Le travail doit payer, oui mais comment ?
« J’entends la colère des Français qui me disent : « je travaille beaucoup, d’autres ne travaillent pas et nous avons le même niveau de revenu » ». Ce n’est pas normal, c’est une revendication parfaitement légitime. » Et parfaitement fausse. Entendre, un matin de juillet sur les ondes de France Inter, la secrétaire générale des LR débiter ce genre d’ineptie a quelque chose de désolant et surtout de dangereux.
Comment Annie Genevard peut-elle prétendre qu’un chômeur ou qu’une mère de famille nombreuse, de surcroît immigrée – puisqu’il s’agit d’eux –, gagnent autant, voire plus, grâce aux allocations qu’une personne en emploi ? Relancée il y a plus de dix ans par son collègue Laurent Wauquiez et son malheureux « cancer de l’assistanat », cette fake news colportée avec la même force par les macronistes, les Républicains – canal historique ou tendance Ciotti – et par le RN revient régulièrement comme une évidence alors que les chiffres leur donnent tort.
Jamais un chômeur ne touchera autant, voire plus, en restant dans son canapé qu’en allant au boulot. Rappeler sans cesse que les règles de l’assurance chômage ne le permettent pas, que près de deux tiers des inscrits à France Travail n’empochent pas un centime et que le dernier tiers perçoit moins de 1 000 euros en moyenne n’y change rien.
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Idem pour les allocataires du RSA, de la CAF et/ou des APL dont la survie financière est un sport de combat au quotidien. Leur situation n’a pas de quoi faire des envieux. Jamais, répétons-le encore, ils ne gagneront plus qu’un salarié au Smic qui a droit à la prime d’activité et à d’autres allocations, lui aussi. Les calculs ont maintes fois été faits, l’écart reste favorable à celles et ceux qui travaillent.
Aucun ténor de droite ne suggère jamais de réduire les inégalités de salaire par le haut
Mais la droite et l’extrême droite ont gagné cette bataille de l’opinion. Comme l’a très bien théorisé le sociologue Olivier Schwartz, les ménages modestes pris en étau entre les riches et les plus pauvres ont tendance à penser que le gâteau à se partager pour sortir de la nasse se trouve en bas de l’échelle et non pas tout en haut. Ils se sont résignés. Les privilèges des plus fortunés sont intouchables.
Aucun ténor de droite ne suggère jamais de réduire les inégalités de salaire par le haut. Une philosophie résumée par l’ex-ministre Agnès Panier-Runacher sur LCP : « Il faut qu’il y ait un écart entre les gens qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas. ». Il est donc préférable de restreindre l’accès aux allocations.
Mais en quoi l’appauvrissement des plus pauvres améliorerait-elle la situation des travailleurs aux fins de mois difficiles ? Ce qui serait pour le coup « parfaitement légitime », c’est de pouvoir gagner plus. « Il faut que le travail rémunère mieux. Il y a des gens qui travaillent 70 heures par semaine et qui sortent à peine un smic. Je ne peux pas m’en accommoder », déplorait sans rire Annie Genevard dans ce même entretien.
Soit. Mais comment fait-on alors ? A fortiori quand ce sont les mêmes qui poussent des cris d’orfraie à l’idée d’augmenter le Smic à 1 600 euros. La réponse des partis de droite reste immuablement de supprimer les cotisations et de recourir toujours plus à la prime d’activité et aux subventions publiques pour augmenter le net des salariés et ne pas obérer les « charges » des employeurs. Est-ce bien « crédible » et « sérieux » sur le long terme ?
Ce long terme risque malheureusement de durer un bout de temps. Incapable de s’unir, la gauche, qui offre un spectacle pitoyable et décevant, n’est pas près d’appliquer un programme de rupture en faveur du travail.
La droite, elle, n’a jamais eu de mal à faire front commun contre les hausses de salaire, d’impôts et de cotisations sociales. L’alliance de circonstance qu’elle a su trouver pour que la députée Renaissance Yaël Braun-Pivet retrouve son poste au perchoir n’augure rien de bon.
Les demandeurs d’emploi et les allocataires de prestations sociales peuvent se faire du souci. Mais pas seulement. « Ceux qui travaillent » ne verront pas leur feuille de paie augmenter pour autant.
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