La restauration collective autrement
Garbure du Béarn, porc noir, truite des Pyrénées… Non, ce n’est pas un menu de restaurant étoilé mais de nouveaux plats concoctés par les cuisiniers de l’Arbizon, un établissement de la Mutuelle générale de l’Education nationale (MGEN) de soins médicaux et de réadaptation de 130 salariés, situé à Bagnères-de-Bigorre dans les Hautes-Pyrénées. Il n’y a pas si longtemps, on y servait des pizzas surgelées, du poulet importé d’Europe de l’Est, des compotes dans des sachets en plastique ou des gâteaux industriels.
Mais ça c’était avant… Avant que la nouvelle directrice, Valérie Gramon, accompagnée par Sébastien Vidal, responsable hôtellerie-restauration au siège de la MGEN, ne déclenche une petite révolution alimentaire. C’était il y a trois ans.
Pour mener à bien ce projet, un audit sur la restauration est d’abord mené en octobre 2020. Le constat est sans appel : pour des produits de mauvaise qualité (trop salés, trop sucrés, trop gras…), le coût est exorbitant. Il l’est d’autant plus que l’alimentation fait intégralement partie du soin apporté aux patients.
A l’Arbizon, qui compte 96 lits dont six identifiés « soins palliatifs », ce sont majoritairement des personnes âgées souffrant de plusieurs pathologies et des malades du cancer. La moyenne d’âge y est de 74 ans et la durée du séjour au sein de l’établissement de plus d’un mois. Soit 200 repas servis par jour.
Autant dire que passer d’une restauration basée sur l’industrie agroalimentaire à du 100 % « fait maison » nécessite de tout changer, du matériel aux produits, frais, de saison. Ces derniers sont en partie issus d’exploitations locales, achetés à des prix respectueux de la loi « Egalim II », qui vise à protéger la rétribution des agriculteurs.
« Grâce à l’investissement dans de nouveaux matériaux de haute précision et connectés, on peut faire des cuissons de nuit pour des lentilles, plus fondantes et donc plus faciles à manger, ou du confit de canard », relate Valérie Gramon.
La transition n’a pas toujours été simple. L’équipe de cuisiniers, composée aujourd’hui de quatre personnes, a été entièrement renouvelée en 2022 et a suivi une formation à ces nouvelles pratiques, immédiatement mises en œuvre.
« Nous avons fait des efforts pour entraîner l’ancienne brigade dans le projet, mais elle était trop habituée à la précédente organisation et n’a pas souhaité rester à l’Arbizon », explique Sébastien Vidal.
Il a également fallu du temps et de l’énergie pour motiver les agents de soin de distribuer les repas à un rythme plus cadencé pour qu’ils soient servis à la bonne température.
« Mais, finalement, nous avons embarqué tout le monde ! Et le résultat est très positif pour les patients qui ont bien meilleur appétit, qui sont ravis de manger des recettes ou des produits de leur région, joliment présentés, comme les yaourts ou compotes servis dans des ramequins », constate Valérie Gramon.
L’Arbizon, un modèle à suivre
Outre le goût, une attention est portée aux désirs de chacun, mais aussi à leurs besoins spécifiques.
Il en va ainsi des personnes atteintes de cancer. Grâce à quelques ajustements nutritifs dans les préparations culinaires, les compléments alimentaires au goût peu appétant ont, par exemple, été fortement réduits. Jean-Philippe Coubéris, responsable de la restauration, explique :
« Mon travail aujourd’hui, c’est 80 % au bureau et 20 % en cuisine. Je m’occupe en effet des commandes, je vais à la rencontre de producteurs locaux, je contrôle l’hygiène, je prépare les menus avec mon équipe… Et pour la qualité de vie au travail, c’est très satisfaisant car on contribue au bon rétablissement des patients. »
De quoi donner envie à d’autres établissements de suivre la même voie. D’autant que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, les coûts du poste « alimentation » ont diminué, passant de 217 492 euros hors taxes en 2019 à 147 218 en 2023, et ce malgré l’inflation. A ce rythme, les nouveaux équipements seront amortis mi-2024.
« On ne jette plus rien, on ajuste les commandes au plus près, on diminue le recours aux intermédiaires et le transport, on économise de l’énergie car la cuisine fonctionne entièrement à l’électricité et plus au gaz… », détaille Valérie Gramon.
Sébastien Vidal enchaîne :
« Grâce à l’Arbizon, on a bénéficié d’un laboratoire vivant nous permettant de mettre en œuvre un modèle respectueux de nos valeurs telles que le soutien aux filières locales, la lutte contre le gaspillage alimentaire via la pesée des assiettes après les repas ou la diminution des déchets. Sans oublier le retour à l’autonomie des équipes et la fierté des cuisiniers qui font leur menu, subliment les produits. L’agro-alimentaire, c’est de la dépendance et de la facilité car tout est prêt à l’avance. Le « fait maison » relève le niveau de compétences. »
Pour donner envie à d’autres de suivre la même voie que l’Arbizon, la MGEN a établi une base de données de 2 500 produits répondant à leurs critères d’exigences et communiqué au sein de son réseau sur les moyens mis en œuvre en termes de matériels, de formation…
Résultat, aujourd’hui, quinze nouveaux établissements MGEN, sur les 30 qui proposent de la restauration collective, ont initié des projets semblables. Une démarche globale et vertueuse que Valérie Gramon résume ainsi : « Faire de la restauration collective de qualité en maîtrisant ses coûts et en préservant la planète, c’est possible ! »
Cet article est publié dans le cadre d’un partenariat avec le groupe Vyv, dont est membre la MGEN.
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