La nouvelle vague MeToo – BLOG
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Aujourd’hui, le spectre de ces récits s’étend: il ne s’agit plus seulement de raconter des agressions caractérisées de la part de prédateurs sexuels mais aussi d’actes qui semblent plus anodins, à première vue. Cette extension du domaine du récit en viendrait à décrédibiliser la libération de la parole dans son ensemble. Dès lors, le mouvement #MeToo s’apparenterait à une épuration au nom de la bien-pensance, du type de celle menée dans les années 60 contre les communistes aux Etats-Unis, d’un puritanisme dicté par un esprit de revanche.
Il y a pourtant une raison pour laquelle des agissements aussi différents sont spontanément associés, raison dont ne rend pas compte la justice. Derrière ces récits se cache une structure invariante qui dit quelque chose de la psyché humaine. En envisageant ces témoignages sous l’angle strictement narratif, ce qui apparaît, c’est que derrière des degrés de gravité différent se dit toujours la même chose: un profil d’agresseur mais aussi de victime similaires.
Une justice à la traîne
Mais les agissements dépeints dans ces récits présentent une cohérence qui n’est pas celle de la justice. La justice ne punit des faits que lorsqu’ils sont “caractérisés”, c’est-à-dire établis de manière indubitable et qu’ils se déroulent sans le consentement du plaignant ou de la plaignante. Le mot “consentement » n’est pourtant pas utilisé par la loi. On y parle de “violence, contrainte, menace ou surprise” mais aussi d’absence de “discernement”. Le discernement, c’et la capacité de reconnaître et de comprendre; il peut être altéré, par une prise de substance par exemple; dans le cas de mineurs de moins de 13 ans, la loi conclut à l’absence de discernement. Enfin, l’article 222-24 du code pénal indique qu’un viol est puni de 20 ans de réclusion criminelle lorsqu’il est commis “sur une personne dont la particulière vulnérabilité (…) est apparente et connue de l’auteur” mais aussi “lorsqu’il est commis par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions”.
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Or il est facile de voir où se situe le problème: la réalité des faits incriminés est le plus souvent impossible à établir. Quant à la question du consentement, on comprend intuitivement qu’il ne suffirait pas qu’il ait été obtenu; il faut savoir comment, c’est-à-dire à déterminer s’il était libre (et non résultant d’une emprise) et éclairé (soit qu’il a été donné en connaissance de cause, et c’est bien là le vrai sens du mot “discernement”).
De fait, en 2017, 76% des enquêtes pour viol n’ont pas abouti, la moyenne du classement sans suite des plaintes s’établissant à 69%. Or, selon l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, “seuls 13% des personnes se déclarant victimes de viol ont déposé plainte” (Timorée Boutry, Pascale Egré et Jérémie Pham-Lê, “Plaintes pour viols: pourquoi tant de classements sans suite”, Le Parisien, 2 mars 2019).
La logique juridique est ainsi en décalage avec les mécanismes psychologiques et sociologiques qui expliquent ce spectre de agressions, qu’elles soient psychologiques, physiques ou sexuelles, et qu’elles jouent sur la violence, la contrainte, la menace ou la surprise. Car ces actes peuvent aussi s’appuyer sur l’emprise ou la sidération, c’est-à-dire qu’ils profitent des dommages d’un traumatisme antérieur, que la psychologie appelle le “psychotrauma”. Et c’est bien du côté de la psychologie clinique que l’on trouve des réponses: au regard des avancées de la psychologie, la justice est au mieux en retard, au pire impuissante.
La glaçante banalité du mal
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«De même qu’il n’existe pas de « victime parfaite », il n’existe pas d’ »agresseur monstrueux ».»
La réponse est simple: qu’ont-ils en commun, sinon leur auteur? Pris à rebours, le problème se résout de lui-même. Celui qui en vient à violer a au préalable d’autres agissements, symptomatiques mais plus banals: il drague avec insistance et sans finesse, a la main baladeuse, parle de cul pour instaurer une complicité et se sentir autorisé à aller plus loin. En d’autres termes: il harcèle, il opère des attouchements, il instaure une emprise.
Car non, le violeur psychopathe tapi dans la nuit n’est pas la règle. De même qu’il n’existe pas de “victime parfaite”, il n’existe pas d’“agresseur monstrueux”. Si les agressions relevées sont différentes, c’est parce qu’elles ne ciblent pas les mêmes victimes. Selon que ces victimes sont puissantes ou non, en état de vulnérabilité ou non, la relation établie avec elles par l’auteur des faits est plus ou moins toxique ou abusive; elle emprunte là les chemins de l’emprise et de la sidération, ailleurs ceux de la contrainte, de la menace, de la surprise et de la violence.
Toutes ces cibles, néanmoins, ont des points communs: la naïveté ou la précarité; l’absence de moyen de défense. Car l’agresseur compte sur la honte et le silence que l’acte fait naître pour ne pas avoir à répondre du mal, plus ou moins grave, qu’il commet. Ce même silence auquel les victimes sont exhortées par les détracteurs et détractrices du mouvement #MeToo.
C’est bien dans ce sens qu’il faut comprendre les logiques de libération de la parole et de conservation du silence qui se montrent sur le champ médiatique. Pour les comprendre, il faut partir, dans une optique psychologique, des causes de ces agissements pour reconstituer le fil conduisant à leurs conséquences. La démarche juridique, elle, procède à rebours: partant des faits, elle cherche à trouver leurs causes, ce qui brouille les pistes.
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Ce n’est pas parce que quelqu’un trompe son compagnon ou sa compagne qu’il est un prédateur sexuel; ce n’est pas non plus parce qu’on aime draguer, ou qu’on cherche les relations sans lendemain, qu’on s’efforce de dominer son ou sa partenaire. Mais celui ou celle qui agresse a toujours eu des comportements abusifs, qui ont semblé parfois banals, et que la révélation de faits font souvent remonter à la surface. Aussi, sachez-le: #MeToo, ce n’est que le début.
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