Mediator : les laboratoires Servier reconnus coupables de tromperie aggravée, condamnés à 2,7 millions d’euros d’amende
Pour ce procès hors-norme, la justice a mobilisé des moyens inédits. Pour la 1ère fois, le délibéré est retransmis en direct, dans deux salles de la cour d’appel de Montpellier. L’occasion pour les nombreuses victimes de suivre la lecture du jugement. Dans la capitale héraultaise, 120 victimes sont défendues par Catherine Szwarc, avocate.
Tromperie aggravée
Les laboratoires Servier sont reconnus coupables de tromperie aggravée et condamnés à 2,7 millions d’euros d’amende. Pour la justice, ce médicament antidiabétique est considéré comme étant responsable de la mort de centaines de personnes. Pour l’accusation, les laboratoires Servier ont sciemment dissimulé les propriétés anorexigènes (coupe-faim) et les dangeureux effets secondaires de ce médicament pris par 5 millions de personnes jusqu’à son retrait du marché en 2009.
Scandale révélé en 2010
Consommé pendant plus de 30 ans par cinq millions de personnes en France, le Mediator, un antidiabétique largement détourné comme coupe-faim, a été retiré du marché en novembre 2009. Il pourrait être responsable sur le long terme de 500 à 2 100 décès, selon différentes études.
C’est en 2010 que le scandale a été révélé par la pneumologue Irène Frachon. Selon elle, les répliques du séisme Mediator se ressentent encore aujourd’hui : « l’affaire a été un des marqueurs de la rupture de confiance, elle a créé un climat de défiance. Cela a engendré une très grande confusion : les gens ne savent plus à qui se fier, on le voit pendant la pandémie », exprime la lanceuse d’alerte.
10 millions d’euros d’amende requis
Pendant les huit mois d’audience, le tribunal a tenté de comprendre comment ce médicament avait pu rester commercialisé trente-trois ans malgré les alertes sur sa dangerosité dès les années 90.
Sur le banc des prévenus, les laboratoires Servier, deuxième groupe pharmaceutique français, sont poursuivis pour « tromperie aggravée », « escroquerie » et « homicides et blessures involontaires ». Mais aussi l’Agence de sécurité du médicament (ANSM) pour « homicides et blessures involontaires » par négligence.
10 millions d’euros d’amende ont été requis contre six sociétés du groupe Servier. Cinq ans de prison dont trois ferme et 200 000 euros d’amende ont également été requis contre Jean-Philippe Seta, l’ex-bras droit de Jacques Servier, le patron-fondateur du laboratoire, décédé en 2014.
Jean-Philippe Seta reconnu coupable des faits reprochés est condamné à 4 ans d’emprisonnement avec sursis et 90 600 euros d’amende. Le délibéré est en cours jusqu’à environ 13 h.
Plus d’informations à venir ainsi que les réactions des parties civiles, nombreuses sans la salle.
Résumé des différentes décisions de justice
31 juil 2015 : la cour administrative d’appel de Paris confirme la responsabilité de l’Etat envers une victime, après le tribunal administratif en 2014, car le retrait aurait dû intervenir « au plus tard » en 1999.
22 oct 2015 : saisi par deux malades, le tribunal de grande instance de Nanterre reconnaît pour la première fois la responsabilité civile des laboratoires Servier qui ne pouvaient « ignorer les risques ». Le jugement est confirmé le 14 avril 2016.
25 avr 2016 : fin de l’enquête des juges d’instruction.
27 oct 2016 : la cour d’appel de Versailles déboute une cinquantaine de personnes qui, sans être malades, invoquaient leur préjudice d’anxiété. Douze avaient obtenu des indemnités en première instance début 2016.
9 nov 2016 : la faute de l’Etat commence à la mi-1999, juge le Conseil d’Etat, mais il n’a pas à indemniser les victimes, car les fautes de Servier l’exonèrent.
24 mai 2017 : le parquet de Paris demande le renvoi devant le tribunal correctionnel des laboratoires Servier et de l’Agence du médicament dans le volet principal du scandale du Mediator.
Par ailleurs, l’accusation a également demandé une amende de 200 000 euros à l’encontre de l’Agence nationale de sécurité.
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