LES PISTOLETS EN PLASTIQUE
Réalisé par Jean-Christophe MEURISSE – France 2024 1h36mn – avec Laurent Stocker, Delphine Baril, Charlotte Laemmel, Gaëtan Peau, Anthony Paliotti, Nora Hamzawi, Jonathan Cohen, Vincent Dedienne, Aymeric Lompret, Philippe Rebbot, Romane Bohringer…
Du 17/07/24 au 06/08/24
Nom d’un petit bonhomme, voilà qui va vous décrocher la mâchoire. De rire, d’ébahissement, de stupeur et, comme disait l’autre, de tremblements. Après Apnée, manifeste d’irréalisme poétique en forme de road movie libertaire, après Oranges sanguines, charge féministo-tarantinesque aussi vengeresse que décapante, le trublion du cinéma d’improvisation Jean-Christophe Meurisse – par ailleurs fondateur et meneur de la troupe de théâtre Les Chiens de Navarre, dont font partie les deux impayables comédiennes principales du film : Delphine Baril et Charlotte Laemmel – apporte une nouvelle pierre à sa filmographie satirique. Satire qui n’a rien à envier en termes de drôlerie féroce, de beauté rageuse, de déconographie maîtrisée et de méchanceté ravageuse aux plus belles pages des romans-photos du Hara-Kiri / Charlie Hebdo de la grande époque – celle des Choron, Cavanna, Wolinski, Gébé… qui ne se prenaient alors pas pour de doctes moralisateurs, mais revendiquaient leur goût de sales gosses pour le torpillage sans sommation des travers franchouillards de la société giscardo-pompidolienne. De Pompidou à Macron il n’y a qu’un pas, que revendique d’ailleurs ce dernier à grand renfort de comparaisons flatteuses à son endroit sur la conception « française de la modernité ». « Modernité mon cul », répondrait Zazie. En 2024 Meurisse lui emboite le pas et, dégainant ses pistolets en plastique, tire à vue et dans le tas.
Et quoi de mieux pour mettre en marche sa machine à dézinguer la bienséance et le narratif conventionnel que de s’appuyer sur LE fait-divers-de-société qui, depuis des lustres, tient le haut de l’affiche et en haleine le lecteur du Nouveau Détective, l’auditeur d’Affaires Sensibles, le téléspectateur friand de sensationnalisme sanglant – j’ai nommé l’Affaire Dupont de Ligonnès ? Affreuse histoire, appelée aussi la « tuerie de Nantes », on le rappelle pour les ermites, les amnésiques, les miraculés sortis d’un coma long ou les enfants de moins de dix ans (que faites vous là !?!) : quatre enfants et leur mère assassinés et enterrés dans le jardin familial, le père et principal suspect aussitôt envolé et depuis totalement introuvable, considéré comme « l’homme le plus recherché de France » depuis presque quinze ans. D’aucuns prétendent régulièrement l’avoir « aperçu » par-ci par-là, réveillant incontinent la machine médiatique, mais il est encore et toujours insaisissable.
Rebaptisée Affaire Paul Bernardin pour les besoins du film (sait-on jamais, des fois que le principal intéressé intente un procès en diffamation…), c’est l’épicentre du cyclone hilarant autour duquel le réalisateur met en place son petit théâtre de l’absurde et de la cruauté du quotidien. On y croise pêle-mêle deux enquêtrices-facebook web-diplômées, un couple de médecins légistes, le bien-nommé Zavatta, profileur (presque) infaillible en vacances, une future mère qui réveillerait les instincts sanguinaires d’un séminariste sous Prozac®, des flics suédois bienveillants à la violence peu conventionnelle, un danseur de country promu suspect no1, un tueur en fuite, une voisine salement décomplexée – et une ribambelle d’autres… Il ne manque (et on n’en est même pas certain) que trois fleurs, un oiseau, vingt-deux fossoyeurs, un amour et le raton laveur. Comme en roue libre dans le bac à sable, la petite armada de comédiens venus se prêter au jeu du ping-pong improvisé s’en donnent à cœur-joie – et, de saynète en saynète, leur plaisir est communicatif. On jubile de les voir caricaturer à outrance nos petits et grands travers : dans ce joyeux chamboule-tout cinématographique, chacun en prend pour son grade, personne n’est épargné. Vous êtes prévenus : c’est foutraque, c’est méchant, c’est parfois à la limite de l’écœurement – mais c’est pour de rire !
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