Les infirmiers manquent au chevet des services de réanimation
Passer à 10 000 lits de réanimation « dans les prochains jours ». L’objectif semble énorme, et pourtant c’est bien le président de la République lui-même qui l’a annoncé il y a une semaine. Avant la pandémie, en décembre 2019, le nombre de lits de réanimation était de 5 433 répartis sur toute la France.
En janvier, ce chiffre, déjà largement insuffisant en temps normal, avait été porté à 6 733 places. Il est aujourd’hui de 7 665 lits. Mais ces lits ne sont pas équipés avec du matériel d’aussi bonne qualité. Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI CFE-CGC) explique que ces lits sont éphémères :
« On récupère des respirateurs en blocs opératoires ou en salles de réveil mais ils sont moins performants : ils sont habituellement utilisés pour des opérations de quelques heures. En moyenne, sur cette dernière vague, c’est vingt-et-un jours de réanimation. »
La tension hospitalière, soit le taux d’occupation des lits de réanimation disponibles avant la pandémie, calculé par CovidTracker, est actuellement de 99 %. L’objectif de 3 000 lits supplémentaires apparaît donc comme un palier de plus en plus urgent à atteindre. D’autant que le chiffre a été revu à la baisse : en août dernier, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal annonçait vouloir atteindre 12 000 lits.
On obéit à notre président :
– on fait des efforts
– on pousse les murs pour accueillir les 10000 lits de rea pic.twitter.com/Zrh3dwLQFh
— Mathieu MATTEI (@ledruide19) April 1, 2021
Pas assez de personnel
Mais pour les faire fonctionner, il faut du personnel. Et c’est là que les difficultés volent en escadrille. Thierry Amouroux atteste de la complexité de la démarche :
« Ce n’est pas comme anesthésiste où il y a deux ans de master pour se spécialiser. Il n’y a pas de formation spécifique. Pendant deux mois, l’infirmier est en tutorat, donc en binôme, pour apprendre le protocole et les techniques. Et il faut encore six mois à un an pour en faire un infirmier complètement capable d’assurer cette tâche. »
Sachant que deux infirmiers sont nécessaires pour cinq lits, il faut former en urgence suffisamment de personnel. Mais « une journée d’e-learning et une demi-journée sur place, c’est absolument insuffisant ».
Pourtant, depuis le déconfinement du 11 mai, des lits de réanimation pérenne et les postes qui leur sont associés sont supprimés pour rentrer dans les clous des économies demandées à l’hôpital. Il y a eu quatorze suppressions cet été à Strasbourg, quand d’autres sont à venir à Nice.
La diminution des moyens affecte énormément le personnel hospitalier. A tel point que beaucoup raccrochent la blouse : il y avait 7 500 postes d’infirmiers et d’infirmières vacants en juin. Il y en avait 34 000 en septembre. Autant de personnels qui ne pourront prêter main-forte face à l’augmentation des cas de Covid en réanimation.
De quoi faire douter de la réalité des 10 000 lits bientôt annoncés.
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