YE YE – documentaire Chine 2021 1h54mn VOSTF –
Du 02/02/22 au 08/03/22
H6, un titre aussi court qu’intrigant pour un film magistral ! Il vous cueille à la gorge sans crier gare, immédiatement captivant. À jamais ses personnages resteront gravés dans les mémoires telles d’ineffables rencontres. La toute jeune réalisatrice Ye Ye réussit pour sa première œuvre à retranscrire à l’écran tout ce qui fait la singularité de son immense pays d’origine, elle nous donne à ressentir les pulsations de son cœur, nous propulse dans ses secrets dessous, ses fragilités. Dépaysement total garanti qui tend pourtant vers une universalité bénéfique, réveillant en nous des désirs d’entraide et l’envie de défendre notre magnifique système public de santé et de solidarité.
Le contraste est saisissant entre le calme olympien de l’arrière pays rural et le bouillonnement des halls impersonnels qui vont suivre, d’abord celui d’une gare, ensuite celui d’un hôpital, le second semblant le prolongement interminable du premier.
Bienvenue donc à H6, l’hôpital du Peuple n°6 de Shanghai, véritable fourmilière humaine, deux millions de visiteurs par an, des files d’attente si denses qu’on ne sait plus où poser le regard. La caméra s’installe dans nos têtes, nous met dans un état de réceptivité maximale, glisse d’un détail à l’autre, avant de se faire totalement oublier. Dès lors elle nous entraîne d’une situation à une autre, dans la vie de six protagonistes principaux qui sont comme autant de facettes de la Chine, un condensé de continent à eux tous seuls. Les pièces du puzzle s’imbriquent peu à peu, inexorablement. De la tragi-comédie humaine qui se joue devant nos yeux, on ne perdra pas la moindre goutte, brûlant de connaitre la suite de chaque histoire comme les épisodes d’un captivant feuilleton. Que deviendra cette vieille femme à laquelle son homme donne amoureusement la becquée comme on le ferait pour un oisillon loin de son nid ? Et ce paysan tombé d’un arbre ? Et encore ce père qui ne cesse de chanter (faux, certes !) pour que son adolescente de fille et les autres malades se rétablissent bientôt, les exhortant tous à rire, le meilleur des remèdes ? Est-ce un vrai médecin, ce bonhomme hilarant et dégingandé, qui fait sa gymnastique sous nos yeux, tire sur les membres de ses patients, les gronde quand ils arrivent couronnés de gousses d’ail comme si ces dernières étaient la plus puissante des médecines ? Défile sous nos yeux une véritable cour des miracles contemporaine composée d’une humanité métissée, rurale ou urbaine, riche ou pauvre, incroyablement attachante, drôle, émouvante, parfois désespérante, à laquelle rien n’est épargné et qui pourtant aborde son sort avec une jovialité communicative et une sérénité stoïque. Chacun aura-t-il de les moyens de se payer les soins nécessaires ? Ici tout se monnaye, jusqu’aux services de l’aide soignante. Ici tout se sait, point de chambre individuelle, encore moins d’intimité. C’est une leçon de vie assez terrible quand on vient d’une société où la moindre bosse dans la carrosserie d’une bagnole donne parfois lieu à de véritables mélodrames. H6 nous invite à relativiser !
L’envie d’aller croquer son pays originel sous cet angle si particulier est née chez la réalisatrice après un séjour dans un hôpital français. Le rapport à la vie, à la mort était perçu de manière si diamétralement opposée à la conception chinoise qu’elle a réalisé que là résidait la clé pour comprendre les différences entre ces deux peuples qui battent dans son cœur à l’unisson et de fait, elle nous tend un miroir dans lequel il est salutaire de se regarder.
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