Écrit et réalisé par Yohan MANCA – France 2021 1h48mn – avec Maël Rouin-Berrandou, Judith Chemla, Dali Benssalah, Sofian Khammes, Moncef Farfar… Librement inspiré de la pièce de théâtre Pourquoi mes frères et moi on et parti… de Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre.
Du 02/02/22 au 01/03/22
« Il ne faut pas qu’il passe à côté de cette chance : il a le chant en lui. Ça peut l’aider à tout voir différemment, lui donner de la joie, de la force. » Dans les quartiers populaires, on a le plus souvent d’autres préoccupations que la culture : il faut payer les factures, se débrouiller par tous les moyens pour survivre au mieux. Alors, allez donc parler d’opéra, perçu comme l’art élitiste par excellence, on vous considèrera comme un illuminé, un doux rêveur complètement à côté de la plaque, avant de vous rappeler aux dures réalités de votre existence : vous n’êtes pas chez les princes des villes, mais chez les manants banlieusards et il faut trimer. Pourtant, l’art peut aussi pulvériser les frontières, il peut être une porte qu’il suffit parfois de pousser si l’on vous invite à entrer… C’est tout ça que raconte Mes frères et moi, premier film formidable de Yohan Manca, à travers une approche romanesque pleine de charme, très vivante mais solidement ancrée dans une réalité remarquablement observée et restituée.
C’est l’été, dans une ville française du bord de mer (le réalisateur a choisi de ne pas situer précisément son récit, ni dans les lieux, ni dans le temps) et Nour (Maël Rouin Berrandou, absolument épatant), un ado de 14 ans, repeint un couloir de son propre collège (il voudrait d’ailleurs arrêter l’école car « ici, on a l’impression que ça ne sert plus à rien ») dans le cadre d’une « mesure éducative ». C’est alors qu’une voix cristalline s’élève, traversant les murs depuis une classe. Elle chante La Traviata, que Nour connaît bien car son père italien disait son amour à sa mère originaire d’Afrique du Nord en lui chantant de l’opéra. Curieux, il se rapproche et observe à la dérobée un atelier animé par Sarah (Judith Chemla). La professeure l’aperçoit : « tu veux chanter avec nous ? » Nour chante donc un air du répertoire paternel : Una furtiva lagrima (extrait de L’Élixir d’amour de Donizetti).
L’ado a une voix et une oreille quasi-miraculeuses, et Sarah – la prof de chant – voudrait qu’il exprime son talent, qu’il le pratique, qu’il le travaille, mais sa situation familiale très compliquée entrave son désir timide de s’intégrer à l’atelier. Nour vit en effet dans une cité populaire avec ses trois grands frères : le rigide Abel (Dali Benssalah) qui a remplacé le père mort trop jeune, le diplomate et décontracté Mo (Sofian Khammes) qui fait le gigolo auprès des touristes, et l’impulsif et agressif Hedi (Moncef Farfar), qui deale sur la plage. Une fratrie tumultueuse, toujours en quête d’argent pour survivre, mais soudée par un amour inconditionnel, qui veille sur la mère, clouée dans son lit par la maladie… Dans ce contexte, pas évident pour Nour de se lancer dans l’opéra…
Chronique sociale finement menée, récit initiatique attachant, Mes frères et moi emporte l’adhésion grâce à sa sincérité et à son charme incroyable, sa fraîcheur, son humour, sa manière délicate de faire naître l’émotion. La générosité et l’amour débordent de l’écran, c’est un film qui, sans naïveté ni manipulation, fait un bien fou.
(merci à F. Lemercier, cineuropa.org)
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