Chaque semaine, Alternatives Economiques vous propose quatre graphismes qui offrent une perspective différente sur l’actualité. Au programme de ce graphorama récent : conséquences pour Carlos Tavares ; 2024 sera l’année où la température mondiale dépassera 1,5 °C ; les faillites d’entreprises continuent d’augmenter, mais à un rythme plus lent ; et les dix pays les plus prospères du globe sont des refuges fiscaux.
1/ La dégringolade de Carlos Tavares, ou la fausse idée d’une stratégie axée sur la rentabilité
Il y a à peine un an, Carlos Tavares était encore célébré comme celui qui avait propulsé le groupe Stellantis, né de la fusion entre PSA et Fiat-Chrysler Automobiles (FCA), vers de nouveaux sommets. Mais la situation s’est retournée contre lui. Écarté, le dirigeant portugais le plus emblématique du groupe français a annoncé sa démission en date du 1er décembre.
Les raisons de ce départ sont nombreuses, incluant un management sévère et des tensions avec le gouvernement italien, mais relèvent également d’une stratégie axée sur l’optimisation de la marge. Carlos Tavares, qui a pris en main le groupe à sa création début 2021, après avoir dirigé PSA, a privilégié la valeur au volume.
Cette approche a consisté à favoriser les ventes des modèles les plus onéreux en vue d’améliorer les marges, tout en augmentant les tarifs des voitures plus accessibles. Cela, sans véritablement se soucier de l’évolution des quantités écoulées. Tant que les bénéfices et marges augmentent, peu importe une baisse dans le volume des ventes !
Ce modèle, fondé sur des critères financiers, a fonctionné un temps. La marge de Stellantis a grimpé à près de 15 %, alors que les constructeurs de milieu de gamme tournent généralement autour de 4 à 7 %. Toutefois, à force de trop augmenter les prix, les quinze marques du groupe Stellantis ont perdu des parts de marché. La part de Stellantis aux États-Unis a chuté de 11,5 % en 2021 à 9,6 % en 2023, et les premiers résultats de 2024 montrent que cette tendance se poursuit. Une évolution préoccupante, sachant que l’Amérique du Nord représente 45 % du chiffre d’affaires du groupe.
Concernant l’Europe, qui constitue un tiers des revenus, la tendance est similaire : la part de marché est tombée de 22,1 % en 2021 à 18,3 % en 2023. En définitive, la marge attendue pour cette année chute fortement. Elle se rapproche des niveaux normaux, même si elle demeure relativement élevée pour le secteur. Ce retour à un état normal est perçu par les actionnaires comme une réduction drastique des résultats financiers. Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel…
Justin Delépine
2/ 2024, l’année la plus chaude jamais enregistrée (jusqu’à présent)
La COP 29 à Bakou s’est conclue par un échec, alors que le monde continue d’accuser une hausse des températures à un rythme alarmant. L’année 2024 établit ainsi un nouveau record de chaleur, marquant le premier moment où la température mondiale dépassera de plus de 1,5 °C la moyenne d’avant l’industrialisation, selon l’institut européen Copernicus.
L’anomalie de température devrait atteindre + 1,55 °C en 2024. Cette évaluation est fondée sur les relevés des dix premiers mois de l’année, jusqu’à octobre. Pour que 2024 ne surpasse pas le record de 2023 (+ 1,48 °C), il faudrait que « l’anomalie de température moyenne pour le reste de l’année 2024 soit presque nulle », avait déclaré Copernicus début novembre. Un scénario impensable.
Cela signifie-t-il que l’objectif de l’accord de Paris – maintenir le réchauffement à 1,5 °C – est forcément perdu ? En théorie, pas encore. Même si nous avons dépassé les 1,5 °C de réchauffement durant au moins quinze mois consécutifs – la fin de l’année 2023 étant particulièrement chaude –, il est nécessaire que cet excès persiste plusieurs années pour que les scientifiques estiment que l’objectif est définitivement inatteignable.
En pratique, l’espoir est très limité. Pour se conformer à l’objectif de 1,5 °C, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) a calculé que les émissions de gaz à effet de serre doivent diminuer de 9 % par an jusqu’en 2030. Or, ces émissions continuent d’augmenter.
Matthieu Jublin
3/ Faillites d’entreprises : hausse persistante, mais…
Dans l’ombre des réductions d’effectifs chez des entreprises célèbres comme Auchan ou Michelin, le nombre de faillites continue de croître. Au troisième trimestre 2024, sur une période de douze mois cumulés, la Banque de France a enregistré 64 650 défaillances. Pour Mathieu Plane, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), cela n’a rien de surprenant :
« Entre 2020 et 2023, les pouvoirs publics ont durablement soutenu l’économie pour éviter l’effondrement du tissu économique. Les aides exceptionnelles, les prêts garantis par l’État (PGE) et les taux bas ont permis à de nombreuses entreprises de traverser la tempête, alors qu’en temps normal, plusieurs d’entre elles auraient fait faillite. »
Actuellement, il est temps de rembourser les PGE. Il n’est donc pas anormal que certaines « entreprises zombies » rencontrent des difficultés. « Nous assistons à une reprise des faillites, accentuée par la sortie du “quoi qu’il en coûte” », ajoute l’économiste. De plus, d’autres facteurs tels que le ralentissement économique, la flambée des coûts de l’énergie, la concurrence étrangère accrue ou la baisse de la consommation ajoutent à la complexité des défis auxquels certaines entreprises doivent faire face.
Malgré ce tableau alarmant, un ralentissement de la hausse des faillites se dessine ces derniers mois, selon le cabinet Altares dans son rapport le plus récent. Cette décélération ne traduit pas une diminution, mais pourrait suggérer une forme de stabilisation, comme l’explique Thierry Millon, directeur des études d’Altares :
« Il semble compliqué de retomber sous le seuil actuel dans les semaines à venir. Cependant, la vigilance doit moins se porter sur le nombre […] de défaillances que sur la vulnérabilité des PME et ETI (entreprises de taille intermédiaire, NDLR) dont les défauts risquent de peser sur les fournisseurs et l’emploi », conclut-il.
Audrey Fisné-Koch
4/ Les dix pays les plus riches par habitant sont tous des refuges fiscaux
Le World Inequality Lab de Paris a mis en lumière les données les plus récentes sur les inégalités à l’échelle mondiale. Peu de révélations majeures, à l’exception d’un intéressant graphique présentant les dix pays les plus riches en termes de revenu par habitant.
On s’attendait à voir les États-Unis au sommet, accompagnés de quelques anciennes puissances industrielles. Ce n’est pas le cas. Les dix pays les plus riches du monde se révèlent être des refuges fiscaux. Tous sans exception. Alors que le revenu moyen mondial par personne est estimé à 1 065 euros par mois, celui d’un habitant de Monaco atteint 12 800 euros, créant un écart incroyable.
Cependant, ces chiffres reflètent une réalité trompeuse. La majorité des actifs mondiaux ne résident pas à Monaco ou dans les Îles Caïmans, mais sont plutôt investis dans les principales places financières internationales. Néanmoins, se déclarer résident de ces territoires offshore permet d’échapper à diverses réglementations, fiscales notamment.
Heureusement, la proportion d’actifs dissimulés dans les refuges fiscaux a nettement diminué ces dernières années. Cela pourrait, peut-être, modifier les futurs classements !
Christian Chavagneux
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