Des mots rares, dans une période où l’immigration a pris une place de premier plan dans la pré-campagne présidentielle, souvent de manière caricaturale ou excessive. Surtout, lorsqu’ils émanent de deux députés pas franchement hostiles au président de la République, mais qui viennent mettre à mal ses principales mesures prises en matière de lutte contre l’immigration.
Sonia Krimi est députée LREM de la Manche, rapporteure de cette enquête. Sébastien Nadot, député de Haute-Garonne Libertés et Territoires (un groupe qui faisait partie de la majorité avant 2020) a présidé la “commission d’enquête sur les migrations” qui en est à l’origine. Tous deux présentent les conclusions de ces six mois de travail législatif.
“Poser un débat rationnel”
Les mots utilisés, d’abord, sous-entendent que le débat tel qu’il est proposé par la majorité est mal posé. Le rapport a “vocation à présenter la réalité des migrations internationales dans le but de poser un débat rationnel et de trouver des solutions pragmatiques et humaines”, écrit Sonia Krimi, mettant en lumière plusieurs autres écueils de la politique migratoire du gouvernement.
“L’immigration étant devenue un sujet de campagne électorale par excellence,
ses enjeux ne sont à peu près jamais posés avec une volonté de les traiter de manière rationnelle, souligne le rapport. Quant au migrant lui-même, il n’a que peu de place dans l’univers politique. Celui-ci n’étant appréhendé au mieux que comme un élément du flux donc comme une donnée quantitative ou au pire comme une nuisance.”
Le migrant n’est appréhendé que comme une donnée quantitative ou au pire comme une nuisanceRapport parlementaire sur les migrations.
La préconisation n°30 revient sur l’épineuse question des frais de scolarité à l’université multipliés par seize pour les étudiants extra-européens par le gouvernement d’Édouard Philippe en 2018. Une mesure jugée injuste par la rapporteure qui demande de “supprimer la mise en place des frais d’inscriptions différenciés pour les étudiants extra-européens”. Selon Campus France, la France accueille chaque année 365.000 étudiants internationaux et délivre 90.000 visas étudiants.
“Alors que nombre d’étudiants sont originaires de pays en butte à des difficultés politiques, économiques ou sociales, il serait vraiment regrettable que les jeunes méritants à fort potentiel de réussite se voient fermer les portes de l’enseignement supérieur et de la recherche français pour des raisons économiques. Il serait également regrettable de donner de la France l’image d’un pays qui se referme sur lui-même”, développe le rapport, en reprenant les propos de la Conférence des présidents d’universités, qui s’y étaient opposés à l’époque.
Supprimer la mise en place des frais d’inscriptions différenciés pour les étudiants extra-européens.Préconisation n°30 du rapport parlementaire
Autre décision – plus récente – du gouvernement remise en cause: celle de limiter les visas accordés à l’Algérie, au Maroc et à la Tunisie afin de mettre une pression sur ces pays pour qu’ils rapatrient leurs ressortissants refoulés de France. Décision prise le 28 septembre dernier.
Si le rapport comprend les enjeux de cette idée : “créer un rapport de force constructif face au refus de ces pays de délivrer les laisser passer consulaires, nécessaire à la reconduction des ressortissants de ces pays qui sont expulsables”-, il considère surtout qu’elle “pénalise les populations”.
Agence européenne de l’asile
Autre problématique soulevée par le rapport, celui du règlement Dublin, “un système qui aiguise les égoïsmes nationaux” qui s’applique à tous les États européens. Unanimement décrié pour son inefficacité, il “demeure, faute d’accord sur une alternative satisfaisante pour l’ensemble des États.”
“Le Règlement Dublin génère des comportements non coopératifs de la part de l’ensemble des États de l’Union, chacun essayant de minimiser le nombre des demandeurs chez lui”, peut-on lire.
Si des propositions sont sur la table de l’UE depuis 2016, le rapport estime que “la meilleure manière d’avancer vers une meilleure reconnaissance des décisions et une harmonisation des critères est la création d’une agence européenne de l’asile.” “La présidence française de l’Union européenne à compter du 1er janvier 2022 devrait porter cette proposition avec force”, préconise-t-il.
Darmanin dénonce “des recommandations que nous ne pouvons pas partager”
Pour y mettre fin, le rapport propose une alternative: restreindre la circulation des dirigeants à travers la délivrance de visas diplomatiques, approche qui “préserve les populations, étudiants, société civile, chefs d’entreprises, tout en augmentant le niveau de pression diplomatique. Et de conclure: “Il n’est pas nécessaire de pénaliser les forces vives des pays en question mais plutôt d’agir efficacement sans effet d’annonce”.
Un positionnement sans appel qui a fortement déplu à Gérald Darmanin. Interrogé à l’Assemblée nationale le 16 novembre lors de la séance de Questions au gouvernement par le président de la commission d’enquête, il a évoqué “des recommandations que nous ne pouvons pas partager”.
Pour rappel, la France a délivré 277.406 premiers titres de séjour en 2019, tout motif d’admission réuni. Ce nombre est tombé à 220.535 en 2020 et s’établirait à 219.302 en 2021 sur une population totale de 67,4 millions d’habitants, ce qui représente 0,3 % de la population.
À voir également sur Le HuffPost: Le cri du coeur de Sonia Krimi contre les tests de virginité
En savoir plus sur L'ABESTIT
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
C’est un débat crucial que soulève Sonia Krimi. La politique actuelle sur l’immigration semble plus axée sur des considérations électorales que sur la réalité des migrants et leurs besoins. Il est temps de construire une approche plus humaine et pragmatique, qui reconnaisse la complexité des migrations. Ce rapport pourrait être un premier pas vers une réforme nécessaire pour une véritable prise en compte des enjeux migratoires.