La population mondiale, actuellement estimée à 8,2 milliards d’habitants, pourrait atteindre 9,7 milliards d’ici 2050. Après un pic prévu dans les années 2080 à 10,3 milliards, il est anticipé qu’elle redescende à 10,2 milliards d’ici 2100. Ces prévisions ont été récemment publiées par les Nations unies dans leur rapport « World Population Prospects » en juillet 2024.
Cette estimation a suscité de vives réactions parmi les experts et les commentateurs. Alors que la surpopulation mondiale était jusqu’alors un sujet de préoccupation majeur, c’est désormais le risque d’un « hiver démographique » qui émerge comme une nouvelle menace. Cela peut susciter des inquiétudes dans des sociétés qui reposent sur la croissance économique, un facteur souvent lié à l’augmentation de la population.
Des figures publiques, comme le milliardaire Elon Musk, ont exprimé leur inquiétude en déclarant que « l’effondrement de la population en raison de taux de fécondité bas est un problème beaucoup plus sérieux pour la civilisation que le réchauffement climatique ». Quelles répercussions peuvent avoir ces nouvelles projections sur nos sociétés ?
En 2022, l’ONU avait déjà prévu une décélération de la croissance démographique, bien que dans des proportions légèrement différentes. Fait intéressant, ces derniers chiffres se rapprochent des premières projections de 1981, qui anticipaient une population mondiale de 10,5 milliards d’habitants d’ici 2100. Gilles Pison, professeur émérite au Museum national d’histoire naturelle, note que « c’est une révision à la baisse, mais cette baisse est très légère ».
Une fécondité inférieure aux attentes
Les projections par continent ont subi un changement significatif. En 1981, l’Asie était projetée à 5,9 milliards d’habitants en 2100, un chiffre qui a chuté à 4,6 milliards aujourd’hui, soit une diminution de 22 %. En Amérique latine, la situation est similaire : au lieu de 1,2 milliard d’habitants, elle pourrait en avoir seulement la moitié. À l’inverse, l’Afrique, initialement prévue à 2,2 milliards, pourrait atteindre près de 3,8 milliards d’ici la fin du siècle.
Ces évolutions démographiques s’expliquent par une mortalité en baisse plus rapide que prévu, mais également par trois surprises liées à la fécondité, selon Gilles Pison. D’abord, le taux de fécondité dans les pays développés est resté en dessous du seuil de remplacement de 2,1 enfants par femme, contrairement aux attentes. Les pays en développement affichent aussi des taux de fécondité plus bas, rendant obsolète l’idée d’une convergence vers le seuil de remplacement.
Deuxièmement, de nombreux pays d’Asie et d’Amérique latine ont vu une baisse de la fécondité plus rapide que prévu. Enfin, bien que les taux de fécondité en Afrique aient diminué, cette baisse est moins rapide que ce qui avait été anticipé, ce qui explique la révision à la hausse des prévisions démographiques pour le continent.
Ces projections doivent être considérées comme des tendances plutôt que comme des prédictions absolues. Elles sont relativement fiables pour le court terme, soit les trente prochaines années, mais comportent plus d’incertitudes à long terme.
Une nécessité de réforme de nos modes de vie
Le scénario central proposé par les Nations unies est-il donc une bonne nouvelle pour notre planète ? Cette question soulève un point crucial : la taille de la population humaine est-elle vraiment l’une des causes des dérèglements climatiques et des atteintes à l’environnement ?
« Le problème n’est pas le nombre de personnes, mais la manière dont nous vivons », souligne Gilles Pison. Même si la population mondiale était réduite à un milliard, si elle adoptait un mode de vie similaire à celui des Américains du Nord ou des Européens, les problèmes environnementaux persisteraient. Actuellement, cette population est approximativement celle des pays industrialisés, qui ont été les principaux contributeurs aux dérèglements climatiques.
Il est illusoire de croire qu’une réduction rapide de la croissance démographique est réalisable, en raison de l’inertie démographique. Cependant, il est urgent de modifier nos modes de vie pour les rendre plus durables et respectueux de l’environnement.
« Il est impératif d’agir rapidement pour changer nos modes de vie, en les rendant plus économes en ressources et en énergie, tout en respectant l’environnement et la biodiversité », affirme le démographe.
Qu’en est-il des pays en développement ? Le défi consiste à améliorer les conditions de vie sans reproduire les schémas de développement insoutenables des pays industrialisés.
« Une société de bien-être pour tous ne signifie pas nécessairement une augmentation des gaz à effet de serre. Les pays riches ont une responsabilité particulière, car leurs modes de vie sont souvent copiés. D’où l’urgence de les changer », conclut Gilles Pison.
L’égalité entre les sexes comme facteur déterminant
Comment les inégalités entre hommes et femmes sont-elles liées à la fécondité ? Est-il possible que la baisse des taux de fécondité améliore cette situation ? Gilles Pison répond que « il existe un lien entre la fécondité et l’égalité hommes-femmes, mais il fonctionne dans l’autre sens ».
Dans les pays où la fécondité demeure élevée, l’amélioration des conditions de vie des femmes, notamment à travers l’éducation et l’accès à l’emploi, est ce qui entraîne une baisse des taux de fécondité, et non l’inverse. Dans les pays développés, il est intéressant de noter que les taux de fécondité les plus élevés se trouvent dans les pays où les inégalités entre sexes ont le plus diminué, comme en Europe du Nord.
Dans les pays industrialisés à très faible fécondité, comme la Corée du Sud ou le Japon, cela est souvent lié aux inégalités persistantes entre hommes et femmes.
Enfin, la démographie est souvent entourée de mythes, mais il est important de reconnaître que les politiques publiques ont peu d’influence sur elle. Elle est souvent le reflet de phénomènes sociaux plus larges, plutôt que leur cause directe.
En savoir plus sur L'ABESTIT
Subscribe to get the latest posts sent to your email.