JULIETTE AU PRINTEMPS
Blandine LENOIR – France 2024 1h36mn – avec Izïa Higelin, Sophie Guillemin, Jean-Pierre Darroussin, Noémie Lvovsky, Eric Caravaca, Liliane Rovère… Scénario de Blandine Lenoir et Maud Ameline d’après la bande dessinée Juliette, les fantômes reviennent au printemps de Camille Jourdy.
Du 03/07/24 au 16/07/24
Juliette est fatiguée. Marre de son train-train quotidien. Un peu marre de sa vie aussi. Juliette sort d’une dépression qui la laissée KO. Faire une visite à sa famille pour se ressourcer ? Quelle bonne idée ! Quoique… Entre un père un père lunaire, une mère artiste complètement folle de son nouveau mec, une grand-mère aux portes d’Alzheimer qu’il faut surveiller comme le lait sur le feu et une sœur accaparée par son taf, ses deux marmots, son mari et son amant, pas sûr que ce soit le meilleur plan pour se reposer. Mais bon, Juliette y croit. Elle en profitera pour essayer de dormir, un peu (les impatiences dans ses jambes ne trahissent-elles pas celles dans sa tête ?) et pour dessiner beaucoup, son père notamment, entouré de trois enfants (?), à la limite de l’obsession. Parce que c’est son métier : dessinatrice de livres pour enfants. Et avec cette dépression, l’inspiration était partie voir ailleurs.
Juliette est donc venue pour se requinquer mais aussi pour aider sa sœur et son père à vider la maison de sa grand-mère qui vient d’être admise en Ehpad. Elle l’adore cette maison, Juliette. On sent bien qu’elle y a beaucoup de souvenirs, beaucoup d’objets de son enfance qui l’attendent dans un carton. Sa sœur est beaucoup plus pragmatique, elle a hâte de refiler les meubles à Emmaüs, de finir les derniers paquets et qu’on n’en parle plus ! Parce qu’en fait, elle aussi est fatiguée. De gérer la mère fofolle et un peu aux abonnés absents (Noémie Lvovsky, parfaite comme toujours), le père tellement pudique que son seul moyen d’exprimer un sentiment est de demander s’il doit décongeler une pizza ou une quiche (touchant Jean-Pierre Darroussin), et d’assumer son rôle de mère forte et d’épouse parfaite… pendant que Juliette, pense-t-elle, vit la meilleure des vies, toute seule loin de tous ! Les deux sœurs s’aiment, pas de doute, mais il y a comme un fossé qui les sépare, des incompréhensions qui les ont éloignées. Et il se pourrait bien que durant ce petit séjour, somme toute plein d’imprévu, des souvenirs enfouis remontent, que des non-dits explosent au visage de tout ce petit monde et que des secrets de famille refassent surface. Tout ça dans un joyeux bordel.
Après son très beau Annie colère (2022), Blandine Lenoir revient ici avec une comédie douce amère sur une famille aussi fantasque qu’attachante. La bataille des femmes qu’elle nous a si bien narrée dans Annie colère n’est pas si loin dans Juliette au printemps, à une échelle certes plus intime, plus discrète, mais c’est bien l’indépendance et la liberté que les trois générations de femmes présentes veulent obtenir. Les hommes n’en tiennent pas moins une place importante, même s’ils sont taiseux et maladroits, à l’instar du géant Pollux que Juliette va croiser sur sa route et qui sera d’un grand réconfort. Nous sommes immergés dans une famille qui pourrait très bien nous rappeler la nôtre : toutes ces vies se déroulent en parallèle mais cherchent tout de même un moyen de se relier entre elles, que ce soit au travers des petits riens du quotidien ou au travers d’histoires qu’on a jusque-là soigneusement fait semblant d’oublier…
Le scénario est ciselé, l’ambiance est riche et changeante, au gré des humeurs et des sentiments, tantôt chaleureuse et émouvante, tantôt burlesque et poétique. L’interprétation est remarquable – chapeau à Sophie Guillemin, incarnant cette sœur, le personnage le plus riche du film, avec une impressionnante justesse, tant dans sa force que dans ses failles – et on quitte la salle avec un sentiment de tendresse pour toutes et tous ces humains fragiles qui nous ressemblent.
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