J’ai été harcelée ado et je n’ai réalisé qu’à l’âge adulte ce que j’ai subi – BLOG
Ce que j’ai subi pendant plusieurs périodes au collège est bien du harcèlement.
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Ce que j’ai vécu ce ne sont pas des bousculades, des intimidations ou encore des moqueries répétées. Ce que j’ai vécu, c’est ma mise à l’écart volontaire de la part d’une sacrée bande de pestes.
À l’époque on ne parlait pas de harcèlement. Ou alors on disait “il/elle a été bousculé.e, il/elle a été racketté.e”
Moi, de façon visible, on ne me faisait rien. Et pourtant durant ces périodes, je n’étais plus rien.
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Mise à l’écart volontaire et répétée
Dans ce collège-lycée, les élèves pénétraient dans la cour par un tunnel. Et souvent les groupes s’attendaient autour de l’énorme marronnier de l’entrée de la cour. Enfin, moi c’était là-bas que je retrouvais la plupart de mes amies. Et donc le lendemain matin de cette histoire de cantine, elles étaient presque toutes là et en me voyant arriver, elles se sont toutes retournées, m’offrant une vue imprenable sur le dos de leurs doudounes à la mode. J’ai compris tout de suite que les prochains jours allaient être compliqués.
Plus aucune ne m’adressait la parole. Je me suis retrouvée seule à la cantine, que j’ai fini par sécher tous les midis. J’avais demandé à un garçon de pointer pour moi au self pour ne pas attirer l’attention des surveillants. L’un d’eux a vu que je ne mangeais plus, mais m’a juste engueulé me menaçant de me coller. Alors j’ai mangé à nouveau seule et puis avec un autre groupe de filles, mais je n’avais pas grand-chose en commun avec elles et voir “mes amies” rigoler à la table d’à côté ne faisait que remuer le couteau dans la plaie.
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Ce schéma de mise à l’écart s’est reproduit plusieurs fois.
Parfois, je ne savais même pas ce que “j’avais fait”. D’autres filles de la bande y ont pris goût et quand j’avais la paix d’un côté, ça revenait d’un autre et ça prenait des formes différentes: on ne m’invitait pas à la boum attendue depuis des mois, on créait de petits secrets pour tout et surtout pour ne pas m’en faire part. C’était limite encore plus vicieux, je n’étais plus exclue, mais je ne pouvais pas participer aux conversations. L’une d’elles m’avait dans le pif depuis le CM2, je peux vous dire qu’elle s’en est donné à cœur joie.
Je ne me souviens plus bien de ce que je faisais pendant ces longues pauses méridiennes… J’allais de temps en temps seule au CDI.
Heureusement pendant les petites récrés je pouvais compter sur deux filles externes qui n’avaient pas suivi le mouvement et continuaient à me parler. J’admirais leur courage de ne pas se laisser influencer. Mais bon, je n’allais pas non plus monopoliser tout leur temps. Et je ne voulais pas non plus “faire pitié”.
Mais je me souviens très bien de ce mal-être, de la boule au ventre que j’avais en permanence et des soirées à ne rien faire, car incapable de me concentrer sur quoi que ce soit. Je pleurais beaucoup dans ma chambre. Mes parents rentraient tard et je m’étais un peu confiée à ma mère (j’avais un peu minimisé parce que je trouvais cette situation ridicule), mais rien ne s’était passé au collège. On n’en parlait pas à l’équipe éducative.
En pleine adolescence, difficile de n’être rien
J’avais carrément des idées noires et je pense avoir perdu plusieurs kilos.
Le pire c’est qu’en 3 une nouvelle est arrivée dans le groupe et j’ai reproduit quelque temps cette forme de mise à l’écart. J’avais de nouveau de bons rapports avec “la cheffe” et je ne voulais pas qu’elle me pique ma place (parce qu’en réalité avant qu’elle commence à me harceler on s’entendait très, très bien). Je savais que ce que je faisais était mal, mais revivre cet enfer était au-dessus de mes forces. Et puis j’ai voulu juste l’éloigner d’une personne, elle n’a pas vécu la mise à l’écart complète. Néanmoins, si je la revoyais aujourd’hui, je lui présenterais des excuses. Je ne me souviens que de son prénom, Chloé.
En classe de troisième, comme ça allait mieux, je suis partie en camp scout avec quelques-unes de ces filles (dont la Cheffe), je n’étais pas scoute, j’étais invitée pour le camp d’été.
«Un matin, je ne suis pas allée à l’école. Ma mère en rentrant de la traite m’a trouvée dans mon lit, je lui ai simplement dit ‘Je t’avais dit que je ne voulais plus y aller’.»
Et ça a recommencé! Presque trois semaines à l’écart, à l’autre bout de la France… J’ai noué des relations avec d’autres filles qui n’étaient pas au collège et avec une cheftaine plus âgée que moi. Et je les ai laissées à leur mesquinerie.
Décrochage scolaire
En classe de seconde, je me suis éloignée d’elles, me suis rapprochée d’un groupe de garçons, j’ai eu un petit copain qui était en classe de terminale, et j’ai vécu ma vie de mon côté. Tout en les observant de temps en temps. Et j’ai tout lâché scolairement parlant. Parce que ça restait le même établissement et que mon mal-être était présent dans chacune de ses pièces.
Un matin, je ne suis pas allée à l’école. Ma mère en rentrant de la traite m’a trouvée dans mon lit, je lui ai simplement dit “Je t’avais dit que je ne voulais plus y aller”.
Finalement, après une rencontre avec le CPE, j’y suis retournée et j’ai juste fait acte de présence.
Avec le recul, je sais aujourd’hui que ce n’était pas de la fainéantise, mais j’avais un contrecoup énorme. J’ai redoublé ma classe de seconde dans un autre lycée. Fin de l’histoire.
Prise de conscience des années plus tard
Oui vous avez bien lu! Je l’ai même installée à la table des mariés.
Puis les années ont passé et on a toutes les deux attendu un bébé (le premier pour elle) en même temps. Quand mien est né, elle m’a envoyé un cadeau et un mot dans lequel elle a dit que c’était l’année des changements, un bébé bientôt et un mariage après.
Un jour, j’ai vu par hasard ses photos de mariage. Elles y étaient toutes.
Sauf moi. Je n’avais pas été invitée. Même pas un faire-part.
Et là, c’est presque la fin de l’histoire. J’ai encore mis, je pense, deux ans pour virer ces filles de “mes amies” Facebook. Un jour, de grande lucidité — enfin! — où j’ai réalisé que ce comportement qu’elles avaient eu envers moi n’était pas acceptable.
Et aujourd’hui j’ai pris conscience que j’avais été harcelée.
Elles ont presque toutes des enfants. Je me demande si elles réalisent ce qu’elles m’ont fait.
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Ce billet, également publié sur le blog de Sabine I., a été reproduit sur Le HuffPost avec son accord.
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