Pour qui voter? l’élection présidentielle vire à la douche froide pour ces jeunes écolos
Il y a trois ans, le mouvement “Youth for Climate France” voyait le jour après l’appel de la militante écologiste Greta Thunberg. Chaque vendredi, pendant plusieurs mois, lycéens et étudiants avaient pris l’habitude de sécher les cours pour descendre dans la rue et interpeller le gouvernement sur l’urgence climatique. Le 15 mars 2019, 168.000 jeunes avaient défilé dans 200 villes de France.
Aujourd’hui, beaucoup de ces jeunes écologistes vivent leur première élection présidentielle et s’avouent déçus. Le sujet de l’urgence environnementale n’a pas été au coeur de la campagne comme on aurait pu l’imaginer. Maxime, Erwan, Anna, Marie et Merlin nous partagent leur désillusion.
“Un non-sujet de campagne”
Pour Merlin, engagé au sein de Youth for Climate Toulouse et de Extinction Rebellion, “cette campagne présidentielle est un grand spectacle”. L’étudiant de 18 ans en audiovisuel explique: “Quand je vois les pourcentages de temps de parole consacrés à l’écologie alors que c’est un sujet essentiel et que c’est une des plus grandes préoccupations des Français, je remarque un écart monstrueux”.
Chaque semaine, depuis le 17 février, l’Affaire du siècle partage le pourcentage du temps consacré au climat dans la campagne présidentielle, grâce à un baromètre élaboré par l’institut Onclusive (ex-Kantar).
Engagé dans le mouvement politique écologiste Vivre la France, Erwan partage un avis similaire: “On a légèrement commencé à en parler il y a quelques semaines, mais en grande partie grâce à la mobilisation citoyenne. Il y a eu la marche Look Up, puis celle du 25 mars. Les candidats en parlent vite fait pour dire que ‘non, ils n’oublient pas’, mais, en réalité, le traitement médiatique de cette cause est quasiment inexistant”.
“Même avant la guerre en Ukraine, on en parlait peu. Je suis triste et désolé que malgré l’urgence évidente ça soit un non-sujet de campagne”, renchérit Maxime, étudiant à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye. Anna, 18 ans, résume: “Ça devrait être au cœur du sujet et ça ne l’est absolument pas”.
Tristesse, colère, peur et éco-anxiété
Face à ce manque, beaucoup ressentent de la frustration. Activiste Youth for Climate, Marie, 20 ans, est préoccupée: “On s’inquiète, si déjà dans les débats on ne pose pas le sujet, qu’est-ce que ça va être ces trois prochaines années?”. L’étudiante en région parisienne rappelle que “le rapport du GIEC ne nous donne plus que trois ans, c’est même pas un mandat entier!”.
À 19 ans, Erwan éprouve “un mélange de tristesse, de colère et de peur”. “Parce que je me dis que c’est tellement important que ça me frustre de ne pas en entendre parler. Parce qu’on sait ce que les candidats ne proposent pas et on sait à quel point ils sont en manque là-dessus”, explique-t-il. “Il y a un sentiment d’impuissance parce qu’on nous donne ce droit de vote mais il ne nous permet pas de nous battre pour nos opinions car c’est un sujet qui n’est pas mis en avant”, ajoute Merlin.
Il y a un sentiment d’impuissance, on nous donne ce droit de vote mais il ne nous permet pas de nous battre pour nos opinions car c’est un sujet qui n’est pas mis en avant.Merlin, 18 ans
Ce dernier ressent de l’éco-anxiété. “Il y a un vrai mal-être: tous les gens que je connais dans nos mouvements le ressentent. Il y a ce sentiment de ‘à quoi bon étudier si je n’ai pas de futur?’”. C’est d’ailleurs en partie pour y faire face qu’il a rejoint cette année les organisations Youth for Climate et Extinction Rebellion. Anna et Marie disent, elles aussi, souffrir de cette angoisse écologique. “Ça me fait trop peur. On est déconnectés des enjeux qui vont dans tous les cas se produire. On se sent démunis”, confie Marie. Sa mobilisation pour la planète, commencée au lycée, a constitué son premier engagement.
“Quand on essaie d’imaginer un avenir à mon âge, c’est complètement différent des années 1960. On ne sait pas de quoi le futur sera fait et c’est stressant, apeurant”, complète Anna. La lycéenne et militante de Youth for Climate Pau, qui a récemment interpellé le chef de l’Etat au sujet de l’éco-anxiété, se dit “très très en colère” et voit “l’avenir très sombre”.
C’est en ce sens que Merlin dit comprendre que “beaucoup de gens choisissent de ne pas regarder la vérité en face, parce que, quand on le fait, c’est assez terrifiant”.
Des militants qui n’ont pas abandonné
S’ils ont tous participé aux marches pour le climat du 12 et du 25 mars dernier, leurs expériences sont contrastées. Elles reflètent cette absence des questions environnementales dans la campagne présidentielle. “On a réussi à réunir plus de 300 jeunes à Pau, ce qui est énorme. Tout le monde était à fond, content mais aussi révolté. J’ai retrouvé ce sentiment-là de début 2019, pas aussi fort mais j’espère que l’étincelle est là”, raconte Anna qui a organisé la marche Youth For Climate Pau du 25 mars. À Toulouse, Merlin s’est, lui, senti démuni: “On a eu très peu de monde, c’était un peu démoralisant. On était 200, 300 alors qu’il y avait presque 6000 personnes en 2019”. “Aujourd’hui, c’est une désillusion, on ne sait plus trop comment agir pour alerter”, complète Marie.
Pour certains, la percée dans les sondages de Jean-Luc Mélenchon, qui porte l’un des programmes écologistes les plus ambitieux avec Yannick Jadot, apporte de “l’espoir”. “On se dit qu’il y a des gens qui ont quand même travaillé sur le sujet”, motive Marie. Pour Maxime, qui n’est pas engagé dans un mouvement écologiste en particulier, ”ça serait une victoire si, au deuxième tour, on pouvait parler d’autre chose que d’immigration […]. J’en suis au point que le simple fait de parler d’environnement, d’en faire un sujet important de la campagne, c’est déjà une victoire en soi”.
J’en suis au point que le simple fait de parler d’environnement, d’en faire un sujet important de la campagne, c’est déjà une victoire en soi.Maxime, 21 ans
Que ce soit à Toulouse, Pau ou en région parisienne, tous continuent néanmoins de se mobiliser face à l’urgence environnementale. Erwan et Anna sont certains d’aller marcher pour le climat ce samedi 9 avril, Maxime continue de s’engager dans l’association solidaire et écologiste de son école et Merlin a pour projet de réaliser des films engagés sur l’écologie. Quant à Marie, elle souligne, enthousiaste, que “de nouvelles personnes rejoignent les marches et les organisations”. Malgré leur désenchantement, chacun ira aux urnes ce dimanche 10 avril.
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