Quatre ans et demi après le début de la pandémie, le taux d’épargne des ménages français reste en deçà des niveaux d’avant-crise. Entre fin 2019 et mi-2024, les Français ont constitué une surépargne significative, atteignant près de 17 points de revenus annuels, soit environ 270 milliards d’euros. Mais qu’est-ce qui motive cette tendance à la surépargne et les Français en sortent-ils plus riches ?
La crise du Covid a contraint les ménages à réduire leur consommation, tout en préservant leur pouvoir d’achat, ce qui a engendré une augmentation logique du taux d’épargne. Ce dernier a atteint un niveau record de 25,8 % du revenu disponible brut (RDB) au deuxième trimestre 2020, pendant le premier confinement. Bien que ce taux ait diminué pour atteindre 18 % au deuxième trimestre 2024, il demeure largement supérieur à la moyenne de la décennie 2010, qui était de 14,6 %, malgré la fin de la crise sanitaire et l’épisode inflationniste actuel.
Cette « surépargne » a principalement été dirigée vers l’épargne financière, qui représente environ trois quarts de la surépargne accumulée depuis fin 2019. En effet, bien que les actifs financiers ne constituent qu’environ 40 % des avoirs des ménages, la remontée des taux d’intérêt depuis 2022 a réduit la production de crédit pour l’habitat, entraînant une baisse de l’épargne immobilière. En revanche, la hausse des taux a rendu certains produits d’épargne plus attractifs, malgré l’inflation persistante. Ainsi, la surépargne accumulée est davantage constituée d’actifs financiers et liquides que la composition moyenne du patrimoine des ménages.
Compenser la « taxe inflationniste » sur les patrimoines
Les mesures de soutien au pouvoir d’achat mises en place pendant la crise du Covid ne sont pas exclusives à la France. D’autres pays européens ont également connu une augmentation de leur taux d’épargne, qui n’est pas revenu à ses niveaux d’avant-crise. Par exemple, en Allemagne, il atteint 20 % au deuxième trimestre 2024 (contre 17,1 % avant la crise), 12,9 % en Italie (contre 11,2 %), et 13,1 % en Espagne (contre 8 %). En moyenne, la zone euro affiche un taux d’épargne de 14,8 % (contre 12,5 %).
Aux États-Unis, le taux d’épargne a connu une forte augmentation pendant la crise, passant de 7,2 % en 2019 à 17 % entre mars 2020 et mars 2021, atteignant même 32 % en avril 2020. Cependant, les ménages américains ont depuis désépargné, ne conservant que 4,8 % de leur revenu pour épargner en août 2024, bien en dessous des niveaux d’avant-crise, contribuant ainsi à soutenir la consommation et la croissance.
Ce qui est surprenant, c’est que la France a traversé l’épisode inflationniste le plus fort depuis les années 1980. On aurait pu s’attendre à ce que les ménages utilisent leur surplus d’épargne pour maintenir leur niveau de consommation, d’autant plus que les salaires ont baissé d’environ 2 % en termes réels. Paradoxalement, les revenus du patrimoine ont soutenu le pouvoir d’achat au cours des deux dernières années.
Deux éléments expliquent cette hausse « contre-intuitive » de l’épargne durant l’inflation. Tout d’abord, les ménages les plus aisés ont été moins impactés par la hausse des prix et ont bénéficié d’une forte augmentation des revenus du patrimoine, ce qui a favorisé la surépargne. Ensuite, en période d’inflation, une « taxe inflationniste » affecte la valeur réelle des patrimoines. Le ratio entre les actifs financiers des ménages et leur revenu disponible brut a chuté à 3,4 années en mi-2024, un niveau inférieur à celui d’avant-crise. Ainsi, la surépargne, bien que conséquente, ne se traduit pas par un enrichissement financier des ménages, mais sert à compenser cette « taxe inflationniste ».
Facteurs d’incertitude et comportement d’épargne
Plusieurs facteurs peuvent également expliquer cette tendance à la hausse de l’épargne. L’incertitude croissante, liée à des crises inédites, des tensions internationales et une instabilité politique, incite les ménages à adopter une épargne de précaution. De plus, la détérioration des finances publiques et la perspective d’une hausse de la fiscalité poussent les ménages à surépargner pour anticiper une perte de revenu future.
Les baisses de fiscalité sur les revenus financiers, comme la réforme de l’ISF et l’instauration d’une flat tax à 30 % sur les revenus financiers, ont également encouragé l’épargne. Par ailleurs, le vieillissement de la population, qui s’est intensifié ces dernières années, joue un rôle. En janvier 2024, 21,5 % de la population avait 65 ans ou plus, contre 19 % en 2017. Ce groupe, ayant un taux d’épargne élevé, pourrait entraîner une augmentation du taux d’épargne moyen à mesure que la part de personnes âgées dans la société augmente.
Enfin, une volonté de sobriété écologique se dessine chez les ménages, qui privilégient les achats de seconde main et une consommation réduite.
En conclusion, bien que l’on puisse s’attendre à une baisse progressive du taux d’épargne élevé observé depuis la crise du Covid, il est probable que son nouvel équilibre à long terme se situe à un niveau plus élevé que celui de la dernière décennie.
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