Lettre à mon futur post-partum – BLOG
Enceinte de mon deuxième enfant, je tenais à t’écrire cette lettre.
Je viens d’entamer ma 34e semaine de grossesse. Ma valise de maternité est presque prête et je termine mes séances de préparation à l’accouchement.
Je dois t’avouer que tu m’as bien eue la première fois. Oui, je pensais avoir tout préparé avant l’arrivée de mon fils: une maison bien rangée, un retour à la maison programmé dans les moindres détails, un projet de naissance détaillé. J’ai parlé de ma flippe de l’épisiotomie et des déchirures à tout le monde. J’ai bien eu quelques craintes par rapport à ma vie sexuelle après l’accouchement. Mais je ne t’ai pas vu arriver.
Vous avez envie de raconter votre histoire? Un événement de votre vie vous a fait voir les choses différemment? Vous voulez briser un tabou? Vous pouvez envoyer votre témoignage à temoignage@huffpost.fr et consulter tous les témoignages que nous avons publiés. Pour savoir comment proposer votre témoignage, suivez ce guide!
Ennemi invisible
Cette émission des Maternelles sur le baby blues et la dépression post-partum aurait pourtant dû éveiller mes soupçons. Je me souviens du père de mon fils, qui s’est tourné vers moi et qui m’a dit “si tu te sens pas bien, tu gardes pas ça pour toi et tu m’en parles, hein?”. J’ai répondu un vague “oui, oui” poli. Je m’en fichais, en fait. Comme touchée par la grâce, je vivais ma grossesse avec un bonheur infini. J’étais dopée aux hormones H-24.
Et puis le jour de la naissance est arrivé. Des contractions très tôt le matin, et une arrivée à la maternité bien plus tard, vers minuit. C’est la douleur, insupportable, qui me pousse à y aller.
Là, j’ai été accueillie par une sage femme vaguement désagréable, qui n’a décoché un premier sourire et une parole aimable que vers 4 heures du matin. Peu importe, mon fils va enfin arriver. La poussée est compliquée. Une arnaque, ces comédies romantiques, où le bébé se pointe après trois efforts de la maman. J’ai des souvenirs de la puéricultrice appuyant fortement sur mon ventre tandis que la gynécologue m’encourage, quelques minutes après m’avoir menacée de me faire une épisio.
Suite à un véritable marathon qui me laisse fébrile, je peux enfin serrer mon fils dans mes bras. Les yeux grands ouverts, il tète mon sein comme un chef. Cependant, les premiers jours sont compliqués. Justin* a beaucoup de réflexes de Moro qui le réveillent en sursaut. L’allaitement est loin d’être inné, et il ne grossit pas. Je suis convaincue qu’il ne mange pas à sa faim.
Publicité
Les multiples conseils des sages-femmes et puéricultrices me paralysent. L’angoisse nous étrangle, papa et moi, et je dois proposer le sein toutes les trois heures, même la nuit.
J’ai bien un épisode ou deux de pleurs incontrôlés, mais jusque-là, rien d’inquiétant. Je mets cela sur le compte de la chute d’hormones et de la fatigue, qui est pire que tout. Elle empêche de penser clairement et dormir devient soudain un luxe inaccessible. Pourquoi n’ai-je pas profité davantage de mon temps libre pour roupiller auparavant?
Mais c’est un mois après la naissance de Justin, cher post-partum, que je prends la mesure de ta toute-puissance. Mon corps n’accuse pas trop le coup. Mais tu t’installes dans mon esprit soudainement sans que je ne puisse rien contrôler.
Angoisses impossibles à apaiser
Je me mets à trembler. Suis-je en train de devenir folle? Ai-je envie de commettre ces actes? Je repousse de toutes mes forces ces pensées, qui reviennent, inlassablement, les jours suivants.
La nuit, l’idée d’être la pire mère du monde me réveille en sursaut et je sanglote. Je ne parviens plus à profiter des pauses que m’accorde mon fils pour me reposer. Les rares moments durant lesquels je suis rassurée sont ceux dans la maison familiale. Telle une petite fille, je me sens en sécurité avec mes parents dans la chambre d’à côté.
Pendant plusieurs semaines, je cherche des explications, mais rien n’apaise mes angoisses. Je n’arrive plus à penser clairement. Je lis des articles sur le post-partum et checke les réseaux sociaux. Les pays anglo-saxons avec leurs associations pour aider les mamans en détresse me semblent bien plus prolifiques sur la question que la France.
Besoin d’aide
Publicité
Je prends rendez-vous avec une autre spécialiste dans le privé, apaisante, mais beaucoup trop loin de chez moi. Une troisième me donne l’impression de vouloir me psychanalyser pour un tarif exorbitant.
Pendant tout ce temps, cher post-partum, je lutte pour m’occuper de mon fils. Pour ne pas sombrer. Me dire que je vais m’en sortir et ne pas culpabiliser. Papa reste à mes côtés, fait du télétravail, me rassure. Je ne le remercierai jamais assez. Ma mère remarque que quelque chose ne va pas. Elle me conseille de me ressaisir.
Mais les pires pensées continuent de me tourmenter. Les faits divers incluant des mamans me touchent et m’effraient. La violence dans les films me touche profondément. Les affaires d’agressions sexuelles me renvoient à mon enfance. Je suis devenue une autre personne et je ne serai plus jamais la même.
Lors de mes recherches (désespérées), je tombe sur l’Institut de la parentalité, une structure qui vient d’ouvrir à deux pas de chez moi. Je décide de retenter ma chance. Hors de question de laisser cet état de mal-être prendre le dessus. Après la première consultation, le soulagement est immédiat. La psychologue me parle de phobies d’impulsion tout en me conseillant de ne pas faire trop de recherches sur le sujet.
Plaidoyer pour une meilleure prise en charge du post-partum
Et c’est vrai: combien de prises de sang ai-je fait pour vérifier si tout allait bien ? Combien de médicaments m’a-t-on prescrit pour soulager les maux d’estomac du premier trimestre? Combien de fois m’a-t-on demandé si je supportais la douleur à la maternité?
Le constat est facile à établir : les corps sont pris en charge, mais les esprits sont mis de côté.
Et les tabous qui t’entourent, post-partum, font que tellement de mamans se sentent mal après avoir donné naissance. Ne pas aimer son bébé dès le premier regard. Ne pas parvenir à allaiter. Ne pas aimer allaiter. Ne pas supporter le manque de sommeil. Craindre de mal faire. De reproduire des mauvais comportements. Ne pas supporter les pleurs. Avoir terriblement envie d’être seule. Regretter. Craquer. Autant de choses inavouables pour les mamans… et les parents en général.
Cher post-partum, je dois admettre que j’ai peur d’avoir de nouveau affaire à toi. Je me demande quelle surprise tu me réserves cette fois. Devenir mère pour la première fois a été un véritable cataclysme. Vais-je de nouveau sombrer? Le plus rassurant est que je sais maintenant que l’on peut rebondir lorsque l’on est bien entouré.e. Et qu’il y a autant de post-parfums que de grossesses.
Publicité
Aujourd’hui, je plaide pour une meilleure prise en charge des mamans et des parents. Je plaide pour “la vérité derrière les sourires” de Clémentine Sarlat. Je plaide pour la fin des non-dits. Je plaide pour une meilleure prise en charge du post-partum.
*Le prénom a été changé
À voir également sur Le HuffPost: Illana Weizman raconte son post-partum et le tabou qui l’entoure
Laisser un commentaire