tendance à affirmer que leur père est “le plus fort”. Beaucoup d’élèves et d’étudiants pensent que leur classe, leur école ou leur université est “meilleure” que les autres, simplement parce qu’ils en font partie. Sans oublier cette tendance à croire en la supériorité de sa culture. De manière implicite ou explicite, beaucoup d’Occidentaux croient ainsi que leur culture est plus moderne, plus développée, voire plus civilisée que la culture africaine, arabe ou asiatique. C’est ce qu’on appelle l’ethnocentrisme.
“Eux” et “Nous”, l’endogroupe et l’exogroupe
Une autre stratégie de valorisation consiste à dénigrer les autres groupes afin de montrer que “nous” ne sommes pas comme “eux”. C’est ce qui peut expliquer que dans les débats où deux personnalités politiques s’opposent, celles-ci passent parfois plus de temps à critiquer l’autre camp qu’à mettre en avant leur propre programme. Dans le même ordre d’idées, si je suis membre du parti socialiste, j’aurai tendance à dénoncer les affaires qui touchent certains membres de partis se situant à droite de l’échiquier politique, tout en prenant soin d’ignorer les scandales du parti auquel j’appartiens.
Le traitement médiatique de certaines questions de société peut également être à l’origine du biais de l’endogroupe. Par exemple, le simple fait de nous demander si nous sommes pour ou contre la vaccination peut créer une séparation de l’opinion publique en deux camps: les “pour” et les “contre”. Pourtant, poser la question de savoir si on est pour ou contre un vaccin pour lutter contre la propagation d’un virus équivaut à demander si on est pour ou contre les antibiotiques en cas d’infection ou pour ou contre l’anesthésie avant un acte chirurgical. Cela n’a pas beaucoup de sens, car cela réduit des faits scientifiques à des opinions, tout en limitant un problème à une vision binaire et artificielle. En effet, dans la réalité, nous pouvons très bien défendre la vaccination tout en étant opposés à l’obligation vaccinale par exemple.
Le biais de l’endogroupe est également un risque lorsqu’on aborde la question du complotisme. Là encore, la façon dont beaucoup de médias présentent les théories du complot autour de la pandémie de la covid-19 a tendance à constituer deux camps: les complotistes d’une part, qui seraient paranoïaques, crédules et antisystèmes, et les non-complotistes d’autre part, qui seraient objectifs, bien informés et sains d’esprit. Des personnes qui s’interrogent sincèrement et qui critiquent certaines mesures gouvernementales peuvent alors être assimilées à tort à des “complotistes”, un mot réducteur parfois utilisé à outrance par des personnes à court d’arguments. Il existe pourtant une différence importante entre le fait de croire d’une part que le Sars-cov-2 aurait été créé par une élite pour réduire la population mondiale, et d’autre part le fait de se questionner sur les méthodes avec lesquelles les décès liés à la covid-19 sont comptabilisés ou encore la façon dont ces chiffres sont médiatisés. Gardons par ailleurs à l’esprit que nous sommes tous susceptibles de nous tromper face à des sujets que l’on ne maîtrise pas.
Comment ne pas polariser un débat
Pour diminuer le biais de l’endogroupe, on peut faire l’effort de ne pas considérer d’emblée celui qui ne pense pas comme nous comme un rival, de ne pas se laisser envahir par ses propres émotions en cas de désaccord et surtout de prendre le temps d’identifier les points sur lesquels nous sommes en accord, il y en a souvent plus qu’on ne le pense. Se montrer capable de se confronter à des informations qui ne vont pas dans son sens et savoir reconnaître ses torts sans se sentir menacé pour autant sont également des attitudes à encourager.
Les risques principaux en période de crise sont la division et le conflit. C’est pourquoi nous devrions prendre nos divergences comme des occasions de débattre, pas de s’affronter. Historiquement, une des significations du mot débattre consiste précisément à discuter pacifiquement pour éviter de se battre. Ce dont nous avons cruellement besoin aujourd’hui, ce n’est pas de davantage de séparation, de tension et de polarisation, mais de plus de compréhension, de nuances et d’unité afin de trouver ensemble des solutions aux problèmes auxquels nous sommes tous confrontés.
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