Le confinement a remis la notion de manque et de frustration au coeur des relations amoureuses – BLOG
Tel le personnage du nouveau roman de Flavie Flament L’étreinte (Éditions Jean-Claude Lattès), mes patients ont en effet, été nombreux à vivre des amours à distance lors du confinement du printemps dernier. De nombreuses études vont dans ce sens. Les applications de rencontre ont enregistré une hausse générale et significative du nombre de messages envoyés via leur interface en mars en juin de l’année en cours. On se textote beaucoup plus lorsque l’on ne se voit pas. On s’envoie des mails longs comme le bras pour tenter de combler l’absence de relations physiques.
Cela rappelle la bonne vieille époque des correspondances épistolaires avec lettres cachetées et timbres postaux, avec des cartes aux paysages divers et variés provenant du monde entier. Sans corps sur lequel se blottir, l’imaginaire flambe comme jamais! Et pour cause: plane sur les relations naissantes un sentiment de grande incertitude. Celles-ci tiendront-elles pendant tout le confinement ou s’interrompront-elles dans l’œuf, à l’état virtuel? Si on ne souffle pas sur les braises, quand il n’y a pas de présence charnelle, le feu sacré s’éteint bien plus rapidement… Alors, le Covid a créé un engouement manifeste pour un autre type de relations encore: celles par caméra interposée.
Le manque qui donne une autre dimension à l’amour
Bien sûr, ces relations brûlantes de désir ont, pour la plupart, périclité en aussi peu de temps qu’il faut pour le dire. Tient-on finalement davantage au rêve et à l’irréalité dans ces instants de solitude face à un écran? Pas toujours. Mais ces instants ont un mérite: ils donnent une autre dimension à l’amour, plus évanescente, moins matérialisable dans un immédiat consumériste.
La psychanalyse met la notion de manque au centre des enjeux subjectifs. Tolérer le manque, bien le vivre, assumer le vide et le nourrir d’expériences sublimatoires, sans recours compulsif à des objets externes, est le terreau d’une vie harmonieuse, la plus libre possible.
Les joies du manque et de la frustration
“Je n’ai jamais autant attendu un café de ma vie. J’ai fait la connaissance de Gaétan sur Tinder en avril, un mois après le confinement. Nous avons peut-être échangé mille messages en un mois. Et quand je vous dis mille, je minimise! Nous étions fous d’attente!” me disait Valéria, vingt-neuf ans, qui avait l’habitude, jusque-là, de passer à l’action bien plus rapidement, en taxant les relations virtuelles de “fake” et de “mythos”, comme la plupart des six millions d’utilisateurs de cette application! Elle a révisé sa copie, et force est de constater qu’elle n’a jamais eu une telle ardeur à la rencontre. “J’en suis venue à l’évidence: je n’ai plus vraiment envie de vivre des histoires éphémères. Je ne suis plus avec Mathieu depuis longtemps. Cette romance s’est consumée comme un feu de paille. On avait beaucoup rêvé la rencontre. Trop sans doute. Mais depuis juillet, j’aime prendre mon temps avant de rencontrer les hommes. C’est autre chose. Je ne sais pas vraiment ce qui a changé…”
Vers la fin du “tout, tout de suite”
Une chose est sûre, le confinement a fait se remanier les habitudes d’utilisateurs zélés, “en manque de manque”, pourrait-on dire. Quand on en est privés, la chose, quelle qu’elle soit, prend des allures de cadeau rêvé, à la lisière de l’imaginaire, toujours en latence, jamais acquise. “C’est comme un coup de foudre qui durerait tout le printemps”, fait dire Flavie Flament à son personnage féminin transi d’amour.
Les prénoms ont été modifiés.
Pour aller plus loin, vous pouvez visionner l’interview du podcast autour des addictions dans cette société de consommation où même le sentiment se consomme.
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