Financement de la transition : comment maîtriser les coûts publics ?
Comment concilier contrainte budgétaire et besoins additionnels de financements publics pour le climat ? Parce qu’elle n’a jamais été sérieusement traitée, cette question aussi essentielle qu’épineuse revient chaque automne avec la discussion de la loi de finances. Et devient, année après année, de plus en plus compliquée à résoudre à force d’être reportée.
L’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) a très opportunément publié une note sur les marges de manœuvre qui permettraient de maîtriser ces besoins de financement public, sans – évidemment – revoir à la baisse l’ambition climatique. Dans un contexte politique désormais extrêmement contraint, elle tombe à point nommé.
En préalable, l’étude rappelle qu’il est illusoire de croire qu’il suffirait de compter sur le seul effort privé pour combler l’écart de plusieurs dizaines de milliards d’euros par an entre les investissements climat actuels et ce qui est nécessaire pour, dans l’immédiat, respecter l’objectif européen d’une réduction de 55 % des émissions nettes de gaz à effet de serre en 2030 (par rapport à 1990).
En effet, beaucoup de dépenses relèvent du public seul, comme celles consenties pour le réseau ferré ou la rénovation des écoles. D’autre part, beaucoup d’investissements privés ne pourraient pas être réalisés sans aides publiques, telle la rénovation des logements, notamment.
Une méthode en trois points
Accroître l’investissement public en faveur du climat est donc indispensable. De combien ? La réponse d’I4CE tient en trois points. Premier point : face au déficit d’investissement climat et à dispositifs publics inchangés, les besoins de financement public pour le climat vont exploser.
Estimées à 32 milliards d’euros en 2024 (Etat et collectivités locales), ces dépenses publiques devraient être portées à 103 milliards en 2030, soit +71 milliards dans le cas où les politiques publiques liées au climat en 2030 seraient exactement les mêmes qu’aujourd’hui (scénario sans réformes, ni mise en place de nouveaux dispositifs).
Voire davantage. Car l’étude d’I4CE, qui limite le périmètre de son analyse aux secteurs de la rénovation des bâtiments, des transports et de la production d’énergie, n’intègre notamment pas l’agriculture et l’industrie.
Il serait toutefois possible, deuxième point, de limiter ces besoins additionnels à 39 milliards d’euros en instaurant des réformes et des mesures qui permettraient de reporter une partie de l’effort public vers les ménages et les entreprises.
On peut tortiller le sujet dans tous les sens, à court terme, il faut accroître massivement la dépense publique en faveur du climat
Cependant, troisième point, la mise en œuvre de ces mesures, si elles étaient décidées, prendra forcément quelques années. Moralité : on peut tortiller le sujet dans tous les sens, à court terme, il faut accroître massivement la dépense publique en faveur du climat. Ce qu’au passage, seul le programme du Nouveau Front populaire a proposé, à rebours de la politique suivie jusqu’ici.
Comme le fait observer I4CE, l’actuelle loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (LPFP 2023) prévoit une progression très modeste des budgets de la mission écologie : de 15,2 milliards d’euros en 2024 à 16,4 milliards en 2026.
Recentrer les aides publiques vers les ménages modestes
Quels instruments mobiliser pour faire contribuer davantage les entreprises et les ménages… sans provoquer une nouvelle crise des gilets jaunes ?
Il serait possible d’augmenter les tarifs dans les transports collectifs ou le niveau d’obligation des certificats d’économie d’énergie, mais dans des proportions limitées en raison des effets sociaux de ces mesures, qui touchent uniformément tous les consommateurs, directement ou indirectement.
Du côté des entreprises, des quotas de verdissement des flottes de véhicules et une révision de la fiscalité des voitures de société permettraient également de réduire l’effort public.
Le levier le plus important consisterait à recentrer les aides publiques aux ménages vers les ménages des premiers déciles de revenu
Mais le levier le plus important consisterait à recentrer les aides publiques aux ménages vers les ménages des premiers déciles de revenu. Et en premier lieu les aides à la rénovation des logements. Concernant les véhicules électriques, des obligations de verdissement de l’offre de leasing permettraient de réduire les subventions et de focaliser celles-ci sur les ménages les plus modestes.
Mises bout à bout, ces mesures permettraient de réduire les besoins de financements publics d’environ 30 milliards d’euros. A terme, et si elles étaient mises en œuvre.
Des marges de manœuvre qui, par ailleurs, ne permettent pas de se soustraire à l’équation financière globale : quelle que soit la manière dont ils se répartissent entre privé et public, les investissements climat vont devoir grimper très rapidement pour être au rendez-vous de 2030 et au-delà.
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