L’Arménie et l’Azerbaïdjan d’accord sur un cessez-le-feu, mais les attaques continuent
“Un cessez-le-feu est annoncé à partir de 12h le 10 octobre 2020 dans des buts humanitaires”, a indiqué le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, lisant un communiqué à l’issue des pourparlers. C’est à 10 heures, heure de Paris, qu’il devait entrer en vigueur.
Sauf que les frappes auraient perduré après cet horaire. “Les forces azerbaïdjanaises ont lancé une attaque à 12h05”, soit après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu à midi heure locale, a déclaré le ministère de la Défense arménien. “L’ennemi bombarde des zones habitées”, a pour sa part indiqué le ministère de la Défense azerbaïdjanais, dans un communiqué publié 30 minutes après l’entrée en vigueur de l’accord.
Échange de prisonniers et de corps
Les deux pays s’accusaient ainsi mutuellement de continuer à bombarder des zones civiles ce matin. “Il y a quelques minutes, l’Azerbaïdjan a de nouveau frappé des zones civiles de Stepanakert avec des missiles”, a déclaré sur Twitter Artak Belgarian, le médiateur de cette république auto-proclamée. La ville de Stepanakert a déjà été régulièrement bombardée ces derniers jours.
Un journaliste de l’AFP sur place a également entendu deux explosions dans la matinée. “Les forces armées arméniennes bombardent intensivement des zones peuplées à Geranboy, Terter, Agdam, Agjaberdi et Fizuli. L’Azerbaïdjan prend des mesures réciproques”, détaillait le ministère de la Défense azerbaïdjanais dans un communiqué.
Sergueï Lavrov avait affirmé que le cessez-le-feu permettrait “d’échanger des prisonniers de guerre, d’autres personnes et les corps des tués avec la médiation et en accord avec les critères du Comité de la Croix Rouge.”
L’Azerbaïdjan et l’Arménie se sont également engagés ”à des négociations substantielles pour parvenir rapidement à un règlement pacifique” du conflit avec la médiation des co-présidents du groupe de Minsk de l’OSCE, a précisé le ministre russe. Co-présidé par la Russie, les États-Unis et la France, le groupe de Minsk de l’OSCE est depuis le milieu des années 1990 le principal médiateur international dans ce conflit.
Les “paramètres spécifiques” de la mise en oeuvre du cessez-le-feu seront convenus ultérieurement, a ajouté Sergueï Lavrov. Ces négociations entre les ministres des Affaires étrangères arménien et azerbaïdjanais, à Moscou, ont duré plus de dix heures et sont terminées très tard dans la nuit de vendredi à samedi.
Il s’agissait du premier espoir sérieux pour mettre fin aux affrontements meurtriers qui opposent depuis le 27 septembre des séparatistes arméniens de la république autoproclamée du Nagorny Karabakh, soutenus par Erevan, et les forces azerbaïdjanaises. Jusqu’à présent, les deux parties étaient restées sourdes aux appels de la communauté internationale à un cessez-le-feu.
Négociations et menaces
Dans un message sur son compte Facebook, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a évoqué des “négociations marathon” et a qualifié le ministre russe des Affaires étrangères de “maestro”.
Avant le début des pourparlers, le président azerbaïdjanais Ilham Aliev avait affirmé donner une “dernière chance” à Erevan pour régler pacifiquement le conflit dans cette région montagneuse, revendiquée par les deux pays. “Nous retournerons de toutes façons sur nos terres”, avait-il affirmé, lors d’un discours télévisé. Le Premier Ministre arménien Nikol Pachinian s’était dit lui prêt “pour la reprise du processus de paix”.
En amont des pourparlers à Moscou, le Premier ministre russe Mikhaïl Michoustine avait rencontré son homologue arménien à Erevan vendredi. Pendant les négociations à Moscou, un porte-parole de l’armée arménienne a affirmé à la presse que des combats avaient continué le long de la ligne de front. Vendredi, de nouvelles salves de roquettes et de nouvelles explosions ont ainsi été entendues à Stepanakert, la capitale séparatiste, par un journaliste de l’AFP sur place.
Dans son discours télévisé avant les pourparlers à Moscou, le président Aliev avait annoncé la prise de la ville de Hadrout, dans le sud du Nagorny Karabakh, et de huit villages environnants. Des informations qualifiées de “délire” par un porte-parole de la présidence des séparatistes.
30.000 morts au tournant des années 1990
L’Azerbaïdjan se dit déterminé à reconquérir par les armes le Nagorny Karabakh, une région séparatiste essentiellement peuplée d’Arméniens, et soutient que seul un retrait des troupes ennemies mettrait fin aux combats.
Une première guerre entre 1988 et 1994 y avait fait 30.000 morts et des centaines de milliers de réfugiés. Le front est depuis resté figé, malgré des heurts récurrents.
Depuis la reprise des affrontements il y a 13 jours, le bilan officiel est monté à plus de 400 morts, dont 22 civils arméniens et 31 azerbaïdjanais. Il est cependant très partiel et pourrait être bien plus élevé, chaque camp affirmant avoir éliminé des milliers de soldats ennemis. Bakou ne révèle pas ses pertes militaires.
Les affrontements se sont étendus ces derniers jours avec des bombardements sur les zones urbaines des deux côtés. Selon les autorités séparatistes, la moitié des 140.000 habitants du Nagorny Karabakh ont déjà été déplacés par ces affrontements. Jeudi, une emblématique cathédrale arménienne a été touchée deux fois en quelques heures et des journalistes russes y ont été blessés, dont l’un très grièvement. L’armée azerbaïdjanaise a démenti avoir tiré sur cet édifice.
Le ministre azerbaïdjanais des Affaires étrangères Ceyhun Bayramov était déjà à Genève jeudi pour rencontrer le Groupe de Minsk de l’OSCE, mais rien n’avait filtré de cette rencontre.
À l’étranger, la crainte est de voir ce conflit s’internationaliser dans une région où Russes, Turcs, Iraniens et Occidentaux ont tous des intérêts. D’autant qu’Ankara encourage Bakou à l’offensive et que Moscou est lié par un traité militaire à Erevan. À l’image du conflit en Libye, la Turquie est accusée de participer avec hommes et matériel aux hostilités aux côtés de l’Azerbaïdjan, ce qu’elle nie.
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