Les spécificités du contexte actuel exigent une analyse détaillée et éclairante de la situation psychosociale. L’intime et le collectif sont liés, les répercussions des évènements sur chaque personne le prouvent.
L’angoisse politique est l’équivalent de l’angoisse environnementale
Il est de notoriété publique que les problèmes psy flambent depuis le 1 confinement de mars 2020. Nous n’y reviendrons pas, cependant nous ne pouvons faire l’impasse sur les conséquences d’un tel état de fait. Quand des responsables politiques attisent les haines et brandissent une menace de guerre civile, sont-ils irresponsables ? Lorsque le niveau de la précampagne présidentielle a été à la hauteur du caniveau durant des mois, certains en lançant des invectives à titre d’arguments entraînent de fait des répercussions chez les citoyens et citoyennes qu’ils font mine de ne pas assumer.
«Depuis mars 2020, le cumul du Covid et les clashs de la campagne présidentielle sont envahissants et c’est cela qui fait mal.»
Prenons l’exemple des prénoms à rendre plus français. Concrètement, des Mohamed et des Leïla se sont fait embêter (le mot est parfois bien faible) dans des cours de récré, dans des ateliers, un peu partout, à la suite de ces propos. Pourquoi réveiller ou accentuer des rejets de l’autre? Il suffit qu’une “grande personne” se permette d’énoncer certaines paroles pour que cela autorise les dérapages. L’identification fonctionne à plein régime. Un candidat à l’élection suprême est évidemment un modèle, ou devrait l’être. S’il met de l’huile sur le feu est-ce pour le bien commun ou pour essayer de faire flamber des braises de haine? Ce fonds de commerce révèle autant sur l’émetteur que sur le récepteur.
Les lois contre le harcèlement ne peuvent suffire à servir de bouclier lorsque des personnes haut placées les foulent au pied ou plus exactement incitent aux débordements.
Au fond de soi, la morale n’est pas un concept ignoré
Un besoin d’exemplarité pour se cadrer soi-même est réclamé plus souvent qu’on ne semble le croire. Entendre des candidats se comporter comme s’ils étaient sur un ring les dessert.
Le désir d’exemplarité, d’honneur est très fort. Admirer serait plus fort dans la psyché humaine que la veulerie.
Une jeune “Greta” impliquée dans la protection de l’environnement au sein de son lycée me dit flipper parce que les candidats semblent surtout préoccupés de leur victoire. Cette compétition pour obtenir des voix cache mal le désintérêt des conséquences des prises de position durant la campagne, pense-t-elle également. La haine que l’on ressent à les écouter dans cette pêche aux électeurs l’inquiète. Ils ne peuvent pas nous aimer!
Ils se détestent entre eux, ces responsables politiques, me dit-elle. Même quand ils sont de la même famille politique, ce ne sont que trahisons et coups bas. Les alliances momentanées nous déstabilisent. On dirait que leurs ambitions personnelles sont plus puissantes que les idéaux.
La manière dont se déroule la campagne inquiète plus que jamais. Le racisme semble devenu respectable. Quand le racisme déborde complètement les personnes, il y a une volonté de rabaisser, c’est une régression de la pensée.
Le refoulement a cédé lorsque dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas (selon une formule autrefois revendiquée par Jean-Marie Le Pen) devient une vertu.
C’est méprisant de constater la recherche des émotions chez les électeurs plutôt que les traiter en adultes capables de réfléchir.
Réveiller les haines n’est pas anodin. C’est facile de mobiliser les foules, nous le savons. Freud et Gustave Le Bon ont montré comment les identifications au leader soude. Toutefois le Führer empêche les foules de réfléchir. Utiliser ce type de ressorts est une manipulation populiste rodée, y compris quand c’est sous la forme de spectacles télévisuels qui finissent par déshonorer la fonction présidentielle. Quand on entend scander des menaces de mort en meeting, on a compris, la démocratie est visée dans cet attentat.
Alors que les évènements sont graves, le sentiment de sécurité est encore plus menacé quand les chefs ne sont pas à la hauteur des attentes du moment. Le cadre est pourtant essentiel pour l’équilibre psychique.
En écoutant certains candidats poursuivre sur leurs lancées en désignant les mêmes boucs-émissaires on a l’impression d’entendre des refrains, voire des rengaines. Jusqu’à instrumentaliser certains drames alors que la situation a radicalement changé depuis le 24 février 2022…
La guerre résonne comme une terreur ancestrale pour l’être humain
La guerre ouvre à d’innombrables dangers: augmentation du niveau de violence, de sauvagerie, sentiment d’insécurité, régression des rapports genrés… Pour preuve, les réseaux pédocriminels sont ravis, le terme “Ukrainiennes” est le plus recherché sur les plateformes pornographiques. La guerre est machiste. La guerre est meurtrière à plusieurs niveaux.
L’impact sur ses propres conduites est loin d’être négligeable. On souffre pour les populations massacrées, pour les mères devenues soutien de famille avec les enfants en exil, pour les femmes et les hommes au combat. L’élan de solidarité en atteste et contredit les penchants mortifères que d’aucuns voulaient (et veulent encore) voir nous dominer.
Depuis mars 2020, le cumul du Covid et les clashs de la campagne présidentielle sont envahissants et c’est cela qui fait mal.
C’est un trauma qui s’ajoute à un autre. Et, oui, ça fait mal. Beaucoup de Français et de Françaises en témoignent et manifestent des troubles anxieux ou somatiques.
Il faut mettre les candidats face à leurs responsabilités. La santé ne se détruit pas impunément. A quoi ça sert de parler budget Santé si on méprise concrètement autrui au point de le faire souffrir juste pour faire avancer un pourcentage d’intentions de vote dans le prochain sondage ?
Que faire concrètement? est une autre interrogation qui revient quotidiennement.
Un échange entre Einstein et Freud (excusez du peu !) autour de la question Pourquoi la guerre ? révèle que seule la culture (la civilisation) est à privilégier pour se détourner de la destruction.
Pouvons-nous nous revendiquer de Freud et d’Einstein en accordant plus d’intérêt à l’intelligence qu’aux volontés de nous dresser les uns contre les autres?
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