Salut VICE,
Je vis une super relation amoureuse depuis quelques années déjà ; les deux premières années ont été à distance (pendant que je terminais mes études à l’étranger) et depuis trois ans, on vit ensemble.
Mon partenaire et moi avons toujours voulu vivre ensemble, mais quand on a enfin franchi le pas, ça a été plus compliqué que prévu. Mon partenaire a emménagé dans l’appart où je vivais déjà avec des potes, ce qui a vraiment changé la dynamique du groupe. On s’est aussi rendu compte qu’on avait une conception très différente de l’espace personnel.
Pour moi, la maison, c’est sacré – chaque objet qui s’y trouve a une signification et le fait de tenir la maison bien rangée m’aide aussi à mettre de l’ordre dans ma tête. Pour lui, la maison n’est « qu’un contenant », comme il dirait. Pendant notre première année de vie commune, le ménage a été une source constante de conflit.
Aujourd’hui, on a fait de nombreux compromis et on ne vit plus en colocation, mais quand on est séparés pour des raisons professionnelles ou familiales, je me sens souvent soulagée. Ces moments me rappellent les années où on vivait séparément – une époque où on ne se disputait pas pour savoir qui allait faire la lessive, la cuisine, sortir les poubelles, etc.
Parfois, j’envie mes amis qui vivent seuls et n’ont pas à faire de compromis. Est-ce normal de penser que la vie à deux, c’est surfait ? Peut-on avoir une relation saine et solide sans vivre sous le même toit ?
O.
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Cher O.,
Comme vous le dites vous-même, votre partenaire et vous avez une conception différente du foyer et de l’importance d’en prendre soin. Comme il s’agit d’une forte source de stress dans votre relation, il est utile de commencer par établir la cause de cette différence de valeurs.
Comme l’explique Raffaele Simone, psychologue clinicien et sexologue basé à Milan, la vision de l’espace domestique diffère d’une personne à l’autre. Celle-ci est forgée par les expériences passées et le contexte familial. « Prenons l’exemple d’une personne qui a grandi dans une famille qui déménageait souvent », explique Raffaele Simone. « S’attacher à un lieu a probablement été associé à la douleur de le quitter. Par conséquent, il est possible que cette personne évite inconsciemment de s’attacher à un foyer. »
Ces différences dans votre relation – à la maison et aux objets qu’elle contient – peuvent se manifester dans toutes sortes de situations quotidiennes. Disons que votre table de cuisine appartenait à votre grand-mère, qui n’est plus de ce monde. Pour vous, cette table représente un souvenir important et positif. Mais pour quelqu’un d’autre, cette table pourrait être source de tristesse.
Un autre facteur de complication dans votre situation pourrait être lié à la pandémie, qui, pour de nombreuses personnes, a changé la façon de voir la maison. « On a ramené toutes nos routines à la maison », explique Simone. C’est devenu notre bureau, notre salle de sport et parfois même notre boulangerie, ce qui a conduit beaucoup d’entre nous à flirter avec l’idée de devenir propriétaire. (Comme le montre le pic des recherches de maisons au cours de cette période).
« Mais pour d’autres, poursuit Simone, la pandémie a fait naître des sentiments de haine envers la maison dans laquelle ils ont été piégés pendant des mois. » Pour vous, prendre soin de votre maison est une façon de prendre soin de vous. Mais peut-être votre partenaire accorde-t-il plus d’importance au fait de profiter de la vie en dehors de la maison – sortir, voyager, être dans la nature. Par conséquent, les tâches ménagères peuvent lui sembler comme une perte de temps. Cette situation peut susciter un sentiment d’amertume, surtout s’il a l’impression d’avoir dû « mettre en suspens » tant de choses ces dernières années.
Aujourd’hui encore, dans les couples hétérosexuels, le travail domestique est largement effectué par les femmes. C’est principalement dû aux différences de socialisation entre les sexes – et ce n’est que récemment que les choses ont commencé à bouger. Aussi frustrant que ça puisse être, votre partenaire n’a peut-être jamais appris à faire certaines tâches ménagères.
Si vous voulez une meilleure répartitions des tâches, il va peut-être falloir lui montrer comment faire. Mais il est essentiel de ne pas le culpabiliser. « Le processus d’enseignement doit être enrichissant, pas dévalorisant », souligne Simone.
Ceci dit, si vous avez l’impression que ça aiderait votre couple de vivre séparément, ou si vous avez simplement besoin de retrouver votre espace, il n’y a rien de mal à ça. « Ce n’est pas parce que c’est ce que font la plupart des gens que c’est une obligation », rappelle Simone.
Attentes sociales et pressions économiques mises à part : « Tout dépend de l’importance que vous accordez à la vie en commun. » Si c’est ce que vous souhaitez malgré tout, alors il pourrait être utile d’essayer d’arranger les choses et de renégocier les termes de votre vie à deux. Une autre option serait d’essayer de vivre séparément un temps, et de voir ce que vous préférez.
Quant à aborder le sujet avec votre partenaire, « il est important d’expliquer que c’est juste une préférence personnelle, et que ça ne change rien à l’amour que vous lui portez », explique Simone. « Avoir un espace à soi permet de garder de la place pour son développement personnel, indépendamment de son partenaire. »
Après tout, notre génération est beaucoup plus habituée à voyager, et à partager sa vie, de manière plus fluide. Vivre ensemble aujourd’hui, ce n’est plus ce que c’était avant. « Quand on est en couple, on sait que la personne est là parce qu’elle a confiance en la relation qui nous unit », conclut Simone. « Cela nous permet de nous sentir bien dans le couple, même sans se voir quotidiennement ou sans vivre ensemble. »
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