Le remboursement des psychologues, la fausse bonne idée de la Cour des Comptes – BLOG
La Cour des Comptes préconise la généralisation d’une expérimentation de remboursement menée dans 4 départements depuis 2018. L’objectif: désengorger les centres de consultation publics, et économiser le coût des traitements.
Si les psychologues ne peuvent que s’associer à une démarche de remboursement et s’en réjouir, la forme annoncée est très éloignée de la réalité et mènera à un parcours maltraitant, incohérent, voire repoussant pour le patient. Les psychologues se soulèvent aujourd’hui pour dénoncer ces conditions et éviter qu’elles ne se généralisent. Leur objectif: faciliter l’accès au soin psychique.
Alors que la notion de remboursement est largement diffusée dans les médias, la parole des principaux intéressés, elle, n’est pas relayée, et les conséquences réelles de telles mesures restent inconnues du grand public. Soucieux de l’accès à leur expertise, les psychologues se manifestent pour dénoncer ce qui s’avérera un véritable parcours du combattant pour les patients, alors que les besoins n’ont jamais été aussi grands.
Dans les conditions annoncées, cela signifie 5 étapes avant de bénéficier de la moindre séance de psychothérapie
- Le médecin généraliste, déjà débordé, et souvent sans connaissances spécifiques en psychopathologie, évalue votre demande. Seuls certains patients, correspondant à des critères précis, peuvent en bénéficier, excluant de fait tous les autres;
- Le patient choisit, sur une liste, un psychologue qui doit, lui aussi, réaliser une évaluation et en rendre compte au médecin;
- Le médecin généraliste décide si la prescription est pertinente;
- Si c’est le cas, le médecin prescrit jusqu’à 10 séances de “soutien” (pas de psychothérapie) de 30 minutes, remboursées 22 euros, sans dépassement d’honoraires possibles;
- Le patient retourne voir son médecin traitant, toujours débordé, lequel l’envoie rencontrer un psychiatre, encore plus débordé, qui ne le connaît pas et qui évalue son besoin;
- Si le psychiatre et le médecin généraliste jugent le besoin pertinent, alors enfin, le patient pourra bénéficier jusqu’à 10 séances (pas une de plus!) de “psychothérapie” de 45 minutes, remboursées 32 euros, toujours sans dépassement d’honoraire.
Conséquences pour les usagers
La communication est centrée sur le remboursement des séances chez le psychologue. Mais la réalité est que les personnes en besoin devront répondre à différents critères très excluants pour en bénéficier: avoir entre 18 et 60 ans, ne pas être sous traitement lié à la souffrance psychique, présenter selon des échelles des échelles standardisées une anxiété ou une dépression “légère à modérée”. Si ces conditions ne sont pas réunies, pas d’accès au remboursement.
Le patient devra parcourir un processus long, et rencontrer trois professionnels, avant de pouvoir prétendre à une psychothérapie, là où il peut y accéder librement aujourd’hui.
La confidentialité des rencontres avec le psychologue est également entachée puisque ce dernier devra rendre compte au médecin des avancées du patient.
Faire appel à un professionnel du soin psychique n’est pas une démarche aisée, il convient de faciliter la tâche autant que possible à ceux qui ont besoin de s’adresser à un psychologue en libéral.
La psychothérapie représente un temps et un rythme singuliers, construits entre patient et psychothérapeute. Elle ne saurait être protocolaire, et encore moins uniformisée, ce serait un contresens à la nécessaire singularité de la rencontre entre le patient et son thérapeute. Certaines psychothérapies nécessitent des consultations de 1 h 30!
Il ne saurait, par ailleurs, être limité dans le temps. Car que se passe-t-il après avoir ”épuisé” les consultations remboursées? Comment les personnes n’ayant pas les moyens de poursuivre une psychothérapie en libéral seront-elles accompagnées, alors qu’elles auront lié un lien privilégié et unique avec leur psychothérapeute?
Pour les patients aux plus faibles revenus, les psychologues libéraux s’adaptent depuis toujours, en proposant des tarifs ajustés. À défaut, ils peuvent prétendre à une prise en charge publique, payée par le contribuable. Mais…
L’objectif?
Faciliter l’accès au libéral dans des conditions inacceptables pour un travail de qualité sans en parallèle soutenir financièrement et humainement le secteur public est un non-sens et un danger pour l’accès aux soins psychologiques. Il s’agit d’une déresponsabilisation de l’État quant au bon soin de son secteur public.
Pour ces raisons éthiques, économiques et sociales, une large part des psychologues libéraux refusent de participer à ces dispositifs s’ils venaient à être généralisés.
Ils demandent à être entendus afin de construire un projet de remboursement cohérent et adapté à leur spécificité, permettant aux patients d’accéder à des soins psychologiques de qualité.
Un remboursement, oui, mais pas n’importe comment.
À voir également sur Le HuffPost: “Au bout de 3 séances, qu’est-ce qui se passe?” Le chèque psy étudiant, une mesure fragile
Laisser un commentaire