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Selon les dernières estimations de croissance fournies par les économistes de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), il est prévu que la croissance française en 2025 pourrait être réduite de moitié si le budget soumis par le gouvernement Barnier était adopté tel quel.

Plus spécifiquement, leurs analyses révèlent un impact récessif de 0,8 point de PIB, ce qui est proche de la prévision de 0,6 point de PIB (Produit intérieur brut) que j’ai récemment discutée ici. Cette contraction de l’économie pourrait également entraîner la perte de 130 000 emplois, selon la même estimation. La décision de diminuer les dépenses publiques tout en augmentant les impôts a donc un coût social significatif.

Sur les plateaux de télévision et dans les journaux, les intervenants affirment sans relâche que nous n’avons pas d’autre choix : notre pays est surendetté, il faut réduire le déficit à tout prix. Même lorsque l’on établit que la dégradation budgétaire est en grande partie causée par la chute des prélèvements obligatoires depuis 2017 ? Oui, nous n’aurions pas d’alternative !

Mettre en doute cette affirmation est extrêmement difficile, voire inaudible : on passe pour un·e idéologue ou une personne déconnectée de la réalité. Comme toujours, quand un récit est aussi bien établi, il est important de le tester : existe-t-il une option moins douloureuse et plus crédible ?

C’est précisément ce que soutient le Nouveau front populaire (NFP), qui a présenté sa propre stratégie budgétaire le 9 octobre 2024. Quelles sont les différences avec celle du gouvernement Barnier ? Aurait-elle des conséquences sociales et économiques distinctes ?

Différence de philosophie

Tout comme le gouvernement, le NFP prévoit d’augmenter de nouvelles recettes. Mais dans une mesure plus importante, avec un montant estimé à 49 milliards d’euros, contre 30 pour le Projet de loi de finances (PLF) 2025. Au-delà des chiffres, leurs approches divergent.

La principale différence réside dans l’utilisation des recettes : « Grâce aux mesures fiscales [proposées], notre pays pourrait réduire le déficit tout en augmentant immédiatement les investissements dans les services publics et les secteurs d’avenir », indique le document.

Le NFP alloue donc une partie des 49 milliards pour réduire le déficit budgétaire et le reste pour financer des dépenses publiques qualifiées d’avenir. L’approche est très différente de celle du gouvernement Barnier, qui se concentre uniquement sur la réduction du déficit, entraînant des effets récessifs notables (la moitié de la croissance). À l’inverse, le budget alternatif du NFP prévoit une augmentation des dépenses publiques. Comment cela pourrait-il réduire le déficit public ? Est-ce viable ?

Pour y répondre, je vais adopter la même méthodologie qu’auparavant, fondée sur les multiplicateurs budgétaires de chaque mesure envisagée. Le tableau ci-dessous présente les mesures du budget alternatif NFP et les traduit en impulsions budgétaires.

Les lecteur·trices intéressé·es trouveront des détails sur les mesures fiscales dans le document du NFP, mais pour cet exercice, nous pouvons retenir trois grandes sources de recettes fiscales.

Il y a d’abord la suppression des exonérations de cotisations sociales (pour les salaires dépassant deux fois le Smic) et d’une partie du crédit d’impôt recherche (CIR). Ce bloc rapporterait 11 milliards d’euros par an. Ensuite, plusieurs taxes sur le capital (ISF vert, suppression du prélèvement forfaitaire unique (PFU), taxation de l’héritage et des superprofits) généreraient 29,5 milliards d’euros par an. Enfin, un dernier groupe comprenant la réforme de la taxe sur les transactions financières, la taxe solidarité avion et la fiscalité des collectivités locales, rapporterait 8,5 milliards d’euros chaque année. Au total, les recettes supplémentaires sont donc chiffrées à 49 milliards d’euros. Combien seront consacrés à réduire le déficit et combien à augmenter les dépenses publiques ?

Étant donné que le communiqué du NFP ne fournit pas de détails, nous pouvons nous baser sur les nouvelles règles européennes qui exigent une réduction annuelle du déficit de 0,6 point de PIB, soit 18 milliards d’euros. Il resterait donc 31 milliards d’euros (soit un point de PIB) pour les dépenses d’avenir.

Pour simuler les effets d’une telle impulsion, tout comme précédemment, j’utilise les multiplicateurs budgétaires et fiscaux issus du modèle Mésange développé par l’Insee et le Trésor (Bardaji et al. 2017), que je complète avec un multiplicateur provenant du modèle de l’OFCE (impôt sur les sociétés). Ces informations sont présentées ci-dessous.

Les deux colonnes montrent les effets pour 2025 et 2026. Comme auparavant, il est intéressant de noter que les effets croissent avec le temps, car l’ajustement de la demande se fait progressivement.

Selon le modèle, les effets continuent d’augmenter même pendant cinq ans, mais comme auparavant, je ne présente les simulations que pour les deux premières années, compte tenu de l’incertitude politique actuelle. Toutefois, même si les valeurs des multiplicateurs restent les mêmes, leur impact variera car les dépenses augmentent au lieu de diminuer. C’est ce que révèlent les résultats ci-dessous.

Les dépenses publiques proposées par le NFP génèrent 0,78 point de PIB d’activité supplémentaire en 2025 et 1,06 point de PIB en 2026. Ce surplus d’activité est toutefois atténué par les effets récessifs des prélèvements obligatoires, qui s’élèvent à 0,66 point de PIB au total (la somme des effets de chaque impôt supplémentaire). Notons que l’effet le plus coûteux se rapporte à la réforme de la fiscalité du patrimoine, qui « coûte » au total 0,44 point de PIB.

Cependant, les effets récessifs sont inférieurs aux gains d’activité, ce qui produit un effet total agrégé positif dès la première année : une légère augmentation du PIB de 0,21 point, soit 6 milliards d’euros par rapport aux prévisions actuelles. Ce surplus d’activité engendre un peu plus de 3 milliards de recettes supplémentaires.

Un autre budget est possible, et il s’avérerait plus efficace

Ainsi, entre les 18 milliards d’euros de recettes directement allouées à la réduction du déficit et les 3 milliards de recettes supplémentaires liées à l’augmentation de l’activité, le déficit diminue de 21 milliards d’euros en 2025.

En 2026, sans autre impulsion budgétaire, le déficit est réduit de 6 milliards (0,21 point de PIB), ce qui indique qu’un nouvel effort de 12 milliards d’euros sera nécessaire pour atteindre l’objectif annuel.

La simulation montre donc qu’avec cette stratégie budgétaire, l’effort à fournir en 2026 est bien inférieur à celui de 2025. Ce résultat est opposé aux implications macroéconomiques du PLF 2025, qui exige un effort budgétaire annuel croissant à cause des effets récessifs des coupes de dépenses publiques.

En conclusion, le programme du Nouveau Front populaire propose une stratégie budgétaire qui augmente les dépenses publiques, stimule l’activité économique et permet de dégager des recettes supplémentaires.

À quoi affecter ces nouvelles dépenses ? Le document du NFP suggère des investissements dans la transition écologique et les services publics. Cela peut se justifier en effet, car dans le cadre de la crise écologique, chaque euro dépensé aujourd’hui diminue les dépenses de réparation demain. De plus, la croissance générée est a priori moins carbonée.

Il existe donc une alternative politique à celle proposée par le gouvernement Barnier. Et elle pourrait aboutir à de meilleurs résultats pour la France.

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