Le texte qui allonge le délai légal d’accès à l’IVG de 12 à 14 semaines de grossesse (16 semaines d’aménorrhée), a été voté par 86 voix pour, 59 contre et 7 abstentions, la plupart des groupes politiques étant partagés. C’est désormais au tour du Sénat de s’en saisir.
Du fait d’un manque de praticiens et de la fermeture progressive de centres IVG, il s’écoule souvent plusieurs semaines entre le premier rendez-vous et l’intervention. Chaque année, entre 3000 et 4000 femmes “hors délai” partiraient avorter à l’étranger, selon un rapport parlementaire publié en 2000.
Huées, bronca ou à l’inverse salves d’applaudissements: les débats entre les partisans du texte et ses opposants, de la droite et d’ex-“marcheurs” comme Joachim Son-Forget et Agnès Thill, ont fait resurgir les fantômes des discussions sur la loi Veil, adoptée il y a 45 ans.
“Nous attendons que les femmes puissent vivre leur accès à l’avortement comme elles le souhaitent. Les entraves continuent dans notre pays”, a tonné l’élue LREM Aurore Bergé.
.@auroreberge : “Nous sommes dans cet hémicycle un certain nombre de femmes à avoir eu recours à l’#IVG, et nous n’attendons ni compassion, ni commisération, ni en fait rien, nous attendons que les femmes puissent vivre leur accès à l’avortement sans entrave”. #DirectANpic.twitter.com/K14azrmgPx
— LCP (@LCP) October 8, 2020
“Personne ne remet en cause le droit à l’IVG”, se sont défendu à plusieurs reprises les parlementaires de droite.
L’ex-LREM Matthieu Orphelin, président du groupe EDS (Écologie, démocratie, solidarité) qui avait mis ce texte à l’ordre du jour, s’est félicité d’avoir “tenu bon”: “Les combats pour les droits des femmes sont toujours difficiles face aux conservateurs”.
De la gauche à la droite, tous les députés ou presque ont invoqué les mânes de Simone Veil décédée en 2017, qui a fait adopter la loi dépénalisant le recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), pour défendre leurs positions.
Le ministre de la Santé Olivier Véran avait d’emblée qualifié le sujet de “sensible”, voire “prématuré”. Le gouvernement avait choisi d’avancer avec prudence sur un terrain qu’il juge trop miné pour être débattu lors d’une “niche” parlementaire. Un avis largement partagé à droite.
Un “déséquilibre” de la loi Veil pour les opposants au texte
Portée par la députée EDS Albane Gaillot, la proposition de loi a obtenu un large soutien de LREM. Elle fait suite à un rapport parlementaire de la délégation aux Droits des femmes de l’Assemblée qui préconisait cette mesure sur le délai de l’IVG.
Si les alliés de la majorité MoDem et Agir se sont montrés majoritairement opposés à la réforme, l’ensemble de la gauche a soutenu la proposition de loi. C’est d’ailleurs du groupe LFI que les plaidoyers furent portés avec le plus d’élan, à l’instar de Jean-Luc Mélenchon ou de Clémentine Autain, qui a raconté avoir elle-même avorté mais en se heurtant à une question de “délai”.
De la droite aux centristes, les opposants ont ferraillé à chaque article et critiqué des dispositions qu’ils jugent venir “déséquilibrer” la loi Veil, comme l’ont souligné Jean-Christophe Lagarde (UDI) ou Jean-Louis Bourlanges (MoDem).
Dans leur ligne de mire: la suppression de la clause de conscience spécifique pour les médecins et sages-femmes, qui maintient l’IVG “dans un statut à part” alors que “c’est un acte de santé comme un autre”, selon Albane Gaillot. Une affirmation qui a hérissé les opposants. “Ce texte ne représente pas un “progrès” mais une dérive purement idéologique”, a tweeté la présidente du RN Marine Le Pen.
Le RN refuse l’allongement du délai légal de l’IVG de 12 à 14 semaines. Il s’opposera également à la volonté de supprimer la clause de conscience des médecins.
Ce texte ne représente pas un « progrès » mais une dérive purement idéologique. MLP #PPLIVG
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) October 8, 2020
Pour le gouvernement, la partition est délicate. Olivier Véran a rappelé qu’il était essentiel d’attendre l’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), que le gouvernement a saisi mardi, “pour faire un travail complet abouti” et éclairer les débats. Celui-ci doit rendre son avis courant novembre, probablement avant le passage au Sénat.
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