Le 11-Septembre, vingt ans pour rebondir et regarder vers l’avenir
Cela ne cesse d’être répété depuis vingt ans: l’impact le plus fondamental du 11-Septembre est le sentiment de vulnérabilité permanente qui hante désormais les habitants de ce pays et qui n’existait pas le jour d’avant. Car personne n’avait envisagé qu’une telle attaque puisse se produire et la fragilité qu’elle a révélée n’en finit pas de fracturer la société par ondes de choc successives. Le 11 septembre 2001, Joe Biden qui s’était précipité hors de son train pour courir jusqu’au Congrès en cette matinée funeste assurait aux reporters qui l’interrogeaient devant le Capitole que l’Amérique se redresserait très vite et que rien n’ébranlerait son unité. Vingt ans plus tard, elle a pourtant quitté l’Afghanistan la tête baissée et ses soldats ont regagné un pays qui n’a jamais été autant plongé dans l’affrontement interne, désormais secoué par des divisions et des fractures qui menacent même jusqu’à sa survie démocratique.
Une dette sans précédent
Pendant longtemps, certains ont également établi un lien entre les attentats et la réponse des États-Unis, et les difficultés économiques de l’Amérique. Car l’objectif de Ben Laden et d’Al-Qaïda était de provoquer les États-Unis pour qu’ils aillent en Afghanistan. Ils étaient persuadés que cela deviendrait un bourbier, son Vietnam moderne. Et il est vrai que vingt ans plus tard, la dette est sans précédent, les déficits sont abyssaux, et ce n’est pas seulement lié à la pandémie de la Covid-19. La faiblesse économique des États-Unis a été grandement accélérée par sa réponse au 11-Septembre: 2000 milliards de dollars engloutis dans la seule guerre en Afghanistan, sans compter, l’Irak, la Syrie, ou le coût d’une protection rendue inévitable et un budget militaire qui a grimpé à 750 milliards par an.
L’impact des attaques terroristes est également toujours présent dans la psyché des Américains qui avaient supposé que les États-Unis étaient aimés dans le monde entier, qu’ils apportaient partout une lueur d’espoir et se dressaient comme un défenseur des droits. “L’Amérique est de retour”, a scandé le 46e président, comme pour effacer le mandat de Donald Trump dans les esprits, mais aussi la confusion nationale qui s’est ajoutée à la blessure psychologique de ces attentats. Il a précisé que la défense des droits de l’homme redevenait une priorité nationale, comme la préservation de la démocratie dans le monde. Il y a toujours eu aux États-Unis un fort sentiment messianique que le pays fait vraiment de bonnes choses dans le monde. Le 11-Septembre n’en a alors été que plus blessant et déroutant.
Vivre avec le sentiment de vulnérabilité et la menace permanente
La réaction a alors été profonde, tout comme les changements apportés à la politique intérieure. En l’espace de deux ans, il y a eu le Patriot Act, le ministère de la Sécurité intérieure, la TSA [Transportation Security Administration], qui a reçu jusqu’à 8 milliards de dollars par an, et il y a eu deux guerres, dont celle d’Afghanistan, la plus longue de l’histoire américaine. Les craintes soulevées par le 11-Septembre sont toujours là, même vingt ans plus tard et le débat isolationnisme-interventionnisme, sans fin au sein de la société américaine, s’est intensifié et a finalement été tranché par le peuple lui-même, qui ne veut plus d’interventions extérieures, plus de guerres, plus de soldats morts. Le repli sur soi a semblé l’emporter, du moins en apparence, particulièrement durant le mandat de Donald Trump ou dans la décision de Joe Biden de mettre définitivement fin à cette guerre lointaine, en Afghanistan. Les Américains ont aussi suivi l’exemple d’autres nations, comme la Grande-Bretagne ou la France, qui ont appris à vivre avec le sentiment de vulnérabilité et la menace permanente de futurs attentats.
À y regarder de plus près, une autre réaction a été de réévaluer l’engagement des États-Unis dans le monde, qui prend alors une forme plus consciente, plus éloquente et peut-être même plus dramatique et parfois plus agressive. Moins de dix ans après les attaques, Barack Obama a proposé un nouveau chemin à travers le monde, la défense de la sécurité et des intérêts du pays passant, selon lui, par la mise en place préventive d’un pivot asiatique.
Passage de flambeau de l’Amérique du passé à celle de l’avenir
Alors que les projecteurs étaient braqués sur l’Afghanistan et que la plupart des commentateurs s’appuyaient sur ce qu’ils voyaient pour parler d’effondrement de la présence américaine dans le monde, les États-Unis poursuivaient le virage engagé sous Obama et développé avec une autre manière sous Trump: c’est l’Asie qui est désormais le poumon de l’action internationale. Et qui de plus indiqué pour conduire cette mutation que la vice-présidente Harris, dont les origines sud asiatique renforcent sa légitimité à mettre en place cette politique qui conduit le pays vers son futur?
Au plus fort de la crise estivale qui a accompagné ce retrait d’Afghanistan, Kamala Harris tournait alors déjà cette page avec un déplacement qui est passé quasiment inaperçu en Europe alors qu’il a soulevé un véritable enthousiasme dans les pays concernés, notamment au Vietnam et à Singapour. Exactement au même moment où les médias américains comparaient la chute de Kaboul à celle de Saigon, le voyage indiquait au contraire que les États-Unis n’ont pas poursuivi indéfiniment une guerre futile au Vietnam et que l’influence américaine est plus forte qu’elle ne l’était dans les années 1970 dans cette région.
Alors que la presse mondiale évoquait un repli majeur de l’Amérique, l’administration Biden relançait la question des droits de l’homme dans ses discussions avec le Vietnam et Kamala Harris martelait sa fermeté et sa détermination sur les droits des LGBTQ et le changement climatique, là encore en contraste avec l’agonie supposée de la volonté américaine à agir en dehors de ses frontières.
Mais le plus important restera la sévère réprimande adressée à la Chine, qui, selon la vice-présidente, continue de faire pression, d’intimider et de revendiquer la grande majorité de la mer de Chine méridionale. Les relations avec les alliés de l’Amérique en Asie du Sud-Est sont en plein essor face aux menaces militaires, économiques et cybernétiques de la Chine. Par sa présence, Kamala Harris a souligné qu’au lieu de s’éloigner des alliés des États-Unis, l’administration Biden souhaite au contraire s’en rapprocher encore plus fortement. Et c’est à sa vice-présidente qu’il a confié le soin d’aller porter ce message, au moment même –ou quasiment– de ce vingtième anniversaire de ces attaques qui ont traumatisé l’Amérique et le monde. Comment ne pas y voir le passage de flambeau de l’Amérique du passé à celle de l’avenir, de Biden à Kamala Harris et d’une page, lourde, très lourde, qui se tourne enfin?
Ed. Nouveau Monde
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